Face à « l’antisémitisme déchaîné » en France, Ariel Sharon appelle les Juifs de notre pays à émigrer « immédiatement », pour s’installer en Israël.
Principaux accusés : les musulmans de France qui représentent, a-t-il compté, 10% de la population.
Le premier ministre israélien ne s’embarrasse guère de formules diplomatiques dans ses propos frontalement racistes qui visent toute une partie de la population française en particulier et, dès lors, toute la société en général. Ne lui en déplaise, la République française n’a pas pour vocation de cesser de considérer ses citoyens précisément pour ce qu’ils sont : des citoyens.
Mais le véritable projet d’Ariel Sharon n’est pas d’abord là.
En tentant de jeter l’opprobre sur un pays où a su grandir la solidarité avec le peuple palestinien, en agitant l’épouvantail du racisme antisémite, ce n’est pas à la lutte contre cette forme de racisme en particulier et contre tous les racismes en général qu’il entend appeler. Au contraire, leur éventuel développement sert sa lecture communautaire, éthiquement inacceptable et politiquement dangereuse. Car ce qu’il souhaite, ce n’est rien d’autre que l’incitation au départ.
C’est l’incitation à une vague migratoire puisée dans le vivier des citoyens français de confession juive, appelés en masse à venir assurer son objectif aussi officiel qu’obsessionnel : la pérennisation d’une majorité démographique juive en Israël, ainsi qu’à Jérusalem dont la population palestinienne est de plus en plus massivement exclue de ses droits de résidence, voire dans le reste de la Cisjordanie occupée.
L’édification des murs d’enfermement des populations palestiniennes en Palestine occupée, de confiscation de leurs terres et de leurs ressources au profit des colonies, de ghettoïsation au sens exact du terme, sert cet objectif. « Achever ce qui ne l’a été en 1948 », n’a-t-il eu de cesse de répéter ces dernières années. C’est bien à une « séparation » des populations sur critères « ethniques », à une annexion de territoires vidés de leurs populations palestiniennes, qu’il aspire.
De toute évidence, Ariel Sharon a plus que du mal à convaincre les citoyens de notre pays de la validité de ses thèses, et c’est heureux. D’une part, parce que la citoyenneté ne se divise pas. D’autre part, sans doute, parce que sa politique meurtrière et suicidaire en Palestine occupée est responsable non seulement de plus de trois mille morts palestiniens et de destructions massives, mais aussi de près d’un millier de morts parmi ses propres citoyens. Mais aussi parce que l’histoire nous a montré que le racisme, quelles qu’en soient les formes et les victimes, se combat.
Ce combat est celui de toute notre société. C’est le nôtre. C’est celui, pratiquement par définition, du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien pour le respect de ses droits, ainsi qu’avec les anti-colonialistes qui, en Israël, s’engagent contre la politique dévastatrice de leur gouvernement.
Opposé à tout enfermement dans des appartenances communautaires, ce combat ne saurait se mener et se gagner que tous ensemble. En commençant par dire non au racisme d’Ariel Sharon.