Les résidents de Sheikh Jarrah ont rejeté "à l’unanimité" un compromis proposé par la Cour suprême d’Israël mardi, qui leur aurait permis de rester dans leurs maisons pendant au moins 15 ans, en échange de la reconnaissance de la propriété d’un groupe de colons et du paiement d’un loyer symbolique.
En raison du rejet de cette offre, les juges devront réexaminer le recours des résidents palestiniens contre l’ordre d’expulsion initial. Nahalot Shimon, le groupe de colons qui revendique le terrain, a également soumis sa réponse à la Cour suprême, mais sa décision n’a pas encore été rendue publique.
Ces derniers jours, les frictions se sont multipliées entre les habitants du quartier de Jérusalem-Est favorables à l’acceptation de l’offre et ceux qui préféraient la rejeter.
Lors d’une conférence de presse mardi, Muna El Kurd, l’une des figures de proue de la lutte du quartier, a lu la déclaration des familles.
"Nous rejetons à l’unanimité l’arrangement proposé par le tribunal d’occupation", a-t-elle déclaré, arguant que l’accord aurait "ouvert la voie à l’expropriation des droits sur nos terres."
El Kurd a ajouté que ce rejet vient de "notre croyance en la justice de notre cause et en notre droit à nos maisons et à notre patrie." Elle a ajouté que les résidents allaient faire confiance à la "rue palestinienne" pour sensibiliser la communauté internationale à leur sort.
Selon la proposition, les trois familles menacées d’expulsion seraient reconnues comme des locataires protégés de première génération, ce qui signifie qu’elles continueraient à bénéficier de ce statut pendant deux générations supplémentaires. Une quatrième famille serait considérée comme locataire de deuxième génération, ce qui signifie qu’une génération supplémentaire de la famille pourrait continuer à vivre là en tant que locataire protégé. Les familles conserveraient le droit de prouver qu’elles ont des droits de propriété sur les maisons.
La proposition des juges Isaac Amit, Noam Sohlberg et Daphne Barak-Erez recommande également que les familles paient un loyer à Nahalat Shimon, l’organisation à but non lucratif qui a intenté un procès pour obtenir leur expulsion. "Chaque famille déposera un loyer annuel de 2 400 shekels [750 $] sur le compte du conseil de la société Nahalat Shimon. Le paiement sera déposé chaque année à l’avance à partir du 1er janvier 2020 et chaque 1er janvier par la suite", selon le plan.
L’accord de compromis est intervenu dans le cadre d’un âpre conflit juridique qui a attiré l’attention du monde entier sur les droits des Palestiniens dans la ville et a joué un rôle dans les émeutes de mai dernier à Jérusalem-Est. S’il avait été accepté, le plan des juges aurait épargné à Israël les retombées d’un ordre d’expulsion, mais le compromis s’est heurté à une forte opposition politique des Palestiniens et des Israéliens de droite, qui considèrent tous deux que le conflit s’inscrit dans le cadre d’une lutte pour l’avenir démographique de la ville.
L’affaire devant la Cour suprême concerne trois familles, mais on estime qu’elle touche les 13 familles palestiniennes susceptibles d’être expulsées. Les familles ont été installées dans le quartier de Jérusalem en 1956 par le gouvernement jordanien et les Nations unies ; les organisations de colonisation demandent leur expulsion depuis deux décennies, affirmant que le terrain sur lequel leurs maisons sont construites appartient à des Juifs depuis la fin du XIXe siècle.
La revendication de Nahalat Shimon remonte à 1876, lorsque des Juifs ashkénazes ont acheté une parcelle de terrain près de la tombe de Shimon Hatzaddik, un grand prêtre juif des temps anciens. Un petit quartier juif a été fondé sur une partie du terrain. Ils ont été chassés de la zone pendant l’occupation jordanienne en 1948.
Les tribunaux de première instance et de district ont accepté cet argument, et les trois familles ont été expulsées de leurs maisons. La lutte contre l’expulsion des Palestiniens a suscité la controverse dans le monde entier, atteignant le Congrès américain, les diplomates européens et les dizaines d’équipes de médias qui ont assisté aux audiences du tribunal. Les juges ont proposé le compromis après que les deux parties ne soient pas parvenues à un accord lors de l’audience précédente.
Si les familles palestiniennes avaient accepté le compromis, leur expulsion n’aurait plus été à l’ordre du jour pendant de nombreuses années. Elles ont toujours la possibilité d’essayer de prouver leurs droits de propriété sur les terres à l’avenir par l’intermédiaire du bureau de règlement des terres du ministère de la justice.
Traduction : AFPS