Il reconnaissait la nature problématique de l’événement alors qu’Israël intensifie la répression et sa politique d’apartheid afin de déposséder encore plus les Palestiniens, de les enfermer dans des ghettos et finalement de les éradiquer de leur terre, par un nettoyage ethnique.
L’ancien membre du groupe Pink Floyd , auteur de la chanson éternelle qu’est "Une autre brique dans le mur", a donc annulé la représentation à Tel Aviv en réponse à un appel de nombreux artistes et organisations culturelles palestiniens et de leurs partisans qui craignaient qu’un tel concert, d’un artiste aussi respecté et progressiste que Waters, ne donne une légitimité au mur colonial d’Israël que la Cour Internationale de Justice a déclaré illégal en juillet 2004 à La Haye.
Soutenant la lettre des Palestiniens à Waters, un groupe de refuzniks israéliens (des objecteurs de conscience qui refusent de servir dans l’armée d’occupation) ont aussi demandé à Waters d’annuler le concert de Tel-Aviv ou alors de le dédier explicitement au combat contre l’occupation militaire israélienne.
Waters n’a jamais varié dans sa condamnation du mur israélien qu’il accuse d’infliger pauvreté et dévastation aux Palestiniens des Territoires Occupés.
Dans sa déclaration de presse annonçant le changement de lieu, Waters écrit : "La souffrance subie par le peuple palestinien pendant 40 années d’occupation militaire israélienne est inimaginable pour nous qui vivons en Occident et je suis solidaire de leur combat pour leur liberté. J’ai choisi de tenir le concert à Neve Shalom/Wahat al Salam en geste de solidarité avec ces voix palestiniennes et israéliennes de la raison qui cherchent un chemin non-violent vers une paix juste."
En annulant le spectacle de Tel Aviv Roger Waters a confirmé son engagement pour la liberté, l’égalité et la paix basée sur la justice. La boussole morale de Waters a prouvé qu’elle était bien active mais en plus qu’elle montrait la bonne direction.
En réaction à cette nouvelle la société civile palestinienne a chaleureusement salué Roger Waters pour son courage et son importante contribution au démantèlement de tous les murs d’oppression et d’esclavage, y compris le mur de la honte israélien.
Voici la lettre ouverte envoyée à Waters par les artistes palestiniens avant le changement de lieu.
Ramallah, 18 mars 2006
Cher Mr. Waters,
La communauté artistique palestinienne a reçu avec stupéfaction la nouvelle que vous allez tenir un concert à Tel Aviv en juin, à un moment où Israël continue sans relâche sa politique coloniale d’apartheid afin de déposséder encore plus les Palestiniens, de les enfermer dans des ghettos et finalement de les éradiquer de leur terre, par un nettoyage ethnique.
Nous vous invitons très vivement à annuler ce projet de vous produire en Israël tant qu’Israël ne met pas fin à l’occupation illégale du territoire palestinien et qu’il ne respecte pas les préceptes appropriés du droit international concernant les droits des Palestiniens à la liberté, l’auto-détermination et l’égalité.
En apprenant cette tournée, des artistes palestiniens et internationaux se sont demandés, choqués : comment l’artiste dont le nom dans le monde entier est associé au démantèlement des murs d’injustice peut-il être d’une quelconque manière complice de la monstruosité du Mur israélien, déclaré illégal par la Cour Internationale de Justice de La Haye ?
Il n’y a pas si longtemps vous avez prêté l’intégrité de votre nom à ’War on Want’ dans son effort pour recolter des signatures de personnalités contre le Mur israélien. Vous déclariez justement alors : "La pauvreté infligée par le mur a un effet dévastateur sur les Palestiniens. Il empêche les enfants d’accéder à leurs écoles, les malades aux soins médicaux nécessaires et continue à détruire l’économie palestinienne. Je soutiens totalement la campagne de ’War on Want’ et j’espère que le plus de gens possible vont signer, pour donner le message fort au gouvernement britannique qu’une action immédiate est essentielle."
Depuis, le même mur s’est considérablement étendu. Il sépare maintenant les Palestiniens de leurs moyens de subsistance, de leurs services de santé et d’éducation. Le soutien dont il jouit dans la société israélienne s’est lui aussi accru -près de 90% des juifs israéliens sont en faveur du mur malgré ses effets dévastateurs sur les Palestiniens sous occupation.
De plus, comme vous le savez peut-être, la société civile palestinienne quasi unanime a demandé à la société civile internationale de s’engager dans des actions et campagnes de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël tant qu’il ne se plie pas totalement au droit international et qu’il ne reconnaît pas les droits humains élémentaires du peuple de Palestine.
L’Eglise d’Angleterre, l’Eglise presbytérienne aux Etats-unis, un groupe d’éminents architectes britanniques, parmi d’autres groupes et associations en Occident, ont entendu l’appel de détresse des Palestiniens et veulent appliquer sur Israël une pression effective afin de promouvoir la paix et la justice sur notre malheureuse terre. Est ce trop attendre alors que des artistes de conscience, de renommée internationale, soutiennent les valeurs de liberté, d’égalité et de justice pour tous ?
Ironiquement, quand l’an dernier vous avez été invité à vous produire au Festival international Palestine 2005, le thème en était "Une autre BRECHE dans le Mur !" Les paroles d’une chanson que des écoliers ont chantée s’inspiraient de votre chanson éternelle :
We don’t need no occupation
We don’t need no racist wall
No more siege and no more curfews
Soldiers leave us kids alone
Hey ! Soldiers ! Leave us kids alone !
All in all you’re just another brick in the wall
All in all we’ve just made another BREAK in the wall
On ne veut pas d’occupation/
On ne veut pas de mur raciste/ Plus de sièges, plus de couvre-feux/Soldats, laissez nous en paix, nous les enfants/Hé, les soldats, laissez nous tranquilles !/Finalement vous n’êtes rien qu’une autre brique dans le mur !/Finalement, nous venons de faire une autre BRECHE dans le mur.
Ces mots expriment toujours notre vision collective du Mur, de nos oppresseurs, et vous en êtes l’inspirateur. Veulent-ils toujours dire la même chose pour vous ?
Nous en appelons à votre sens moral, à votre réputation de défenseur des principes de la dignité humaine et de l’égalité. Et nous espérons très sincèrement que vous serez une autre brique dans le pont vers la liberté et la justice, pas une autre plaque de béton dans le Mur de la Honte d’Israël.