Le récent pic de violence contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée fait craindre qu’une nouvelle guerre n’éclate avec Israël, ont averti des experts palestiniens.
S’exprimant lors d’une table ronde organisée par le Middle East Institute jeudi, Omar Shaban, directeur du groupe de réflexion Pal-Think For Strategic Studies, basé à Gaza, a déclaré que la situation dans la bande assiégée était tendue et que l’on craignait que les attaques en Cisjordanie occupée ne se propagent à Gaza et qu’une guerre n’éclate.
"Il sera difficile pour le Hamas de garder le silence si les choses empirent à Jérusalem", a déclaré Shaban.
"La communauté internationale doit comprendre que la guerre de 2021 pourrait se reproduire dans les prochains jours."
La Cisjordanie occupée a connu cette année une augmentation des attaques armées palestiniennes contre des cibles israéliennes.
Les tensions surviennent alors que les forces israéliennes intensifient leurs opérations quasi quotidiennes de raids et d’arrestations dans diverses parties de la Cisjordanie, qui aboutissent souvent à blesser ou à tuer des Palestiniens.
Plus de 150 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens cette année, dont 49 dans la bande de Gaza et au moins 100 en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est - ce qui en fait l’année la plus meurtrière dans le territoire palestinien depuis 2015.
Le mois dernier, des inconnus ont tiré sur un bus israélien transportant des colons à Silwad, près de Ramallah, mais aucune victime n’a été signalée.
Puis, au début du mois, une fusillade contre un bus israélien en Cisjordanie occupée a fait au moins six soldats et un chauffeur civil blessés, selon l’armée israélienne.
Les forces israéliennes ont arrêté deux Palestiniens en rapport avec l’incident.
L’année dernière, à la suite d’incursions israéliennes répétées dans le complexe de la mosquée al-Aqsa, ainsi que d’attaques de colons israéliens contre des familles palestiniennes en Cisjordanie, notamment dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est, le Hamas a réagi en lançant des roquettes sur des cibles israéliennes.
Il s’en est suivi une guerre israélienne de 11 jours contre Gaza. Environ 250 Palestiniens, dont des dizaines de femmes et d’enfants, ont été tués au cours du conflit de 2021.
M. Shaban a déclaré que la situation actuelle lui rappelle les moments qui ont précédé la guerre de l’année dernière. Il a déclaré que le ciel au-dessus de la bande de Gaza est rempli de drones israéliens qui surveillent la bande assiégée.
"Je peux vous dire maintenant, nous sommes à Gaza, nous sommes très inquiets. Tout est surveillé. Et si les choses s’aggravent à Jérusalem, j’ai très peur, moi aussi, que les choses se détériorent."
Aucun espoir pour les jeunes Palestiniens
Suheir Freitekh, expert palestinien et ancien consultant pour l’International Crisis Group, a déclaré que les tensions actuelles en Cisjordanie occupée découlent de la situation politique et financière dans laquelle se trouvent désormais la plupart des Palestiniens qui y vivent.
Les pourparlers de paix visant à une solution à deux États se sont effondrés en 2014, et au cours des dernières années, les colonies israéliennes illégales en Cisjordanie ont surgi à un rythme croissant.
"Il y a l’impasse du processus de paix. Pas de négociations, pas d’espoir d’un État palestinien indépendant", a-t-elle déclaré lors du panel de jeudi.
Pendant ce temps, le mécontentement envers l’Autorité palestinienne, l’organe directeur en Cisjordanie, s’accroît.
Des initiés et des observateurs ont déclaré à Middle East Eye l’année dernière que la fragilité de l’AP était visible depuis des mois, en commençant en avril 2021 avec le report des élections, puis en mai lorsque l’AP a été mise sur la touche pendant le bombardement israélien de Gaza.
Pendant ce temps, la ville de Jénine a connu une résurgence de la résistance armée depuis l’année dernière. Israël, en coordination avec l’AP, tente depuis des mois d’arrêter des dizaines de suspects palestiniens connus d’eux.
" La résistance se poursuit et devient de plus en plus forte dans le camp de Jénine et s’étend à la ville et à sa campagne ", a précédemment déclaré à MEE Atta Abu Rumaila, un dirigeant du mouvement Fatah dans le camp de Jénine.
" L’occupation israélienne possède toutes les capacités militaires, mais elle ne possède pas la volonté du camp de Jénine et de ses habitants. Le camp n’a pas été vaincu lors de l’Intifada Al-Aqsa en 2022, il ne l’est pas non plus aujourd’hui."
Selon Freitekh, les Palestiniens qui ont pris les armes contre les forces israéliennes ces dernières années le font en raison du manque d’espoir en Cisjordanie, et la répression accrue des forces israéliennes ne fait qu’inciter à la résistance armée.
"Ces militants en Cisjordanie, ce sont pour la plupart des enfants, nés en 2000 [ou après] et ils n’ont aucun espoir. Ce sont des individus et ils ne sont pas d’une faction, comme ce qui est publié dans les médias", a-t-elle déclaré.
"Lorsque l’armée israélienne entre dans le camp de Jénine, elle veut juste un homme recherché. Mais quand ils partent", a déclaré Freitek, l’armée donne à 20 autres personnes l’envie de riposter, "sentant qu’ils veulent se venger de ce qui s’était passé cette nuit-là."
Traduction et mise en page : AFPS / DD