/... la presse française, qui a insisté sur la lutte de la France contre l’antisémitisme un an après la tirade d’Ariel Sharon sur l’antisémitisme d’une « France où vivent 10% de musulmans » (cf nos communiqués de cette époque), mais aussi la presse israélienne. Alors, de quoi s’agit-il ?Suite aux propos d’Ariel Sharon
L’AFPS a eu l’occasion avant la visite officielle d’Ariel Sharon d’adresser une lettre ouverte au Président de la République Lettre ouverte à Monsieur Jacques Chirac, Président de la République, que vous avez reçue et qui est sur notre site. Après les rassemblements unitaires contre cette visite et pour réclamer des sanctions un an après l’arrêt de la CIJ et le vote de l’Assemblée générale contre le mur israélien en Palestine, quel bilan tirer de cette visite ?
Des relations économiques et une coopération accrues
– De toute évidence, le Premier ministre israélien souhaite, en s’appuyant sur le retrait unilatéral et partiel de la bande de Gaza ravagée, redorer un blason flétri par l’occupation, la colonisation, la poursuite de la terreur en Palestine, et la prorogation de la construction des murs de l’annexion en Cisjordanie.
– Il n’a en rien renoncé, et il l’annonce, à son « objectif qui est de faire venir un million de juifs dans les quinze prochaines années en Israël, du monde entier, y compris de la France » (entretien au Figaro, 22 juillet 2005), même si cela ne passe plus par les diatribes contre « l’antisémitisme sauvage » français et qu’au contraire, en quête de relations nouvelles avec Paris, il se « félicite » du « modèle français » où l’on constate une diminution de 48% des actes antisémites dans la dernière période.
– Mais le gouvernement français de son côté, loin de toute hypothèse de sanctions, entend au contraire développer des coopérations dans tous les domaines avec Israël. C’est ce qui ressort du point de presse du gouvernement autant que de l’entretien accordé par Jacques Chirac au Ha’aretz (le 22 juillet également). Une orientation validée en fait depuis 2002 et que confirment et consolident la visite d’Ariel Sharon après celle de Moshé Katsav en février 2005, comme les multiples rencontres entre ministres français et israéliens. Ainsi, Shaul Mofaz, ministre israélien de la Défense et responsable de la politique de terreur en Palestine occupée, était-il invité au salon du Bourget où il a rencontré Michèle Alliot-Marie, de même que Meir Shetrit, ministre israélien des Transports, Amos Yaron, directeur général du ministère israélien de la Défense et Ado Nehustan, adjoint du commandant de l’armée de l’air israélienne. A l’ambassade de France à Tel-Aviv, on loue sans ambages la technologie de guerre israélienne et singulièrement les drônes. Notons qu’en avril 2000 déjà a été conclu le « memorandum of understanding » sur la coopération technologique et industrielle entre la France et Israël. Ce qui fut suivi en juin 2003 de la création du Haut conseil franco-israélien pour la recherche et la coopération scientifique et technologique, puis de l’accord de coopération entre l’Anvar et l’Office israélien scientifique du ministère de l’Industrie en décembre de la même année, et de l’accord entre le CNES et l’ISA dans le domaine de l’observation de la terre et du développement des technologies en avril dernier. C’est en mars dernier, à l’occasion de la visite en Israël, visant à consolider les échanges économiques et commerciaux bilatéraux, de Patrick Devedjian, alors ministre délégué à l’Industrie, qu’a été signé l’accord cadre renforçant les échanges bilatéraux dans le domaine des biotechnologies et des nanotechnologies. Les préoccupations politiques quant à la nécessité du respect du droit international semblent dès lors bien dérisoires...
2 . L’après Gaza
– Jacques Chirac, cependant, a tenu à mentionner l’attention de la France pour « l’après Gaza ». D’une part, il vante le « courage » du Premier ministre israélien, en dépit de la politique menée en « contrepartie » en Cisjordanie. D’autre part, il indique qu’il ne saurait s’agir que d’une étape dans la mise en œuvre de la « feuille de route ». Enfin, il en appelle à une conférence internationale de paix.
– Les mots, ici, aussi importants soient-ils, ressemblent à des vœux pieux s’ils ne s’accompagnent de pressions pour y parvenir. Or, Jacques Chirac les refuse au nom du dialogue dont l’histoire a mesuré l’inanité.
