Le bras de fer se poursuit entre le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass, soutenu par les instances suprêmes de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), et le mouvement islamiste du Hamas, avec lequel il a rompu tout contact depuis la domination par la force des armes de ce mouvement sur l’ensemble de la bande de Gaza, le 15 juin [1].
Déterminé à confirmer cette rupture, le mouvement islamiste a annoncé la création d’un « comité juridique » spécial pour administrer la justice dans la bande de Gaza. « Nous avons constitué un comité juridique pour pallier la paralysie du système judiciaire », a annoncé Islam Shahwan, porte-parole de la Force exécutive du Hamas, chargée de la police à Gaza depuis le coup de force de la mi-juin. Ce comité sera dirigé par le commandant Amin Nowfal et comprendra le chef de l’administration pénitentiaire à Gaza, Abou Al-Abed Hamid, a-t-il précisé. Selon lui, la création de ce comité a été rendue nécessaire du fait de la « consigne donnée par le président de la Cour suprême de stopper le travail du Parquet et des juges » après la prise de contrôle du Hamas. « Chaque jour, nous recevons entre 50 et 60 plaintes » restées sans suite du fait de la paralysie des tribunaux, a assuré Islam Shahwan. Il a souligné que le comité se chargerait de toutes les questions en litige.
C’est la première fois que le Hamas prend une telle mesure, qui lui permet d’étendre son contrôle sur le système judiciaire. Cette procédure a été dénoncée par le ministre de la Justice de l’Autorité palestinienne, Ali Khachan, qui l’a jugée illégale et qui a assuré que la justice devait « rester indépendante ». Le directeur du centre Al-Dhamir de défense des droits de l’homme à Gaza, Khalil Abu-Shammaleh, a lui aussi fait part de son opposition. Il a affirmé que la mise en place d’une telle mesure serait un « sévère recul » et a demandé aux juges de reprendre leur travail au plus tôt.
Le gouvernement Fayyad piétine
Mais au moment où le Hamas s’emploie à confirmer sa légitimité, le premier ministre palestinien Salam Fayyad a dû renoncer dimanche [26 juillet]à soumettre son gouvernement à un vote de confiance au Conseil législatif (Parlement), ses partisans ayant décidé de boycotter la séance. « Je voulais présenter mon gouvernement au Parlement, comme le requiert la loi, mais apparemment l’institution a failli à son devoir constitutionnel », a déclaré Fayyad, évoquant la défection des députés.
Grands vainqueurs des élections législatives de janvier 2006, les partisans de Haniyeh rejettent le cabinet de crise nommé par Abbass en juin et mettent en avant leur légitimité à gouverner, acquise dans les urnes. Le Hamas a déjà empêché à plusieurs reprises le gouvernement Fayyad de poser la question de confiance au Conseil législatif mais cette fois-ci, ce sont les partisans du Fatah et d’autres partis favorables à Abbass qui ont décidé de boycotter la séance, en signe de protestation et de lassitude.
Un des chefs du Hamas, Ahmed Bahar, a accusé dimanche le président de violer la loi fondamentale palestinienne, rappelant que Haniyeh demeurait le premier ministre légitime et que, selon la législation, Abbass devait remplacer Fayyad dans un délai de deux semaines.
En revanche, le ministre de l’Information, Ryad Al-Maliki, a pris la défense de son chef de gouvernement en rejetant la faute sur le Hamas, expliquant que son boycott systématique des sessions parlementaires censées introniser le cabinet Fayyad était la source de ces problèmes constitutionnels.
Les constitutionnalistes, qui ont inspiré les principes de la loi fondamentale palestinienne, ont estimé il y a plusieurs semaines que Abbass avait dépassé le cadre légal de son action en nommant Fayyad dans l’urgence. Ils ont insisté sur le fait que le nouveau cabinet devait absolument obtenir la confiance du Conseil législatif pour devenir légitime.
