Photo : Manifestations et affrontements à Masafer Yatta, 2022 - Source : Active Stills
En date de lundi 12 septembre 2022, 81 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie depuis le début de l’année, ce qui en fait l’année la plus meurtrière depuis 2015 - au cours de laquelle 99 personnes ont été tuées.
78 de ces 81 personnes ont été abattues par les forces de sécurité israéliennes, trois ont été tuées par des civils israéliens et une autre personne, dont les Palestiniens disent qu’elle a été abattue par les forces israéliennes, bien que les FDI affirment qu’elle a probablement été tuée par des Palestiniens armés.
Environ 31 des Palestiniens décédés cette année ont été tués dans la région de Jénine, où les forces israéliennes effectuent des raids nocturnes depuis le début de la vague d’attentats terroristes perpétrés par des Palestiniens en Israël, fin mars.
17 des Palestiniens ont été tués dans la région de Naplouse, qui est entourée de colonies israéliennes et où, selon des sources de sécurité, le pouvoir de l’Autorité palestinienne s’affaiblit.
Sur la base des données de Tsahal pour l’année écoulée, 140 incidents au cours desquels des forces israéliennes et des civils ont essuyé des tirs en Cisjordanie ont été recensés, contre 61 incidents de ce type en 2021 - soit le double de 2020.
Le mois qui a enregistré le plus grand nombre d’incidents de tir cette année est le mois d’août, avec un total de 28 événements de ce type. Les FDI ont également recensé 258 incidents cette année au cours desquels des engins explosifs ont été lancés sur des forces israéliennes et des civils.
Selon des sources militaires israéliennes, le nombre élevé de Palestiniens tués s’explique par l’augmentation des attaques contre l’armée lorsqu’elle pénètre en territoire palestinien pour procéder à des arrestations, mener des opérations de sécurité de routine et réprimer les affrontements entre Palestiniens et fidèles juifs au Tombeau de Joseph à Naplouse. Un groupe nouvellement créé à Naplouse, appelé la Tanière des Lions, par exemple, se compose de centaines de jeunes gens issus de différents groupes palestiniens qui participent à des tirs sur les forces de l’armée.
La semaine dernière, Muhammed Sabaaneh, 29 ans, a été tué alors qu’il enregistrait une vidéo en direct sur son compte TikTok pendant un raid de l’armée à Jénine. Des milliers de téléspectateurs regardaient sa diffusion au moment où il a été abattu, et ont immédiatement commencé à écrire des réponses telles que "L’hôte du Tiktok a été blessé !"
Sa mère, Umm Aleh, a déclaré à Haaretz que son fils vivait avec elle. "Ces derniers mois, nous voulions le marier. Lui et moi étions très complices, nous sortions ensemble, nous mangions ensemble", a-t-elle raconté. Elle explique qu’il avait l’habitude de filmer sur TikTok une grande partie de ce qui se passait dans sa vie. "Il filmait des réunions avec des amis. Tout, il filmait tout", a-t-elle dit.
Le soir où il a été tué, raconte-t-elle, ils étaient assis ensemble à la maison, et il lui a dit qu’il sortait voir ce qui se passait. "Je lui ai téléphoné et lui ai dit de revenir à la maison, et qu’il devait faire attention. Plus tard, j’ai appris qu’il avait été blessé. Je suis allée à l’hôpital et j’ai découvert qu’il avait été tué. Il me manque, surtout la nuit."
Dans un autre incident, Hussein Kawarik, un Palestinien souffrant de troubles mentaux, a été abattu par des soldats israéliens en août après avoir omis de s’arrêter à un poste de contrôle. L’armée a conservé son corps pendant une semaine sans le rendre à sa famille.
Le 1er septembre, Samer Khaled a été tué par des tirs palestiniens dans le camp de réfugiés de Balata, à Naplouse, pendant une activité des FDI dans la région.
L’armée a récemment enquêté sur la mort de Yazan Afaneh, 27 ans, qui a également été tué le 1er septembre à Al-Bireh. Selon les FDI, les résultats de l’enquête indiquent qu’il n’y a pas eu d’utilisation de balles réelles, mais uniquement de balles en caoutchouc. Or, l’utilisation de balles en caoutchouc par les FDI a tué plusieurs Palestiniens ces dernières années.
