Nul besoin d’une commission d’enquête sur la guerre au Liban de l’été dernier ; le juge Winograd et ses collègues peuvent retourner à leurs familles et à leurs tâches quotidiennes, et les contribuables pourront récupérer une partie de leur argent qui a été affecté au travail de cette commission. Le coupable a été trouvé.
Ni le Premier ministre Olmert, ni l’ancien chef d’état-major Dan Halutz, n’auront à payer le prix de la guerre, car la police, les services de sécurité, les politiciens et les médias ont trouvé celui qui est, et le seul, responsable de tout ce fiasco sanglant et honteux : c’est Azmi Bishara.
Contrairement aux resonsables du gouvernement et aux officiers de haut rang, lui a été interrogé par la police, accusé par les politiciens, les médias et, bientôt, par le procureur général également, il sera jugé par un tribunal et qui sait ? peut-être par une cour martiale. D’après les titres des journaux israéliens, s’il est condamné, Azmi Bishara pourrait être condamné à la peine de mort !
Le fait que Bishara ait été le député le plus mobilisé contre la guerre, laquelle aujourd’hui est considérée par tout Israélien (pour des raisons différentes voire opposées) comme une erreur énorme, fait qu’aujourd’hui il est le seul à être poursuivi... et persécuté !
Tous les citoyens naïfs, comme moi, qui s’attendaient à ce qu’Azmi Bishara reçoive la prestigieuse Israel Award pour ses mises en garde contre cette guerre prévue de longue date contre le Liban et sur le prix élevé que les Libanais, comme les Israéliens, allaient devoir payer dans une entreprise aussi irresponsable, pourraient bien être sérieusement déçus : cette récompense risque d’être remise à Ehud Olmert, le pire des Premiers ministres israéliens (selon ses ministres eux-mêmes, en privé bien sûr).
Les médias, tuyautés par les services de sécurité israéliens, parlent d’accusation de trahison en temps de guerre (peine de mort), d’espionnage, de contact avec des agents étrangers, etc. Mais d’eux-mêmes, ils vont plus loin que ces accusations politiques de base. Le fait que la plus grande partie de l’élite dirigeante israélienne fasse l’objet d’enquêtes (ou d’accusations) pour corruption ou, au moins, de malversations sur de grosses sommes d’argent, oblige les autorités à mettre de tels crimes sur le dos d’Azmi Bishara : pourquoi n’y aurait-il que des politiciens juifs à être impliqués dans des affaires d’argent ? Au début, les médias prétendaient que Bishara avait reçu des fonds pour des ONG arabes en Israël, mais même si c’était vrai, l’accusation est si ridicule qu’elle a dû être remplacée par celle de « blanchiment d’argent », une accusation qui sent mauvais mais qui ne signifie rien dutout. Aucun doute, il ne restera rien de telles accusations. Mais ce ne sera pas le cas des accusations politiques.
L’ « affaire Bishara » rappelle d’anciennes affaires politiques, comme celle de l’Alternative Information Center en 1987 et, plus récemment, celle de Tali Fahima. Leur dénominateur commun est la volonté de détruire la personne ou l’organisation par des accusations extrêmement graves, répandues par les services de sécurité et relayées par les médias, et qui perdent progressivement de leur gravité : espionnage ou trahison, puis « contact avec un agent ennemi en temps de guerre », puis contacts avec des groupes terroristes, puis « services à des organisations illégales ». A la fin, un procès politique et, éventuellement, une condamnation pour une charge mineure, habituellement liée à « services à des organisations illégales. »
Ce qui doit être clair, c’est que la plus grande partie de l’attaque n’est jamais le procès lui-même, mais la campagne qui précède, avant même qu’un dossier d’accusations soit déposé, et notre riposte aurait dû être immédiate, dès ce premier stade. Tous ceux qui « veulent d’abord tout savoir sur le sujet » et qui attendent que le juge ait rendu sa décision avant de s’opposer fermement à la campagne politique contre d’Azmi Bishara et le Balad, font une erreur.
Quant à ceux qui croient pouvoir gagner quelque chose sur le plan politique avec l’attaque du gouvernement contre un parti rival, ceux-là n’ont rien appris de l’histoire : une attaque contre l’un d’entre nous est une attaque contre nous tous, et si cette tentative à délégitimer le Balad réussit, cela déclanchera certainement d’autres attaques contre d’autres partis et organisations politiques ancrés dans la population palestinienne d’Israël.
C’est pourquoi il nous faut, maintenant, nous unir derrière Azmi Bishara et le Balad. Ce n’est pas seulement par devoir de solidarité, mais aussi de se défendre nous-mêmes.