– Les faits accomplis que sont entre autres les grands blocs de colonies ne sont pour Ariel Sharon pas plus « provisoires » que le mur d’annexion en Cisjordanie. « La Bible est plus forte que toutes les cartes politiques (...) Il ne fait aucun doute que nous garderons pour toujours Maale Adumim (...) » (Le Figaro, 22 juillet). Il s’appuie explicitement sur « l’accord » qui n’en est pas un au regard du droit, conclu sans les Palestiniens avec Georges Bush et dont la lettre de celui-ci du 14 avril 2004 précise les contours dans une violation totale du droit international ; « cet accord conclu avec le président Bush nous permet de conserver des zones d’une grande importance stratégique et des zones de peuplement dense, les grands blocs d’implantation. Car la situation a changé sur le terrain depuis quarante ans, à Maale Adumim, à Ariel, et dans un certain nombre d’endroits. Les grands blocs et les zones qui comptent pour notre sécurité sont déjà un grand succès. Mais l’un des plus grands avantages est que, pour la première fois depuis la création d’Israël, un Etat qui n’est pas le moindre, les Etats-Unis, a reconnu que les réfugiés ou leurs descendants ne retourneront pas en Israël, mais dans un Etat palestinien quand il verra le jour » (Le Monde, 27 juillet). Pas un mot public du Président de la République à ce sujet. Pas plus que sur l’arrêt de la Cour internationale de Justice. Pas plus que sur la colonisation qui s’intensifie encore, étouffant notamment Jérusalem dans l’étau de l’annexion.
– Pour réaliser ce programme, Ariel Sharon ajourne l’application de la feuille de route par de nouvelles exigences vis-à-vis des Palestiniens, concernant « l’arrêt de toutes les violences », à l’exception donc de la violence de l’occupation et des assassinats ciblés israéliens... Pas un mot non plus de la France, sinon pour plaider l’équidistance.
Prendre la diplomatie française au mot et exiger des sanctions
Puisque la France propose une conférence internationale de paix, d’ici l’automne, il importe de la prendre au mot. Le peuple palestinien a besoin non seulement de la mise en œuvre de ce qui a été décidé à Charm-el-Cheikh et que l’Etat d’Israël se refuse à mettre en œuvre -notamment la libération des prisonniers politiques et la levée de tous les barrages érigés sur le territoire palestinien- mais aussi et surtout d’une véritable perspective de paix, d’indépendance, d’exercice de son droit à l’autodétermination. Cela suppose non seulement que celui-ci soit réaffirmé, mais aussi qu’un calendrier d’application soit décidé, et que des garanties internationales soient prises pour le mettre en œuvre, afin qu’il ne se mue pas à son tour en nouveau « plan », sorti verbalement des tiroirs dans une intermittence soumise aux aléas des besoins de la diplomatie américaine dans la région. Une telle conférence internationale, pour qu’elle se tienne, impose une détermination diplomatique réelle au-delà des mots et, pour qu’elle aboutisse, suppose de ne pas laisser dans l’asymétrie de leur tête-à-tête la puissance occupante israélienne et les représentants du peuple palestinien occupé et en exil. Les Nations unies doivent en être le cadre, pour sa tenue comme pour sa mise en œuvre, assortie d’obligations fondées sur le droit international tant pour les parties concernées que pour les Etats membres de l’ONU.
La France considère cependant que, sans l’accord d’Israël, une telle conférence ne peut avoir lieu. On est au cœur de l’aporie de cette diplomatie : d’un côté on prône le dialogue, de l’autre on reconnaît qu’il ne sert à rien. Il est urgent d’en tirer les leçons et les conséquences.
Violant ses propres obligations d’Etat membre de l’ONU en charge, comme les autres Etats, de la mise en œuvre des résolutions des Nations unies, la France n’a rien fait pour l’application de l’arrêt de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet 2004 adopté le 20 par l’AG des Nations unies. De même qu’elle omet ses obligations de Haute Partie Contractante à la Quatrième Convention de Genève. Rien n’empêche la France d’être à l’origine d’un projet de résolution du Conseil de sécurité exigeant l’application de l’arrêt de la CIJ, de façon aussi contraignante qu’a pu l’être, par exemple, la résolution 1559...
La politique de l’impunité adoptée au bénéfice du gouvernement israélien plonge la région toute entière dans la guerre. Il soumet le peuple palestinien à une occupation sauvage et à une colonisation qui réduit en miettes toute perspective d’Etat viable et toute perspective de paix. Il soumet la société israélienne à l’enrôlement dans le consensus nationaliste et aux risques d’insécurité durable. Dans l’intérêt de tous les peuples de la région, cette politique doit cesser. C’est le sens de notre campagne pour des sanctions contre Israël tant que son gouvernement continue de violer le droit international.
Le bureau national de l’AFPS
Paris, le 1er août 2005.