Or, il faut s’interroger : est-ce que les Etats-Unis, et plus particulièrement l’Administration Bush, étaient un jour ou l’autre sérieusement engagés à faire régner la démocratie ou à l’imposer ou même à faire pression pour l’appliquer dans les pays arabes et islamiques ?
Dire que l’Administration américaine est revenue sur son engagement ou qu’elle a échoué dans sa mission signifie que cet objectif figure réellement sur l’agenda de la politique étrangère concernant les relations avec les Arabes. Ceci est-il vrai ?
Cette question de l’engagement américain à faire régner la démocratie suscite aussi une autre question importante : A quel point Washington a-t-il réussi à exploiter ce slogan de la démocratie au service d’objectifs politiques déterminés qui n’ont rien à voir avec la démocratie ?
Il est inutile de s’arrêter longtemps devant la première question. En effet, rien ne laisse croire que les Etats-Unis, en particulier sous l’Administration actuelle, ont un jour décidé d’exercer une pression réelle sur les régimes dictatoriaux alliés aux Etats-Unis dans le monde arabo-musulman pour les convaincre d’opter pour la démocratie. Washington sait parfaitement que le résultat du transfert vers la démocratie sera la chute de ces mêmes régimes. Et les Etats-Unis ne peuvent en assumer le prix.
Nous en arrivons à la seconde partie de la question concernant l’exploitation du terme de démocratie pour servir les objectifs politiques intérieurs et extérieurs des Etats-Unis. Cette réalité est devenue de plus en plus claire sous l’Administration actuelle qui s’est même élargie dans l’exploitation de la démocratie comme prétexte moral à ses aventures militaires.
La guerre contre l’Iraq constitue un exemple classique qui montre à quel point Bush a eu recours à l’acceptation internationale du principe de la démocratie comme objectif noble pour justifier son invasion de l’Iraq. L’Administration Bush continue à refuser de reconnaître que les forces américaines en Iraq sont des forces d’occupation, assurant qu’elles jouent un rôle de libération, une tendance qui s’est renforcée du fait que Washington n’a pas réussi à prouver l’existence d’armes de destruction massive en Iraq.
Il est important de signaler que l’expérience américaine a dévoilé une réalité arabe attristante : l’instauration d’un régime démocratique réel, même avec la chute du régime de dictature, est une chose très difficile qui implique des dangers de démantèlement et de conflits intérieurs, et peut-être même de guerre civile.
Or, l’Administration américaine ne peut renoncer totalement, même de manière théorique, à l’idée de la propagation de la démocratie dans le monde comme partie de son programme politique étranger. Et les causes sont claires. Premièrement, brandir le bâton de la démocratie au visage des gouvernements arabes, y compris les alliés, réalise des gains importants et rend ces gouvernements plus flexibles face aux réclamations américaines.
Et rien n’empêche, selon les règles du jeu que connaissent les deux parties, que les Etats-Unis exercent des pressions sur un certain régime sans que ceci ne cause de grande gêne pour le régime ou l’expose à de graves problèmes.
Nous savons que l’année dernière, les Etats-Unis ont consacré 1,2 milliard de dollars pour le renforcement des droits de l’homme et de la démocratie dans le monde. L’Administration américaine publie un rapport annuel sur les violations des droits de l’homme, lequel adresse de nombreuses critiques à ses alliés. Mais la rigueur de ces critiques ne peut être comparée à celle des critiques adressées aux ennemis, même si les violations des droits de l’homme sont les mêmes dans les deux cas. De plus, les sanctions imposées aux Etats ennemis sous prétexte de violation à la démocratie n’ont rien à voir avec les « pressions douces » exercées contre les Etats amis qui commettent les mêmes violations, voire peut-être plus.