Comment interprétezvous la décision de la commission israélienne de ne pas relâcher Salah Hamouri ?
Jean-Claude Lefort. D’abord, et cela va au-delà du cas de Salah, l’occupation israélienne constitue un véritable défi et un affront absolu à la conscience humaine. Il faut rappeler que, depuis 1967, pas moins de 700 000 Palestiniens sont allés ou sont encore en prison. De sorte que chaque famille palestinienne a ou a eu un prisonnier en son sein. C’est considérable et surtout effroyable. Aujourd’hui, on ne compte pas moins de 11 000 prisonniers, dont des enfants et des femmes. Le tiers des députés du Conseil législatif palestinien est en prison. C’est comme si, en France, 200 députés étaient incarcérés. Et on se tait, quand on ne trouve pas de « bonnes raisons » à cette situation. Pourtant, si on condamne cette occupation, ainsi que le fait l’ONU dont la France est membre du Conseil permanent du Conseil de sécurité, alors on doit condamner tous les éléments qui participent de cette occupation. Dans le cas de Salah, la chose est encore plus claire : il a été jugé et condamné par un tribunal militaire israélien installé en pleine Cisjordanie, à quelques kilomètres de Ramallah, qui est illégitime en son principe. Or, qui parle de cela ? Qui s’insurge contre cela ?
Comment considérez-vous l’attitude des autorités françaises concernant Salah Hamouri ?
Jean-Claude Lefort. Non seulement les autorités françaises estiment – président de la République en tête – que la décision qui le frappe est une décision de justice d’un État de droit, mais en plus elles se refusent à admettre ce fait majeur qui résulte de l’occupation de Jérusalem-Est : Salah Hamouri, en droit, n’est que français, car la dimension palestinienne de sa binationalité lui est refusée par la force occupante. Comme tous les Palestiniens de Jérusalem- Est, Salah n’est « rien » en termes de nationalité : pas de passeport palestinien, pas de passeport israélien. Il n’est donc « que » français, par sa mère.
Donc Salah est un cas unique au monde : c’est le seul Français sur la planète qui est en prison depuis plus de quatre ans pour des raisons politiques. Le seul. Et que disent les autorités françaises si promptes à se porter au secours de tous nos autres compatriotes en difficulté à l’étranger ? Rien ! Elles acceptent. Jamais le président n’a cité publiquement le nom de Salah Hamouri. Jamais il n’a demandé sa libération pure et simple. Jamais il n’a répondu personnellement à un courrier sur ce sujet. Jamais il n’a daigné recevoir sa famille à l’Élysée, comme il l’a fait pour tous les autres cas. Et depuis deux ans qu’il est saisi du cas de Salah, il parle de « clémence ». Ses « conseillers » suggèrent fortement que Salah présente des « excuses ». Et ainsi de suite. On nous dit qu’il aurait envoyé une lettre (dont on ne connaît pas le contenu, il serait intéressant qu’il la rende publique pour voir…) au premier ministre israélien pour ce 26 juillet en demandant la clémence.
Toujours la même chose derrière cela : l’acceptation de facto de l’occupation militaire israélienne et l’acceptation de décisions « nulles et non avenues ». C’est gravissime pour la France et pour son rôle dans le monde. Gravissime pour la cohésion nationale. Il n’est pas le président de tous les Français mais d’une partie seulement. Les Américains se sont donné Obama et nous avons récupéré Bush en France. C’est insupportable.
Officiellement, Salah ne peut plus espérer une libération avant 2011. Que comptez- vous faire ?
Jean-Claude Lefort. La leçon à tirer est claire : ce qu’ils ne veulent pas faire il faut les contraindre à le faire. Cela suppose de continuer à défendre le cas de Salah mais aussi de rechercher toutes les initiatives propres à faire parler de lui. Face à l’arrogance des autorités françaises qui se moquent des droits de l’Homme quand ils sont bafoués chez un pays « ami », il faut monter en puissance, élargir notre comité, prendre et multiplier les initiatives « dérangeantes ». Il faut parvenir à ce que le seul prisonnier politique français ayant déjà fait plus de quatre ans de prison occupe la place qu’il devrait avoir dans les actions officielles et l’information. Le cas de Salah n’est pas près de s’éteindre après cette décision du 26 juillet.