Photo : La flottille norvégienne Handala en août 2023 - Crédit : Ostein Jakobsen (source : www.freedomflotilla.org)
Le navire de la flottille de la liberté, le Handala, a été chaleureusement accueilli par des foules en liesse dans les ports européens cet été.
La Coalition de la flottille de la liberté, une organisation internationale, dispose d’un contingent norvégien appelé Ship to Gaza-Norway (StGN), dont l’objectif est d’essayer d’atteindre Gaza par la mer. Cependant, étant donné que ces flottilles sont toujours inévitablement stoppées par les forces navales de l’armée israélienne, StGN cherche également à attirer l’attention sur la situation critique de Gaza chaque fois que le navire est réquisitionné - un acte qui en dit long sur le blocus israélien imposé à la bande de Gaza. Son autre objectif est de faire connaître la vérité sur l’occupation israélienne et le traitement inhumain du peuple palestinien.
Cet été, le Handala a effectué une tournée de solidarité en Europe, en mettant l’accent sur les conditions de vie des enfants de Gaza. Le voyage a commencé à Oslo à la mi-juin, et le navire a visité des ports en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Danemark et en Suède, avant de revenir récemment en Norvège.
Dans chacun des pays, des groupes locaux de soutien à la Palestine ont organisé des réunions publiques et des rencontres avec les participants sur le bateau.
Test pour Gaza
Cette mission a également servi de test pour la prochaine tentative d’atteindre Gaza, qui aura lieu l’été prochain. Le Handala est un ancien bateau de pêche qui peut accueillir jusqu’à 18 personnes. Plus d’une poignée de participants de cet été ont vu l’intérieur d’une prison israélienne lors de précédentes tentatives pour atteindre Gaza - et ils sont prêts à se faire arrêter à nouveau.
La première escale en Suède a eu lieu à Halmstad, une ville relativement petite de 50 000 habitants. L’organisation Ship to Gaza-Sweden est très active et compte de nombreux membres dans tout le pays. La responsable de StGS, Jeannette Escanilla, se dit particulièrement heureuse de voir autant de Palestiniens se joindre à l’action.
Les visiteurs de la Palestine peuvent être déconcertés par l’éternelle capacité des Palestiniens à manifester leur joie de vivre au milieu de la tragédie. L’une des explications que nous avons entendues est qu’il s’agit de l’une de leurs « armes secrètes », l’expression de leur force et du fait qu’ils ne peuvent jamais être vaincus. Ils continuent à danser, à jouer de la musique et à chanter, et les Palestiniens de Suède n’ont pas fait exception à la règle. À l’approche du bateau, la musique folklorique palestinienne a envahi le quai et les Palestiniens ont dansé la dabké, entraînant avec eux les Suédois.
S’adressant à la foule à Halmstad, Jeannette a déclaré : « Il est temps maintenant que les politiciens et les médias mettent en lumière ce qui se passe à Gaza, et les crimes qu’Israël commet, en particulier contre les enfants ».
Jeannette a elle-même participé à la mission Women’s Boat to Gaza en 2016 sur le voilier Zaytona Olive. Les 13 femmes ont risqué leur vie lors de ce voyage lorsque le mât principal s’est brisé lors d’une forte tempête en mer Méditerranée. Elles ont perdu le contrôle du bateau pendant près de 24 heures, pensant que la prochaine vague les ferait couler. Lorsque la mer s’est calmée, un navire grec est arrivé et les a remorqués jusqu’au rivage.
Le mât a été réparé et le bateau des femmes pour Gaza a poursuivi sa route. La mission s’est arrêtée net lorsque l’armée israélienne a abordé le bateau. Jeannette et toutes les autres femmes à bord sont arrêtées et emmenées dans une prison israélienne. Leur bateau, comme tous les autres avant eux, a été confisqué par Israël et ne sera jamais rendu.
Chaque fois qu’un bateau est confisqué, le travail commence pour en financer un nouveau, basé principalement sur des dons de particuliers. Il n’y a pas d’entreprises ou de gouvernements riches qui soutiennent cet effort. C’est grâce à l’idéalisme et à la force de la solidarité que les bateaux continuent d’être achetés et que les missions se poursuivent. Les militants distribuent des tracts et font circuler une boîte de collecte, et les gens donnent.