Une enquête a également été ouverte sur la mort de Salah Sawafta, 58 ans, de Tubas, tué par des balles réelles alors qu’il rentrait chez lui après la prière du matin à la mosquée locale. Les FDI ont conclu qu’il était fort probable que Sawafta ait été tué par des militants palestiniens et non par les forces israéliennes. Des sources militaires ont déclaré à Haaretz que, selon leurs conclusions, lorsque Sawafta a été abattu, les tireurs d’élite israéliens étaient en position et les véhicules de l’armée étaient déjà en route.
L’armée a ajouté qu’elle possédait une photographie aérienne qui montre que les forces de Tsahal n’étaient plus présentes au moment de l’événement, mais elle a refusé de partager cette image avec Haaretz, en raison de la "sécurité des informations". Les Palestiniens affirment que Sawafta a été tué par des tirs des FDI.
L’un des trois Palestiniens tués par des civils israéliens cette année est Ali Harb, qui a été poignardé à mort près de la colonie d’Ariel en juin. Le ministère public a classé l’affaire contre le colon qui l’a poignardé, déclarant que la légitime défense ne pouvait être exclue.
Trois Palestiniens ont été abattus après avoir mené des attaques terroristes en Israël.
Iyad Hadad, un chercheur de terrain de B’Tselem à Ramallah, a déclaré à Haaretz que la hausse du nombre de morts peut être largement attribuée à l’augmentation des raids militaires dans toute la Cisjordanie. "Il y a beaucoup plus de raids dans la zone A. Il ne se passe pas un jour sans qu’on signale des raids de l’armée sur les villes palestiniennes", a-t-il déclaré.
Hadad a ajouté que l’armée a augmenté son utilisation des armes à feu et que davantage de jeunes Palestiniens tirent sur les forces armées lorsqu’elles entrent dans leurs villes. L’armée, a-t-il ajouté, a l’habitude d’utiliser ce qu’elle considère comme des munitions non mortelles, telles que les balles en caoutchouc - bien que, comme nous l’avons déjà mentionné, ces balles puissent causer des blessures mortelles, voire la mort.
Les multiples raids des FDI dans la zone A, principalement dans la région de Jénine, sont au moins en partie le produit de la fatigue et de l’épuisement de l’Autorité palestinienne. Les forces de sécurité palestiniennes, qui procédaient autrefois à de nombreuses arrestations dans le nord de la Cisjordanie, le font moins fréquemment.
Le chef d’état-major Aviv Kochavi a récemment déclaré que depuis la déclaration de l’opération Breaking Dawn, environ 1500 Palestiniens ont été arrêtés par Israël. "L’augmentation de la terreur découle en partie de l’impuissance des forces de sécurité palestiniennes", dit-il.
La semaine dernière, les conclusions de l’enquête menée par les FDI sur la mort de Shireen Abu Akleh ont été publiées. L’enquête a déterminé qu’elle a été, avec une forte probabilité, abattue par un soldat israélien. Dans le même temps, des sources des FDI ont déclaré qu’elles n’avaient trouvé aucun problème avec leurs règles d’engagement ni aucune irrégularité dans la manière dont elles étaient appliquées.
À la suite de ces déclarations, le porte-parole adjoint du département d’État américain, Vedant Patel, a déclaré que les Américains "continueraient à faire pression sur nos partenaires israéliens pour qu’ils revoient de près leurs politiques et pratiques en matière de règles d’engagement."
En réponse, le Premier ministre Yair Lapid a déclaré : "Personne ne nous dictera ouvertement les règles d’engagement lorsque nous nous battons pour nos vies. Nos soldats ont le soutien total du gouvernement d’Israël et du peuple d’Israël."
Depuis la dernière série de combats entre Israël et Gaza en mai, la plus longue période pendant laquelle aucun Palestinien n’a été tué par Israël se situe autour de la visite du président américain Joe Biden en juillet. Suite à la pression exercée par Washington pour calmer les tensions avant l’arrivée du président, aucun Palestinien n’a été tué pendant 18 jours.
>> Lire le dernier article de l’AFPS à la suite de la série d’assassinats de Palestiniens la semaine du 8 septembre 2022
>> Voir la rubrique En Direct de Palestine qui recense et rapporte en direct les crimes israéliens
Traduction et mise en page : AFPS / DD