Lamar, mon amour, pardonne-moi de t’avoir été arraché par l’occupation qui m’a ainsi privé du bonheur de contempler mon premier enfant. J’avais demandé à Dieu la grâce de pouvoir te voir, t’embrasser, d’avoir le bonheur de te connaître. Tu n’y es pour rien. Tel est notre destin à nous, Palestiniens, de vivre dans le malheur, séparés les uns des autres. Rien n’est complet dans nos vies car ce régime d’occupation injuste s’attaque à tous les aspects de nos existences, leur ôte toute réalité, nous traque sans relâche et nous torture. L’on m’a empêché de te tenir dans mes bras, d’entendre le son de ta voix et de te voir grandir et aller et venir dans la maison. L’on m’a empêché de jouer mon rôle de personne humaine et de père à ton égard. En dépit de tout cela, ton existence m’a donné force et espoir. Lorsque j’ai vu ta photo aux côtés de ta mère dans la tente du « sit-in », tu m’as paru si calme, interrogeant les gens du regard comme si tu me cherchais, regardant les photos me représentant et demandant en silence : " Pourquoi mon père ne revient pas ?" Je t’ai sentie tout près de moi, dans mon coeur et dans mon esprit comme si tu faisait partie du battement régulier de mon coeur et du sang qui coule dans mes veines, ouvrant toutes les portes pour moi, m’entourant de ciel bleu et faisant entendre ta voix d’enfant après ce long silence.
Lamar, mon amour, on ne peut te reprocher de ne pas comprendre pourquoi ton père poursuit, après 75 jours, une grève de la faim et pourquoi il livre cette bataille. Mais lorsque tu seras grande, tu comprendras que la bataille de la liberté est celle du retour vers toi. Je la mène pour que l’on ne puisse plus jamais m’arracher à toi et me priver de ton sourire et de ta vue, pour que l’occupant ne puisse jamais plus venir et m’enlever à toi.
Quand tu seras grande, tu comprendras comment ton père et des milliers de Palestiniens ont été victimes de l’injustice, comment le régime d’occupation les a emprisonnés et enfermés dans des cellules, brisant leurs vies et leur avenir, alors que leur seule faute est d’avoir désiré la liberté, la dignité et l’indépendance. Tu sauras que ton père ne tolérait pas l’injustice et la soumission et qu’il n’acceptera jamais insultes et compromissions. Tu sauras, enfin, qu’il fait la grève de la faim pour protester contre l’Etat juif qui cherche à faire de nous des esclaves humiliés sans droits ni dignité patriotique.
Lamar, ma bien aimée, garde toujours la tête haute et sois fière de ton père. Remercie tous ceux qui m’ont soutenu ainsi que les autres prisonniers dans notre lutte et ne crains rien. Dieu est toujours avec nous ; il n’abandonne jamais ceux qui ont foi et patience. Nous sommes des hommes droits et la justice triomphera toujours de l’injustice et de ceux qui font le mal.
Lamar, mon amour, le moment viendra et je compenserai tout cela ; je te raconterai toute l’histoire et les jours suivants seront plus beaux. Laisse les donc couler maintenant, mets tes plus beaux vêtements, cours encore et encore dans les jardins de ta longue vie, avance, avance toujours. Il n’y a rien derrière toi que le passé et c’est ta voix que j’entends sans cesse comme la mélodie de la liberté.
Traduction MFD, AFPS