Pour participer au salon, il y a une charte éthique relative à chaque produit qui doit satisfaire à la fois à un critère environnemental et à un critère social de respect d’un salaire minimum pour le travailleur, du respect de la liberté syndicale et du droit de s’organiser pour mener une négociation collective et surtout d’une égalité de chance pour l’embauche, l’accès aux emplois qualifiés et la promotion interne sans intégrer de conditions de race, de couleur de peau, de sexe, d’opinions ou handicap.
Or, la société Sodastream s’est invitée à ce salon pour présenter une machine « Génésis Eco », prétenduement « made in China » !
Outre le fait bien connu que cette société est une entreprise israélienne dont la seule unité de fabrication de ses machines est implantée dans la plus grande colonie israélienne, Ma’ale Adumim, située en pleine Cisjordanie, en territoire palestinien occupé donc (ce qui résulte du propre rapport financier de cette société tel qu’établi en novembre 2010 pour entrer au Nasdaq et que nous avons communiqué), fait qui ne paraît guère intéresser les dirigeants de ce salon mais sur lequel nous avons cependant appelé leur attention, il se trouve qu’elle ne respecte pas les critères sociaux posés par la charte d’éthique. Nous n’avons pas manqué de le leur faire savoir en leur communiquant, si besoin en était, un rapport (effectué par une organisation israélienne « Who profits », à partir des constatations faites par l’ONG israélienne Kavla’oved qui défend les droits des travailleurs précaires employés en Israël ou par des Israéliens, en Territoire occupé). Il en résulte que les travailleurs palestiniens, dans cette unité de fabrication, souffrent non seulement de leur exploitation par leur employeur et de discrimination à raison de leur origine mais encore du fait qu’étant sujets occupés, ils ne jouissent pas des droits les plus élémentaires et dépendent de leur employeur pour leur permis de travail ( qui constitue aussi leur permis de circulation) qui leur est retiré dès qu’ils revendiquent des droits (deux de ces travailleurs ont été licenciés à raison de leurs liens avec l’ONG Kavla’oved qui était intervenue pour faire reconnaître leurs droits).
Ces éléments ont été portés à la connaissance des organisateurs de ce salon et des membres du Comité d’éthique qui n’ont pas paru s’en émouvoir et qui ne nous ont pas répondu.
Nous sommes donc allés le faire savoir aux portes du salon, vendredi, samedi et dimanche. Nous avons été surveillés de très près par les agents de la sécurité du salon le vendredi qui auraient d’abord souhaité nous voir déguerpir mais ont finalement compris que nous exercions notre libre droit d’expression auquel ils ne pouvaient opposer aucune exception opérante…ce qui ne les a pas empêchés d’appeler la police à rescousse qui est intervenue à deux reprises mais qui n’est pas parvenue à nous opposer quelque texte d’interdiction que ce soit : après appel téléphonique pour se renseigner, il nous a seulement été opposé l’article R 610-5 du Code pénal (« La violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 1re classe ») mais sans nous préciser quels étaient les décrets et arrêtés de police qui auraient été violés ! Pour la petite histoire, il n’est pas sans intérêt de préciser que le lendemain, nous devions être considérés comme tellement dangereux que deux policiers étaient en faction pour nous trouver à partir de 9 h du matin quand nous sommes arrivés à 14h, ce qui les a fait un peu fulminer et nous réserver un accueil plutôt glacé !
Enfin bref, hors ces intermèdes policiers toujours intéressants en ce qu’ils provoquent des attroupements et attirent l’attention sur nous, nous avons diffusé nos tracts sans problème…avec une interruption, vendredi, pour aller visiter le stand Sodastream, à mains nues, bien sûr, sans panneaux ni tracts…mais nous nous sommes heurtées (deux femmes) à un barrage et il nous a fallu attendre un bon quart d’heure pour que les autorités du salon donnent leur autorisation d’entrer à ces manifestantes qui s’engageaient à ne pas faire de scandale et qui, si elles affirmaient vouloir se rendre sur le stand en cause, s’engageaient à ne faire que « discuter »…sachant que nous n’avions jamais eu d’autre intention…Dangereuses militantes, nous avons alors été suivies dans nos pérégrinations dans le salon (que nous n’avons pas pris la peine d’abréger) avec l’information donnée que nous étions attendues sur le stand Sodastream ! Et, en effet, quand nous nous y sommes rendues, nous avons été accueillies par Monsieur Philippe Chancellier, Directeur de la Société importatrice OPM, en personne…Selon lui, l’arrêt Brita (du 25 février 2010 de la Cour de Justice de l’Union Européenne concernant l’importation de cette machine) qu’ il connaît parfaitement, ne porte que sur un problème de taxes douanières (qui ne concerne aucunement la société OPM qui, elle, n’a jamais fait l’objet de quelque redressement que ce soit…) et il n’en résulte d’aucune façon que Mishor Adumin où serait fabriquée la machine ne soit pas en Israël : dès lors que ses vendeurs lui disent qu’elle est fabriquée en Israël, il n’a aucune raison d’en douter ! D’ailleurs, il n’y a plus aucun problème car depuis quelques mois, il n’importe plus que des machines « made in China »…Nous avons beau lui rappeler les termes du rapport financier établi par la société Sodastream elle-même et publié en novembre 2010 à l’occasion de son entrée au NASDAQ, où elle prétend ne produire en Chine que des pièces détachées, il refuse la présentation de ce rapport qu’il connaît mieux que nous et ce qu’il sait, lui, c’est que la machine est fabriquée en Chine ! Dialogue de sourds et langue de bois…Mais le salon est si peu fréquenté (et ce stand par là-même) que notre discussion n’attire l’attention de personne et que nous y mettons un terme.
Samedi, à 14H, après avoir rencontré nos policiers qui nous attendaient depuis six heures en vain et ne se réjouissaient même pas de nous trouver enfin, nous avons aussi rencontré un fonctionnaire de la Préfecture de Police qui a fini par admettre qu’il n’ avait rien à nous reprocher et que nous avons renvoyé vers ses collègues afin qu’ils se mettent d’accord, ce qui nous a permis de distribuer le reste de l’après-midi sans autre encombre que celle de contradicteurs (et il s’agit là d’un euphémisme) dont je tairai les propos injurieux, voire assassins…
Dimanche, la police était toujours au rendez-vous et a encore demandé si nous avions une autorisation pour tracter. Nous avons répondu de même façon qu’il n’en était pas besoin. Après quelques coups de téléphone et la venue d’une responsable ils ont laissé faire tout en surveillant..
La distribution s’est globalement également bien passée.
En définitive, sur ces trois jours, nous avons distribué 4000 tracts, généralement bien accueillis, suscitant beaucoup de discussions et encouragements, mises à part quelques agressions violentes mais verbales et avec une présence policière quasi permanente.