Soucieux de sortir de cette impasse politique, Abbass a annoncé l’organisation d’élections législatives et présidentielle anticipées, une initiative aussitôt décriée par le Hamas. Aucun calendrier n’a pour le moment été fixé et ces élections ne devraient pas se tenir avant un an, ont dit cette semaine des proches du président.
A l’issue d’une réunion de deux jours à Ramallah, les 115 membres du Comité Central de l’Organisation de Libération de la Palestine (CCOLP) ont décidé à l’unanimité de soutenir le projet d’élections anticipées du président Abbass, qui prévoit également un passage au mode de scrutin proportionnel. Par ailleurs, le CCOLP a décidé la prochaine tenue d’une réunion du Conseil national palestinien, le Parlement de l’OLP, qui compte environ 500 membres de Cisjordanie, de la bande de Gaza et de la diaspora palestinienne. La date de cette réunion doit être également fixée par Mahmoud Abbass.
Or, les islamistes du Hamas sont loin d’admettre le projet d’élections anticipées de Mahmoud Abbass. « Les élections anticipées sont une tentative de contourner la volonté du peuple palestinien et cette tentative est vouée à l’échec. Elle échouera. Nous, le peuple palestinien, la ferons échouer », a déclaré, lors d’une conférence de presse à Gaza, l’un des principaux chefs du mouvement islamiste, Mahmoud Zahar. « Le peuple palestinien, dont le Hamas fait partie, n’acceptera pas des élections anticipées destinées à satisfaire l’Amérique. Nous sommes à 100 % sûrs que ces élections seront truquées », a-t-il ajouté. En outre, M. Zahar n’a pas manqué d’accuser Mahmoud Abbass de comploter avec Israël. « Il complote avec l’ennemi pour faire assassiner les chefs du Hamas en affirmant que ceux-ci creusent leur propre tombe. Il existe un plan israélien pour pénétrer dans la bande de Gaza avec l’accord d’Abou-Mazen ». Selon lui, « Abbass a perdu toute crédibilité en tant que président du peuple palestinien ». D’ailleurs, ce dernier refuse de dialoguer avec le Hamas « alors qu’il salue Ehud Olmert avec accolades et baisers ».
Notons que le mouvement islamiste est suffisamment fort à Gaza pour y prévenir tout scrutin qui n’aurait pas son aval. A Gaza, Sami Abou-Zouhri, porte-parole du Hamas, a prédit que Abbass « ne serait pas en mesure d’organiser un quelconque scrutin sur le terrain sans un accord national » et estimé que les décrets-lois pris par Abbass pour convoquer les électeurs aux urnes ne « seraient que des chiffons de papier ».
Par ailleurs, selon l’Orient le Jour,
"le nouveau programme du gouvernement mis au point par le Premier ministre palestinien Salam Fayyad s’engage à empêcher que des violences soient commises au nom de l’islam, une mesure qui vise indirectement le Hamas.
Parallèlement, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a entamé hier une visite en Russie pour demander à Moscou de jouer un rôle accru dans le processus de paix au Proche-Orient et faire le point sur le conflit qui l’oppose au Hamas, interlocuteur des Russes.
Dans son nouveau programme, l’administration Fayyad souhaite établir une stratégie destinée à « promouvoir l’islam en tant que religion de tolérance ». Le gouvernement souhaite de plus empêcher « l’utilisation de l’islam pour justifier les tueries, le rejet des autres et la destruction ». Ces formules visent clairement les islamistes du Hamas, qui contrôlent depuis plus d’un mois la bande de Gaza, après de violents affrontements avec le Fateh de Mahmoud Abbas. Le Hamas accuse Abbas d’avoir mené un coup d’État en formant en Cisjordanie un nouveau gouvernement dont est exclu le mouvement islamiste, qui avait remporté il y a un an et demi les élections législatives.
