Ce dernier y a vu une tentative du Hezbollah de "briser les rangs de la communauté sunnite et des salafistes", à un moment où l’équilibre des forces est défavorable aux sunnites et alors que la plaie ouverte par l’attaque lancée en mai par le Parti de Dieu contre la partie ouest de Beyrouth, à majorité sunnite, est encore vive.
Cette attaque, ainsi que les violences dont la ville de Tripoli, capitale du Liban nord, est le théâtre par intermittence constituent la toile de fond du rapprochement entre le Hezbollah et ses nouveaux partenaires salafistes, qui sont des associations à but essentiellement social, religieux et éducatif. Lors de la signature du mémorandum, les deux parties ont mis l’accent sur leur souci commun de "sauvegarder la paix civile", et souligné que leur entente n’était "dirigée contre personne".
Les salafistes signataires ont affirmé que leur "référent" demeurait le Courant du futur, principal mouvement politique sunnite du pays, sans l’assentiment duquel, ont-ils assuré, ils se seraient abstenus de se rapprocher du Parti de Dieu. Sans porter de jugement dans un sens ou dans l’autre, ledit Courant a pour sa part pris ses distances, en affirmant, par la voix de l’un de ses députés, que son chef, Saad Hariri, n’a "absolument" pas été tenu au courant de la teneur du document.
Les signataires du mémorandum s’engagent à "interdire tout conflit armé et toute discorde (fitna)" entre familles spirituelles musulmanes. Ils se disent résolus à "empêcher toute incitation" à la haine "qui galvanise les foules" et à "s’employer à réduire au silence les courants takfiris (qui jettent l’anathème sur quiconque ne partage pas leur croyance) aussi bien chiites que sunnites". Un comité de dignitaires religieux sera chargé d’empêcher que d’éventuels conflits dégénèrent, étant entendu qu’aucun des deux partenaires "ne cherchera à imposer ses vues à l’autre".
Autant que l’attaque de Beyrouth, ce qui semble avoir précipité le rapprochement de ces salafistes avec le Hezbollah est leur crainte de devenir le bouc émissaire des récentes violences dont Tripoli a été le théâtre. Ils ont confié leurs appréhensions à certains députés du Courant du futur, selon l’un de ces parlementaires. Le mémorandum d’entente souligne d’ailleurs que les deux parties "seront solidaires, dans la mesure du possible, face à toute injustice dont l’une ou l’autre serait victime" et qu’elles voleront au secours l’une de l’autre en cas d’attaque.
Depuis quelques semaines, plusieurs voix se sont élevées, notamment au sein de l’opposition, pour tenir les salafistes, toutes tendances confondues, comme principaux responsables du conflit armé qui oppose régulièrement, à Tripoli, des milices alaouites (branche du chiisme) du quartier de Baal Mohsen à d’autres sunnites de Bab Tebbaneh, où les mouvements salafistes sont nombreux.
Ces derniers ont certes tous perçu l’attaque du Hezbollah contre Beyrouth comme une mise en danger de l’ensemble de la communauté sunnite, mais ils sont minés par des rivalités et des conceptions antagonistes - djihadistes et quiétistes - de leur mission.
Article paru dans l’édition du 20.08.08.