Selon la résolution 181 du plan de partage de 1947, Jérusalem devait rester unie sous protection internationale. La réalité est toute autre !
En 1948 Jérusalem a été divisée (Ouest 53 km², Est 6,5 km²).
En 1967 Israël occupe Jérusalem-Est, proclame la réunification de la ville, et étend les frontières par l’élargissement aux terres de 28 villages de Cisjordanie (72 km²).
En 1980 Jérusalem-Est est annexée. Israël décrète Jérusalem réunifiée sa capitale.
Un premier schéma directeur établi en 2000 vise à assurer la supériorité démographie des Juifs sur les Palestiniens (projet 70 % -30 %), aidé par la construction du mur d’annexion depuis 2005, par les points de contrôle et l’application du système administratif et juridique israélien à Jérusalem-Est.
En 55 années d’occupation et d’annexion Israël a mis en œuvre des politiques et des pratiques systématiques et planifiées de colonisation et de discrimination visant à contrôler la terre palestinienne et à transférer de la population palestinienne autochtone. Un nouveau plan en 2021 vise maintenant à faire disparaître l’identité palestinienne.
Aujourd’hui, Israël travaille à la réalisation du plan dit de la « grande Jérusalem », avec le projet d’en exclure trois quartiers palestiniens situés derrière le mur, dont Kafr’Aqab et Shuafat (près de 140 000 Palestiniens) et d’inclure trois blocs de colonies, Gush Etzion au sud, Maale Adoumin à l’est et Gevot Zeev au nord de la ville (160 000 colons) pour accélérer la modification de l’équilibre démographique.
Une colonisation accélérée
Depuis 1967, les autorités d’occupation israéliennes mettent en œuvre des politiques d’urbanisme discriminatoires qui négligent les droits sociaux, économiques et de logement des Palestiniens de Jérusalem occupée. On assiste depuis quelques années à l’accélération de l’expansion des colonies israéliennes à Jérusalem-Est. En 2021, les comités de planification israéliens ont approuvé plusieurs projets de colonies, dont cinq au-delà de la Ligne verte pour 3 557 nouveaux logements, visant à entourer et à isoler la ville du reste de la Cisjordanie (au sud, à l’est, au nord) et ainsi à fragmenter les quartiers palestiniens et à les séparer les uns des autres.
Pour parvenir à ses fins, Israël met en œuvre un arsenal de dispositifs. Les plus nouveaux sont issus du « Plan directeur 2050 » :
– Le téléphérique : en 2018, la municipalité de Jérusalem a annoncé l’installation d’un téléphérique, qui reliera la partie ouest de Jérusalem au mont des Oliviers. Déplacements des colons et des touristes israéliens en endommageant Silwan.
– Le plan du centre-ville de Jérusalem-Est : en 2020, le maire annonce la mise en oeuvre d’un plan directeur appelé « Centre-ville de Jérusalem-Est » qui propose un centre économique et industriel, au mépris des droits des résidents palestiniens.
– Projet Silicon Wadi-Joz : 40 propriétaires d’entreprises palestiniens du secteur ont reçu des ordres d’évacuation à la suite de l’annonce de la construction d’un parc technologique.
Confiscation de 2 000 dunums de terres palestiniennes, démolition de 200 magasins et installations,
– Construction de routes pour les colons : en 2020 plans visant à paver des centaines de kilomètres de routes de contournement en Cisjordanie pour accueillir les colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. La route des tunnels permettraaussi de doubler le nombre de colons qui se déplaceront dans la région de Bethléem. Passage souterrain de Qalandyia pour les colons.
– Démolitions de maisons : elles visent les Palestiniens. Ils ne sont autorisés à construire que sur 13 % des terres, et l’obtention d’un permis de construire est presque impossible. Ils ont des frais excessivement élevés, ainsi que des retards injustifiés.
La loi israélienne sur la construction et l’urbanisme, fournit une justification juridique pour les démolitions de maisons. Un amendement de cette loi, prévoit des amendes accrues, des peines jusqu’à 3 ans de prison et réduit le pouvoir des tribunaux de reporter la démolition. Ainsi, en 2021, les autorités israéliennes ont démoli 178 structures à Jérusalem-Est, dont 81 résidentielles, déplaçant 898 Palestiniens, dont 127 enfants.
Accueil et expulsions
– À Sheikh Jarrah : familles expulsées de force de leurs maisons, où elles vivaient depuis trois générations. Installées à Sheikh Jarrah suite à leur expulsion en 1948 de leurs villages et villes d’origine maintenant situés en Israël, neuf autres familles ont reçu des ordres d’expulsion. Sheikh Jarrah, a été cédé par le gouvernement jordanien en 1956 aux personnes palestiniennes sélectionnées par l’UNRWA.
Les colonies israéliennes sont construites au cœur des quartiers palestiniens qui jouxtent la vieille ville pour établir une continuité entre Jérusalem-Ouest et des lieux d’importance prétendument stratégique, historique et religieuse pour la population juive.