Vendredi, des responsables palestiniens ont confirmé l’abandon dans le programme de la résistance « armée » à l’occupation israélienne. Dans le texte, Fayyad affirme que son gouvernement « se conformera pleinement aux accords bilatéraux et multilatéraux signés par l’OLP (Organisation de libération de la Palestine), en tant que seul représentant légitime du peuple palestinien, et l’Autorité nationale palestinienne, y compris ceux signés avec Israël ».
Réagissant au nouveau programme, les mouvements palestiniens Hamas et Jihad islamique ont accusé hier le gouvernement Fayyad d’avoir abandonné la « résistance ». Le gouvernement de M. Fayyad « a abandonné le principe des principes du peuple palestinien (la résistance), accepté et reconnu de tout le monde », affirment les deux mouvements dans un communiqué conjoint. « Cette position condamnable montre le vrai visage de ce gouvernement et de ses membres qui ont abandonné la résistance, le sang et la souffrance des blessés et des prisonniers dans le but de satisfaire l’ennemi sioniste et le plus grand diable de la terre, l’Amérique, et recevoir des dollars », ajoutent-ils.
Le Hamas et le Jihad islamique ont appelé les Palestiniens « à faire barrage » à la position gouvernementale et « à y répondre avec une escalade de la résistance contre l’occupation sioniste à Gaza, en Cisjordanie et dans toute la Palestine ».
Par ailleurs, une centaine de Palestiniens, sur les milliers retenus en Égypte, sont arrivés hier dans la bande de Gaza, via Israël, par le point de passage d’Erez, a constaté un photographe de l’AFP, alors que d’autres restaient bloqués du fait, selon eux, de leur soutien au Hamas. L’Égypte et Israël étaient parvenus à un accord samedi permettant à environ 600 Palestiniens bloqués en Égypte de passer par Israël dimanche et lundi pour rejoindre Gaza et l’ensemble des Territoires. Le Hamas a dénoncé cet accord. « Nous ne sommes pas contre le retour des Palestiniens et l’arrêt de leurs souffrances, mais l’occupation israélienne ne doit pas décider des mouvements d’entrée et de sortie », a affirmé le mouvement islamiste dans un communiqué.
Dans le même temps, le Hamas a affirmé hier qu’environ 2000 fonctionnaires palestiniens, embauchés par l’ancien gouvernement d’Ismaïl Haniyeh, avaient commencé à recevoir leurs salaires. Le président Abbas avait ordonné à tous les fonctionnaires de la bande de Gaza de ne pas collaborer avec le gouvernement démis de M. Haniyeh.
Le président Abbas a par ailleurs entamé hier une visite de trois jours en Russie pour demander à Moscou de jouer un rôle accru dans le processus de paix au Proche-Orient. C’est le premier déplacement de M. Abbas en Russie depuis que le pouvoir à Gaza a été pris par la force par le Hamas. Il doit rencontrer le président Vladimir Poutine et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. Le dirigeant palestinien « informera le président Poutine de la situation palestinienne intérieure et demandera un rôle russe accru dans le processus de paix », a indiqué son porte-parole Nabil Abou Roudeina. Sa venue intervient sur fond de multiplication des efforts diplomatiques destinés à relancer les pourparlers de paix.
Peu après son arrivée, M. Abbas a par ailleurs déclaré hier à Moscou ne pas avoir discuté directement avec M. Olmert d’un transfert de 90 % du territoire de la Cisjordanie aux Palestiniens, selon les agences russes. « Comme vous, j’ai appris cette nouvelle des journaux, des informations. Je n’ai pas entendu cela directement de Olmert lui-même », a-t-il déclaré, selon Interfax.
M. Olmert avait déclaré mercredi dernier à Jérusalem : « Nous avons commencé très sérieusement à parler avec M. Abbas du processus de paix et des questions qui peuvent permettre d’établir un État palestinien. »
http://www.lorientlejour.com/page.aspx?page=article&id=348365