"L’État considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agit pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement ». Cet extrait de la loi fondamentale « Israël, État-nation du peuple juif », adoptée le 19 juillet 2018 par la Knesset illustre le niveau sans précédent atteint par la politique de colonisation illégale israélienne.
Depuis 1967, Israël a exproprié les Palestiniens de plus de deux millions de dunams de terres (200 000 hectares), soit 19 fois la superficie de la ville de Paris. 280 colonies et avant-postes sont à présent implantés en Cisjordanie (Jérusalem-Est comprise). 662 000 colons y sont installés pour 3,5 millions de Palestiniens dans la même région.
Afin de mettre un terme au commerce avec les colonies illégales dans les territoires occupés, plus de cent organisations européennes - dont une trentaine en France - se mobilisent pendant un an au travers d’une « Initiative citoyenne européenne » (ICE) dans le cadre de la campagne #StopSettlements (#StopColonies). Une ICE est un outil démocratique mis en place par le traité de Lisbonne, qui permet d’appeler la Commission européenne à légiférer sur un sujet donné.
Les relations économiques entre l’Union européenne et Israël autour de l’activité des colonies violent l’obligation des États de ne pas reconnaître et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien d’une situation illégale. L’objectif de cette ICE est donc de mettre en accord la politique européenne avec le droit international en faisant respecter l’interdiction de commercer avec les colonies. Dès que la pétition atteindra un million de signatures de citoyens de l’Union européenne venant d’au moins sept pays membres, la Commission sera obligée d’agir. L’initiative sera alors présentée en audition publique devant le Parlement européen, et la Commission devra présenter l’action qu’elle envisage de mener en réponse à notre initiative.
En Cisjordanie, l’évolution de la situation révèle une nette accélération de l’annexion des terres palestiniennes. Selon l’ONG israélienne B’Tselem, le nombre des colons a augmenté de 42 % par rapport à 2010 et a plus que quadruplé depuis 2000. Entre 2017 et 2021, la population estimée de colons en Cisjordanie a augmenté de 55 000 personnes avec une croissance annuelle de 2 à 3 %.
Cette accélération de l’expansion des colonies s’accompagne d’une violence accrue : pour la seule année 2021, 1 467 Palestiniens dont 293 mineurs ont été blessés ou tués lors d’incidents liés aux colons, d’après l’OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU). De 2008 à 2022, les violences des colons ont causé le déplacement forcé de 12 229 personnes. En restant inactives face à de telles conséquences, les autorités israéliennes transgressent l’article 49 de la 4e Convention de Genève de 1949 qui interdit à la puissance occupante de « procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ».
La violence n’est pas une conséquence collatérale des colonies, à savoir des actes isolés commis par des extrémistes violents, mais un moyen en vue d’une fin : l’expansion des colonies. Malgré les restrictions liées au Covid, le nombre de Palestiniens blessés en avril et mai 2020 était respectivement de 38 % et 54 % plus élevés qu’au cours des mêmes mois de 2019. De 1988 à 2022, 19 838 ordres de démolitions ont été émis dont 1 025 pour la seule année 2020. De janvier 2008 à décembre 2021, l’OCHA a dénombré 5 980 victimes palestiniennes en Israël, Cisjordanie et Gaza dans le contexte de la colonisation et de ses conflits, ainsi que la démolition de 8 221 structures (78 % en Cisjordanie, 20 % à Jérusalem Est). Ces stratégies d’annexion par la violence, soutenues par les autorités israéliennes, qui bafouent les droits fondamentaux des Palestiniens (droit à la vie, non-discrimination, droit à l’intégrité physique, à un niveau de vie adéquat, à l’éducation, à la liberté de mouvement, entre autres). De plus, 39 779 arbres et 1 740 véhicules ont été vandalisés du 1er janvier 2017 au 30 septembre 2021.
En enregistrant l’Initiative Citoyenne Européenne en septembre 2021, la Commission européenne a reconnu que l’interdiction du commerce des pro¬duits des colonies ne serait pas une sanction – soumise à une décision à l’unanimité des États membres de l’UE – mais une me¬sure commerciale. Par conséquent, le Conseil de l’Union européenne pourrait voter une proposition de législation européenne à la majorité qualifiée, et les États membres peuvent agir au ni¬veau national pour interdire le commerce avec les colonies illégales. La Plateforme des ONG françaises agira dans ce sens après les élections présidentielles et législatives de 2022, pour qu’une proposition de loi pour l’interdiction du commerce des produits des colonies soit présentée devant le Parlement français.
Fiona Vanston et Pierre Motin, Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
>> Cet article fait partie du n°80 de notre revue trimestrielle Palestine-Solidarité ou "PalSol".
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