La barrière qu’Israël construit à l’intérieur et autour de la Cisjordanie va priver une communauté chrétienne de sa terre et semble avoir causé un sacré tumulte entre des moines et des Soeurs -qui pourraient bien se retrouver de chaque côté du mur.
Dans la verte vallée de Cremisan, à l’ouest de Bethléem, un berger est appuyé contre un rocher tandis que son troupeau paît sous les oliviers et les figuiers.
Tout près, une route étroite serpente sur la colline jusqu’à un couvent du 19 ème siècle qui est le seul établissement vinicole palestinien, tenu par les moines.
Pour la ville, essentiellement chrétienne, de Beit Jala, c’est un superbe site local. Les habitants viennent s’y promener ou pique-niquer au week-end. Beaucoup y possèdent un lopin de terre agricole.
Ils envoient aussi leurs enfants à l’école du couvent et ils visitent le monastère où ils achètent raisin et vin.
C’est pourquoi le projet du gouvernement israélien de construire un mur qui coupera la vallée et leur en interdira l’accès est accueilli avec beaucoup d’inquiétude.
Dans une démarche inhabituelle, des prêtres comme le Père Ibrahim Shomali s’expriment publiquement.
"Quand les gens souffrent, l’église doit être près d’eux. Ce n’est pas de la politique. Ce sont des droits humains et ce sont des chrétiens que nous devons défendre," dit-il.
"Ici, 57 familles chrétiennes vont perdre leur terre. Et perdre leur terre c’est perdre l’espoir."
Chaque semaine, le Père Ibrahim invite les membres de la communauté à participer à une messe en plein air, qui est une forme de protestation pacifique.
De large portions de la barrière israélienne en Cisjordanie sont déjà construits.
De la vallée de Cremisan, le haut mur de béton qui sépare Bethléem la Palestinienne de Jérusalem est bien visible au loin.
Quand il arrivera jusqu’ici, l’objectif sera de séparer Beit Jala de deux colonies juives- Har Homa et Gilo – qui se trouvent sur des sommets opposés.
Alors que le droit international considère que ces colonies sont illégales, Israël dit que non.
Pour les Palestiniens, la barrière n’est qu’un vol de terre et ils pensent que cette vallée est promise à la colonisation. Les responsables israéliens affirment qu’ils se préoccupent seulement de sécurité.
"Le tracé de la barrière de sécurité répond à des considérations sécuritaires spécifiques dans la zone. Dans la région de Beit Jala, son seul but est d’éloigner la terreur de Jérusalem," dit Joshua Hantman, porte-parole du ministère israélien de la Défense [1]. Il ajoute que pendant la deuxième intifada, il y a 10 ans, il y avait des tentatives régulières de tirs sur Gilo à partir de Beit Jala [2].
Les Palestiniens de Beit Jala ont entamé une action juridique pour empêcher qu’ils ne soient coupés de la terre de Cremisan. C’est l’un des dizaines de cas qui font que la construction du mur, commencée en 2002, n’est qu’au deux-tiers achevée [3].
Ce qui fait la différence dans ce cas, c’est la présence du couvent et du monastère.
Il y a deux ans, les Soeurs salésiennes de Cremisan se sont jointes à l’action contre le tracé du mur devant un tribunal israélien.
"Nous voulons construire des ponts, pas des murs," dit leur directrice, Soeur Fides, par la voix des avocats, insistant sur l’importance de l’école primaire du couvent pour les enfants de Cisjordanie.
"Notre engagement, c’est l’éducation pour la justice, la coexistence et la paix entre les gens, sans distinction."
Les dernières propositions pour la barrière la feraient encercler le couvent, le maintenant du côté palestinien mais le coupant du monastère voisin. Les enfants pourraient continuer à fréquenter l’école mais il leur faudrait passer devant les soldats israéliens à un point de contrôle.
Les propriétaires de terres auraient un accès limité par un portail agricole, à l’époque de la cueillette des olives par exemple.
Les moines sont longtemps restés silencieux devant ces développements, s’attirant les critiques d’autres membres de la communauté chrétienne.
"Il est vital que toutes les parties concernées soient unies contre ce mur parce que ensemble nous sommes forts,"dit Samia Khalilieh, qui est partie prenante de l’action judiciaire.
"Que le monastère soit avec nous est très important. Il fait partie de notre héritage."
En décembre,les moines ont rendu publique une condamnation prudente du tracé du mur.
On y lit qu’ils n’ont jamais demandé "à passer du côté israélien" et que "tout le tracé du mur a été décidé par les seules autorités israéliennes".
Le monastère a tenté de se joindre à l’action en justice mais cela leur a été interdit par le tribunal.
Les nonnes et les habitants seront à nouveau devant le tribunal en septembre.