Récemment, cependant, le bateau pour Gaza-Norvège a reçu un don substantiel du parti rouge, essentiellement grâce à une députée norvégienne, Hege Bae Nyholt, âgée de 45 ans. Elle a rejoint le Handala de Göteborg à Oslo.
L’apartheid en ligne de mire
« Le bateau Ship to Gaza est un moyen très concret d’attirer l’attention, et je pense qu’il est très important que le bateau navigue de port en port à travers l’Europe, avec un message très clair", explique Hege Bae Nyholt. Il est très difficile de faire passer dans la presse un message du type "encore des mauvaises nouvelles de Palestine", mais il s’agit d’un événement très visuel, qui a beaucoup plus de chances de faire passer l’information. »
Mme Nyholt n’est pas une nouvelle venue dans le mouvement de soutien à la Palestine. Ses parents étaient de fervents partisans, et elle faisait partie des petits enfants dans les manifestations, dans une poussette, agitant le drapeau palestinien avant même de savoir marcher. Elle a vécu à Bethléem en 2000, au moment où la seconde Intifada a commencé. L’année dernière, en tant que députée, elle a proposé les organisations de défense des droits humains Al-Haq et B’Tselem pour le prix Nobel de la paix - et elle le fera à nouveau. Le 15 mai dernier, à l’occasion du 75e anniversaire de la Nakba, elle a présenté au Parlement norvégien une proposition visant à reconnaître la Palestine comme un pays souverain et à adhérer à la convention des Nations unies contre l’apartheid.
« La proposition doit être votée au Parlement cet automne. Je suis très enthousiaste et j’ai bon espoir », m’a confié M. Nyholt. « L’accent mis sur la situation d’apartheid en Palestine a un potentiel de changement, car la compréhension mondiale de l’apartheid a commencé avec la fin du régime en Afrique du Sud. Nous devons essayer de parvenir à une compréhension collective de l’apartheid en Palestine, car nous avons besoin de la pression extérieure du public, des électeurs. C’est aussi pourquoi je pense que le travail effectué par Ship to Gaza est si important. »
Des vœux aux enfants de Gaza
Des vœux aux enfants de Gaza
Dans sa vie civile, Mme Nyholt est institutrice dans un école maternelle, et elle a été très heureuse de voir autant d’enfants arriver à Göteborg. Les enfants ont présenté au public des chansons palestiniennes et des danses traditionnelles, et le troisième et dernier jour, le bateau était rempli d’enfants qui faisaient des dessins pour souhaiter la bienvenue à leurs camarades restés au pays.
Les dessins décorent désormais les murs de la cuisine du Handala. Ils ne parviendront probablement jamais aux enfants de Gaza sur papier, car le bateau sera volé par l’armée israélienne lorsqu’il tentera d’atteindre Gaza l’été prochain. Les dessins sont donc photographiés, dans l’espoir que de nombreuses personnes les enverront à leurs amis et à leur famille en Palestine, afin de leur faire comprendre qu’ils ne sont pas seuls et que des personnes luttent pour leur liberté dans toute l’Europe.
Mme Nyholt espère vraiment participer à la mission l’année prochaine.
« Êtes-vous prête à être arrêtée et jetée dans une prison israélienne à Ashdod, comme toutes les autres personnes qui ont essayé depuis 2010 ? » Je lui demande.
« C’est une chose à laquelle je dois réfléchir, à cause de mes deux enfants, qui ont 11 et 13 ans », répond-elle. « Ils ont grandi avec le drapeau palestinien à la main, comme moi, et ont participé à des manifestations depuis leur naissance. Les conditions horribles dans lesquelles vivent les Palestiniens sont la réalité avec laquelle ils grandissent. Mais je ne veux pas qu’ils aient peur pour moi. J’ai presque un an pour prendre une décision à ce sujet. Mais j’ai très envie de participer à la mission, même si je quitte le navire à la dernière étape », répond-elle.
Le comité Palestine de Göteborg a envoyé un message pour le départ de Handala, et les gens sont venus avec des fleurs et des ballons rouges en forme de cœur, qui ont été attachés sur le côté du bateau lorsqu’il a quitté le dernier port de l’été de la solidarité.
Traduit par : AFPS