Le 3 mai est la Journée internationale de la Liberté de la Presse, créée au départ par la Commission des Droits de l’Homme des Nations unies dans la résolution 1993/45 pour la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression. Alors que c’est un problème urgent dans l’ensemble du monde y compris les soi-disant démocraties occidentales qui se vantent d’avoir des libertés individuelles, en Palestine la signification de cette journée est multiple.
En Palestine, les journalistes, écrivains, reporters et photographes sont confrontés à deux niveaux d’obstruction à leur propre liberté d’opinion et d’expression.
Pour des raisons évidentes, l’occupation israélienne, depuis 40 ans, doit être considérée comme le premier et plus lourd obstacle à toutes les libertés personnelles, politiques ou collectives des Palestiniens, étant donné sa nature raciste et oppressive.
Pendant des années, les journalistes palestiniens ont souffert sous ce régime qui n’a pas seulement restreint leur capacité à faire un travail de qualité, mais qui les a aussi mis en danger constamment.
Les journalistes palestiniens accrédités par le Syndicat palestinien des journalistes sont contraints à rester dans les régions qui dépendent de l’Autorité palestinienne, ils ne peuvent pas se rendre à Jérusalem ou en Israël sans autorisation israélienne. Ceci implique que toute histoire ou « scoop » qui se produit ailleurs ne peut être relaté qu’indirectement, par l’intermédiaire de journalistes qui ont eu l’autorisation d’entrer dans ces zones, ou par le service des dépêches internationales. Au bout du compte, la qualité de ces informations est grandement limitée, non pas par manque de journalistes compétents, mais à cause des contraintes géographiques et politiques.
De plus des journalistes palestiniens ont été emprisonnés, pris pour cible par des tireurs, blessés et tués en faisant leur travail.
En Septembre 2002, Issam Tilawi , journaliste de ‘Voice of Palestine’ a été visé à l’arrière de la tête et tué par un tireur d’élite israélien à Ramallah alors qu’il couvrait une manifestation qui s’y déroulait. Tilawi était le troisième journaliste tué par les tirs israéliens en 7 mois. Pendant la même période, le journaliste italien Raffaele Ciriello a aussi été tué à Ramallah par les soldats israéliens et Imad Abu Zahra à été tué à Jénine en juillet de la même année.
Selon Palestine Monitor, 12 journalistes ont été tués par les tirs de l’armée israélienne et 295 autres blessés entre 2000 et 2004.
D’après Reporters Sans Frontières dans son rapport annuel par pays pour 2006, concernant Israël : “les soldats israéliens ont fait preuve de discrimination contre les journalistes arabes, qu’ils ont maltraités, qu’ils travaillent pour des médias locaux ou des chaînes de télévision arabes comme Al-Jazeera et Al-Arabiya. L’armée israélienne les a pourchassés, interpellés, arrêtés, parfois sans qu’aucun procès s’ensuive.”
Selon un communiqué de presse de RSF, le journaliste palestinien Awad Rajoub, reporter de la chaîne satellitaire Al Jazeera Channel, a été arrêté et emprisonné pendant six mois par les autorités israéliennes avant d’être relâché en mai 2006 pour manque de preuves suffisantes contre lui. Il a été accusé de « mettre en danger la sécurité de l’Etat » [d’Israël].
Cela va sans dire, les ramifications de l’occupation israélienne ont gravement gêné et parfois mis en danger la vie et le travail des journalistes palestiniens, en les gardant des heures aux check- points, militaires, en leur interdisant l’accès aux « zones militaires fermées », en les soumettant à des arrestations et des coups et en les tuant.
Néanmoins, la liberté d’opinion et d’expression des Palestiniens n’est pas seulement compromise par l’occupation israélienne.
Depuis l’avènement de l’Autorité palestinienne, plus précisément depuis que les marques d’anarchie et de chaos sécuritaire se sont intensifiées, notamment dans la bande de Gaza, des bureaux des médias palestiniens, arabes et étrangers ont été mis à sac ou attaqués avec des cocktails Molotov et des personnalités des médias ont subi des attaques ou des enlèvements de la part de groupes militants palestiniens
Selon Reporters Sans Frontières, six journalistes, des étrangers surtout, ont été enlevés puis relâchés en 2006 dans la bande de Gaza. Depuis, le correspondant de la BBC, Alan Johnston, a été kidnappé le 12 mars 2007 par un groupe palestinien inconnu et n’a toujours pas été relâché.
Le mois dernier le Conseil législatif a du annuler une session à Gaza après que 40 journalistes palestiniens et autres ont protesté contre l’enlèvement de Johnston, exigeant que l’Autorité palestinienne fasse davantage d’efforts pour le trouver et le libérer.
Les manifestants qui ont empêché les députés d’entrer dans le bâtiment, ont été attaqués et frappés par des policiers et gardes palestiniens.
Si l’absence de loi et le manque de respect pour l’état de droit qui règnent depuis quelques mois dans les territoires palestiniens ont sans aucun doute joué un rôle essentiel dans le manque de respect pour les journalistes et le rôle des médias en général, il y a cependant d’autres facteurs à prendre en compte.
La culture et la tradition arabes et palestiniennes sont essentiellement patriarcales et reposent largement sur des affiliations familiales et claniques.
En conséquence, une complète liberté d’expression et d’opinion est souvent perçue comme une menace pour cette structure. C’est aussi le cas pour de nombreux régimes arabes. Critiquer le parti au pouvoir, que ce soit une monarchie, une « démocratie », une dictature ou, dans notre cas, l’Autorité palestinienne, semble un défi à la structure patriarcale traditionnelle plutôt qu’un moyen de nous améliorer par l’examen de nos insuffisances.
Parallèlement à la lutte de libération contre l’occupation israélienne, les Palestiniens doivent aussi se libérer des contraintes conservatrices d’une mentalité patriarcale bornée qui impose souvent que la critique constructive et la diversité d’opinion soient prises pour de la trahison.
Si nous devons avancer dans notre libération sociale, nous devons comprendre l’objectif d’occasions telles que la Journée internationale de la Presse, qui ont pour but d’améliorer la vie des gens partout dans le monde. Ceci veut dire que les journalistes, palestiniens ou autres, doivent pouvoir exprimer leurs opinions librement, dans les limites normales du respect et de la correction, en toute impunité.
Même si nous n’avons qu’un contrôle limité sur les atrocités commises par Israël contre les Palestiniens, y compris les journalistes, nous pouvons faire en sorte que les éléments dans notre propre société respectent le droit universel à la liberté d’expression et d’opinion. Non seulement cela sauvera ces voix qui veulent se faire entendre, mais cela facilitera le processus qui corrigera nos esprits déformés et les amènera à une vision plus saine de la pluralité sociale.