La vallée du Jourdain, région fertile [1] mais contestée de l’est de la Cisjordanie, abrite de nombreuses communautés bédouines dont le mode de vie est constamment menacé. Depuis des décennies, ces communautés sont confrontées à une marginalisation systématique, à la confiscation de terres, à des restrictions de mouvement et à la démolition de maisons, autant de défis qui mettent en péril leur existence même.
Le MA’AN Development Center reconnaît depuis longtemps l’importance stratégique et humaine du soutien à la résilience des communautés bédouines dans cette région. Comme ONG palestinienne indépendante, nous travaillons à l’autonomisation des populations marginalisées dans tous les secteurs – protection, éducation, infrastructure, sécurité alimentaire et développement communautaire. Dans la vallée du Jourdain, nos interventions se concentrent spécifiquement sur la sauvegarde des moyens de subsistance, de la dignité et des droits fondamentaux des familles bédouines qui vivent sous la pression constante des politiques d’occupation israéliennes, en particulier dans la zone C.
La lutte des Bédouins dans la vallée du Jourdain
Les Bédouins de la vallée du Jourdain sont traditionnellement des éleveurs et des agriculteurs semi-nomades. Nombre d’entre eux ont été déplacés en 1948, puis en 1967, ils sont aujourd’hui dans les populations les plus vulnérables de Palestine. Vivant dans des communautés informelles, ils sont confrontés à une vague continue de déplacements forcés du fait de l’expansion des colonies et des zones militaires dans la zone C – une zone qui constitue environ 60 % de la Cisjordanie et qui reste sous le contrôle civil et militaire d’Israël.
Des communautés comme Al-Ka’abneh, Nweimeh, Al-Duok, Al-Maleh, Al-Hadidiya et Al-Farisiya luttent quotidiennement contre les démolitions, la restriction de l’accès à l’eau, la limitation des déplacements et l’absence de services de base (électricité, écoles et soins de santé). Il ne s’agit pas seulement de violations des droits de l’Homme, mais de politiques délibérées pour forcer ces communautés à partir – des politiques que le MA’AN Development Center continue de contester par des actions de plaidoyer et de soutien à la base.
Menaces croissantes et nouveaux défis
Les développements récents ont intensifié la situation déjà précaire des communautés bédouines. Parmi les défis les plus urgents :
- Les avant-postes militarisés des colons pour le pâturage : plus de 70 avant-postes de colons ont été établis par des colons armés qui contrôlent désormais des dizaines de milliers de dunums précédemment utilisés pour le pâturage. Ces actions ont conduit à l’évacuation forcée d’environ 24 communautés bédouines, menaçant leurs moyens de subsistance pastoraux traditionnels.
- Attaques violentes et destruction de biens : les colons ont brûlé des maisons, des tentes et des biens, ciblant systématiquement les propriétés bédouines.
- Confiscation du bétail et des biens : les moyens de subsistance sont directement compromis par la saisie du bétail et des équipements essentiels.
- Destruction des infrastructures hydrauliques : les systèmes d’approvisionnement en eau, essentiels à la survie des hommes et des animaux, sont sabotés ou démolis.
- La flambée des prix des aliments pour animaux : le prix des aliments pour animaux a augmenté de façon spectaculaire, rendant presque impossible pour les éleveurs de nourrir leur bétail.
- Soutien institutionnel insuffisant : les institutions du gouvernement palestinien et les agences internationales peinent à fournir un soutien efficace en raison des crises financières et de la diminution du financement international.
- Annexion de facto de la zone C : le cabinet israélien a décidé d’annexer officiellement 60 % de la Cisjordanie, en plaçant cette zone sous un contrôle administratif et sécuritaire total. Cela restreint le travail humanitaire et de développement, exigeant l’approbation d’Israël pour la fourniture de services aux résidents palestiniens.
- Restrictions imposées aux ONG internationales : une nouvelle directive oblige les organisations internationales à se réenregistrer auprès des autorités israéliennes d’ici septembre 2025, ce qui les soumet encore davantage à un contrôle politique, militaire et sécuritaire, compromettant leur indépendance et leur intégrité opérationnelle.