– À Batten Al Hawa/Silwan : Batten Al Hawa est la cible de mouvements de colons, qui affirment que le village a été construit à partir de 1881 sur les propriétés d’une communauté juive yéménite.
Ces initiatives sont destinées aussi à accroître l’emprise israélienne sur le « Bassin Sacré » historique entourant la Vieille ville (Sheikh Jarrah au nord, Silwan au sud et le Mont des Oliviers à l’est.)
– Droits de résidence : après l’occupation de Jérusalem en 1967, les Palestiniens ont reçu le statut juridique limité de « résidents permanents ». Ils sont titulaires d’une carte d’identité israélienne mais pas de passeport. Ils peuvent voter aux élections locales mais pas aux élections nationales. Ils doivent régulièrement prouver que leur « centre de vie » est à Jérusalem (vie, travail, éducation des enfants). Faute de quoi, les autorités israéliennes révoquer leur droit de résidence. Depuis 1967, environ 14 650 résidents palestiniens de Jérusalem ont vu leur statut révoqué. Le regroupement familial, accordé par le ministère de l’Intérieur, est gelé depuis 2002 ! Israël restreint pour les Palestiniens de Jérusalem qui épousent des résidents du Territoire palestinien occupé, ou des pays arabes, la possibilité de vivre à Jérusalem avec leurs partenaires, en violation du droit à la famille. Depuis 2006, les Palestiniens sont également confrontés à de nouvelles pratiques de « révocation punitive » de la résidence dans le cadre de punitions collectives mises en œuvre au prétexte d’« activités contre l’État d’Israël ».
– Le mur de séparation et les restrictions à la liberté de circulation : depuis 1993, Jérusalem est fermée par 22 points de contrôle militaires. En 2005 commence la construction du mur de séparation. Aujourd’hui, 4,8 millions de Palestiniens doivent passer par une procédure longue et difficile pour avoir une chance d’obtenir un permis et d’entrer dans la ville, parfois seulement pour quelques heures.
– Accès à l’éducation : l ’éducation a été prise pour cible par Israël depuis l’occupation de Jérusalem-Est : pénurie de salles de classe, sévères restrictions d’accès pour les enseignants et les étudiants. Alors qu’ils ont légalement droit à l’éducation publique gratuite, 26 341 enfants palestiniens de Jérusalem-Est ne sont enregistrés dans aucun cadre éducatif connu. Les autorités israéliennes ont aussi imposé des manuels scolaires censurés (en supprimant des sujets tels que la Nakba, l’histoire de l’occupation, le drapeau palestinien et l’hymne national) dans les écoles palestiniennes, privant les enfants palestiniens du droit d’apprendre leur identité, leur histoire, leur culture et leur patrimoine.
Droit international
Le droit de l’occupation doit pourtant protéger la population occupée d’un nouveau système juridique, mais aussi interdit tout changement dans la composition démographique, l’urbanisme, la propriété. La puissance occupante administre temporairement le territoire mais n’a aucune souveraineté sur la terre. En appliquant son droit civil à Jérusalem-Est, Israël refuse aux Palestiniens de Jérusalem la protection de la Convention de Genève de 1949 et du Règlement de La Haye de 1907, en violation du droit international humanitaire. L’acquisition d’un territoire par la force ne confère pas de titre valide à ce territoire, comme l’atteste la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité de l’ONU. L’annexion unilatérale de Jérusalem-Est ne confère donc aucune souveraineté à l’État d’Israël sur Jérusalem-Est.
La communauté internationale a refusé à plusieurs reprises de reconnaître l’annexion :
La résolution 242, de novembre 1967, adoptée à l’unanimité ; la résolution 2 334 de décembre 2016 (CSNU) a condamné « toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est ». Résolution d’avril 2017 qui condamne « toutes les mesures et actions législatives et administratives prises par Israël, puissance occupante, qui ont modifié ou prétendent altérer le caractère et le statut de la Ville Sainte de Jérusalem, et en particulier la « loi fondamentale » sur Jérusalem, sont nulles et non avenues et doivent être annulées immédiatement ». Et la Cour internationale de Justice a affirmé en 2004 que Jérusalem-Est, le reste de la Cisjordanie et la bande de Gaza sont des territoires occupés illégalement annexés par Israël, où le droit international humanitaire et les droits de l’homme sont applicables. Israël a l’obligation de protéger la population occupée « contre tous les actes de violence ou menaces […] » et « de respecter leurs personnes, leur honneur, leurs droits familiaux, leurs convictions religieuses et leurs pratiques, […]. »
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A propos de l’auteur
Zakaria Odeh est militant des droits de l’Homme. Directeur de la Coalition civique pour les droits des Palestiniens à Jérusalem (CCPRJ). Cette coalition a été créée en 2005 afin de promouvoir et protéger les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens à Jérusalem. Les membres du CCPRJ sont des ONG palestiniennes et des organisations communautaires travaillant dans les domaines des droits de l’Homme, du développement, de l’urbanisme et de la culture.
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Traduit par : Mireille Sève