Photo : Portrait de Yasser Abu Shabab © Page Facebook des Forces Populaires
L’assassinat du chef de la milice de Gaza, Yasser Abu Shabab, confirmé par son groupe Forces populaires et par les médias israéliens, marque la disparition définitive d’un homme qui tentait de se présenter, avec le soutien d’Israël, comme une alternative au Hamas, mais qui était largement critiqué par les Palestiniens qui le considéraient comme un collaborateur.
Âgé d’une trentaine d’années et issu de la tribu bédouine Tarabin du sud de Gaza, Abu Shabab était largement inconnu dans l’enclave palestinienne jusqu’à son émergence à la tête d’une milice l’année dernière. Initialement appelée « Service antiterroriste », elle était devenue en mai de cette année les « Forces populaires », un groupe solidement armé d’au moins 100 combattants opérant dans les zones de Gaza contrôlées par Israël.
Le groupe opérait à mi-chemin entre un gang criminel et une force supplétive israélienne, mais se présentait comme un groupe nationaliste palestinien dédié à la lutte contre le Hamas.
Cette identification servait les intérêts d’Israël, même si son objectif final pour le groupe n’a jamais été clair, en particulier lorsqu’il est devenu évident que les Forces populaires ne bénéficiaient d’aucune forme de popularité auprès de la population.
En effet, pour de nombreux Palestiniens, Abu Shabab était un criminel : il avait été emprisonné pendant plusieurs années par les autorités palestiniennes à Gaza pour des accusations liées au trafic de drogue avant de s’échapper de prison au début de la guerre contre Gaza.
Son alliance ultérieure avec Israël, alors que ce dernier commettait un génocide à Gaza en tuant plus de 70 120 personnes, l’a immédiatement disqualifié aux yeux de la plupart des Palestiniens, y compris sa propre tribu, qui a déclaré dans un communiqué que son assassinat marquait « la fin d’un chapitre sombre qui ne représente pas l’histoire de la tribu ».
Ambiguïté idéologique
Il est difficile de cerner l’idéologie d’Abu Shabab, de nombreux observateurs affirmant qu’il était motivé par le pouvoir plutôt que par une position politique particulière.
Le fait que son groupe se soit initialement présenté comme « antiterroriste » est quelque peu ironique compte tenu des informations faisant état de ses liens avec l’EIIL (Daech), même si ceux-ci concernent principalement la coopération dans le trafic de contrebande entre la péninsule du Sinaï en Égypte et Gaza, plutôt qu’une idéologie commune.
Il y a également toujours eu un décalage entre le parcours d’Abu Shabab et sa présence sur les réseaux sociaux, avec des publications en anglais et même un article d’opinion publié par le Wall Street Journal.
Dans cet article, Abu Shabab affirmait que ses Forces populaires contrôlaient une grande partie de l’est de Rafah, dans le sud de Gaza, et étaient « prêtes à construire un nouvel avenir ».
« Notre objectif principal est de séparer les Palestiniens qui n’ont rien à voir avec le Hamas du feu de la guerre », affirmait l’article qui lui était attribué.
Mais alors qu’Abu Shabab tentait de minimiser ses liens avec Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a admis en juin que son gouvernement utilisait des clans armés – dont les médias ont clairement indiqué qu’il s’agissait des forces d’Abu Shabab – pour combattre le Hamas.
Selon Netanyahu, l’idée d’utiliser de telles forces était le résultat des conseils des responsables de la sécurité, même après les tentatives infructueuses passées de collaboration avec des groupes locaux tels que l’Armée du Sud-Liban, dans le nord du pays du cèdre.
Pillage
Les Forces populaires ont cherché à se présenter comme un groupe contribuant à distribuer l’aide humanitaire indispensable aux Palestiniens de Gaza, en particulier dans les sites gérés par le GHF, soutenu par les États-Unis et Israël.
Abu Shabab a déclaré à CNN qu’il dirigeait « un groupe de citoyens de cette communauté qui se sont portés volontaires pour protéger l’aide humanitaire contre le pillage et la corruption », et son groupe partage des photos de ses forces distribuant l’aide.
Mais Abu Shabab et les Forces populaires ont depuis été accusés d’avoir pillé des convois d’aide humanitaire. Une note interne des Nations unies consultée par le Washington Post le qualifie de « principal acteur et le plus influent derrière le pillage systématique et massif », et des sources sécuritaires à Gaza ont confirmé à Al Jazeera Arabic que le groupe soutenu par Israël avait participé au pillage.
Ces accusations, alors que Gaza souffrait d’une famine provoquée par les restrictions israéliennes sur l’accès à l’aide et la destruction des infrastructures palestiniennes, ont renforcé l’impression qu’Abu Shabab n’était qu’un simple mandataire d’Israël.
Il n’est donc peut-être pas surprenant que peu de Palestiniens à Gaza – même ceux qui s’opposent au Hamas – aient versé une larme à la mort d’Abu Shabab.
Les circonstances de ce meurtre restent floues, tout comme les origines d’Abu Shabab et son rôle pendant la guerre.
Mais en fin de compte, lorsqu’il est devenu évident qu’il n’avait ni le soutien ni le pouvoir nécessaires pour constituer une véritable alternative au Hamas, son sort semblait de plus en plus scellé.
Traduction : AFPS