Notre approche : la résilience par l’action intégrée
Le travail de MA’AN avec les communautés bédouines de la vallée du Jourdain suit un modèle holistique et communautaire. Nous considérons la résilience non seulement comme la capacité à résister à la pression, mais aussi comme le droit des communautés à vivre dans la dignité, à agir et à accéder aux services de base. Au cours des dernières années, nous avons soutenu des dizaines d’interventions relevant de trois piliers principaux :
1. Protection des communautés à risque
Grâce à des partenariats locaux et internationaux, MA’AN surveille les menaces sur la protection, documente les démolitions et soutient l’aide juridique en coordination avec des institutions spécialisées. Notre présence sur le terrain permet une réponse rapide en cas d’urgence, et notre personnel se coordonne régulièrement avec les groupes de protection humanitaire pour soutenir ces communautés marginalisées.
2. Infrastructures et services de base
Malgré la difficulté d’obtenir des permis dans la zone C, MA’AN a réussi à fournir des infrastructures vitales aux communautés bédouines. Il s’agit notamment de réhabiliter et de construire des systèmes d’approvisionnement en eau, des latrines, des unités d’énergie solaire et de mettre en place des services de santé en partenariat avec le ministère palestinien de la santé. Par exemple, en 2024, nous avons rénové un centre de santé à Nweimeh et nous travaillons actuellement à la restauration d’autres cliniques pour desservir les communautés isolées.
Dans le secteur de l’éducation, nous avons soutenu la rénovation et l’agrandissement d’écoles, la construction de nouvelles salles de classe, de laboratoires, de cantines, de terrains de jeux et de structures d’ombrage. Notre collaboration avec le ministère de l’Éducation et les dirigeants locaux garantit que chaque intervention tient compte de la communauté et de son impact.
3. Autonomisation et défense des intérêts de la communauté
MA’AN fait entendre la voix des femmes, des jeunes et des enfants bédouins par le biais de programmes de soutien psychosocial, de formation aux aptitudes à la vie quotidienne et d’initiatives communautaires. Dans le cadre de divers projets, nous organisons des séances sur la résilience des enfants, nous aidons les étudiants à assumer leurs responsabilités sociales et nous aidons les femmes à lancer des activités génératrices de revenus. Nous travaillons aussi à renforcer les conseils communautaires et les organisations de base, en leur donnant les moyens de défendre leurs droits et de conduire leur développement. Cette autonomisation est la pierre angulaire d’une résistance durable qui s’oppose aux déplacements forcés.
Recommandations et appel à l’action
Pour faire face aux menaces croissantes et préserver la dignité des communautés bédouines, MA’AN appelle la communauté internationale à :
- Fournir un soutien immédiat et durable aux communautés touchées afin de garantir l’accès aux services et de protéger les moyens de subsistance.
- Renforcer les efforts de plaidoyer aux niveaux national et international pour dénoncer les violations et promouvoir la justice.
- Faire pression sur les gouvernements et les organismes internationaux pour qu’ils tiennent Israël responsable des politiques de transfert forcé et d’apartheid.
- Organiser des visites sur le terrain de délégations internationales pour témoigner des violations israéliennes dans la vallée du Jourdain et en Cisjordanie.
Une lutte commune pour la justice
La situation des communautés bédouines n’est pas seulement une préoccupation humanitaire, c’est une lutte politique liée à la quête plus large des Palestiniens pour la liberté, la dignité et la justice. Aujourd’hui, ces communautés sont confrontées à un choix crucial : rester inébranlables ou être contraintes à l’exil.
Votre solidarité et votre soutien sont essentiels pour renforcer leur résilience et préserver leur présence sur leurs terres ancestrales. Agissons ensemble, sur la base du droit international et des droits de l’homme, pour protéger leur avenir et affirmer le droit universel de vivre dans la dignité, la liberté et la paix.
Effat Aldalou, chef de projet
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Photo : Le centre de santé al Nweimeh, avant les travaux © MA’AN
