Ce chauffeur de taxi résume en quelques mots les caractéristiques d’une crise qui date depuis un peu plus d’un demi-siècle. Si la police libanaise découvre son travail en noir, il sera immédiatement arrêté et son véhicule confisqué pour violation des droits de travail. N’est-il pas palestinien ? Et donc pas autorisé à mener aucune activité professionnelle sur le territoire libanais.
73 métiers sont interdits aux Palestiniens, pas de citoyenneté, pas de passeport, pas de voyage ... Ici, figure le plus important nombre des réfugiés palestiniens. 400 000, selon l’Unrwa, et 600 000, selon les chiffres officiels libanais, soit 10 % de la totalité des réfugiés palestiniens mais aussi 10 % de la population libanaise.
Presque tous sont entassés dans 12 camps en plus de quelques agglomérations de part et d’autre au Liban, notamment dans la Béqaa, Saïda et Sour (Tyr). C’est ce que certains appellent la ceinture de la misère.
En dépit d’une résolution onusienne, celle de 194, le sort de ces Palestiniens ne semble en rien heureux. A chaque fois qu’une activité diplomatique sur le dossier palestino-israélien est à l’horizon, l’espoir est relancé chez ce peuple voué à vivre sans terre et en plus dans la peur. Ils vivent dans l’attente de rentrer chez eux. Parce qu’ici ils sont sans cesse surveillés, suivis et poursuivis.
Le Liban ne veut pas voir se répéter les événements de 1975, lorsque des affrontements avaient éclaté entre Palestiniens et chrétiens libanais, menant plus tard à la guerre civile libanaise. Sans oublier ces Israéliens envahissant le pays. Les réfugiés étaient ciblés et des massacres ont eu lieu. A Sabra et Chatila, les Palestiniens tombent. Le Libanais ordinaire aussi bien que le réfugié palestinien ont gardé la scène dans leur mémoire.
A 15 km au nord de la ville de Tripoli, dans le Liban nord, s’élève le camp de Nahr Al-Bared (le fleuve du froid). C’est le deuxième plus important camp du pays, après celui de Aïn Al-Helwa. Ici, vivent quelque 35 000 Palestiniens, tous originaires de la Galilée en Palestine, dont 20 000 familles enregistrées comme étant les plus démunies. Les conditions de vie ne sont pas celles d’une vie. Ils sont souvent entassés dans une chambre et les 9 écoles présentes dans le camp travaillent matin et soir pour pouvoir accueillir ce nombre impressionnant. Pollution, pauvreté, tension, discrimination ...
Pour ces réfugiés de la Palestine, la nakba [1]ne s’est pas arrêtée en 1948, elle est crue et nue devant eux jour et nuit. Les décisions internationales, les mesures juridiques, les aides économiques finissent par être juste des calmants dont l’effet disparaît avec le lever du soleil. Tout est fait pour dire « Palestiniens, on ne veut pas de vous ici ». Les Libanais veulent leur départ mais les Palestiniens veulent aussi partir. C’est le contexte politique qui l’empêche, Israël en d’autres termes.
A chaque fois que l’on parle de paix, les réfugiés palestiniens sont présentés comme l’obstacle, par Israël. Laisser tomber le droit au retour ? Abou-Moustapha, ce réfugié de 62 ans, dit en regardant la mer : « C’est grâce à elle que l’espoir est toujours là ». Le rêve est toujours là.