Certes, l’annonce par la branche armée du Hamas de la rupture de la trêve décrétée au mois de novembre dernier n’augure rien de bon pour les prochaines semaines.
Pourtant, l’opinion publique internationale et, surtout, les gouvernements occidentaux ont une sensibilité à géométrie variable.
Alors que toutes les déclarations du « quartet » (États-Unis, Russie, Union européenne, ONU) soulignent la nécessité pour les Palestiniens de mettre la violence hors la loi, que des sanctions sont immédiatement prises contre les Palestiniens coupables d’avoir voté démocratiquement pour une formation qui, officiellement, ne reconnaît pas Israël, c’est le silence radio sur la politique de Tel-Aviv d’assassinats ciblés, de destruction de maisons palestiniennes, de construction d’un mur qualifié d’apartheid et dénoncé par la Cour internationale de justice (CIJ), voire sur l’emprisonnement de près de 10 000 prisonniers palestiniens (alors que la capture d’un soldat israélien mobilise la diplomatie internationale). Tout cela ne justifie en rien les tirs de roquettes sur la population civile israélienne. Mais tout cela se produit aujourd’hui dans un contexte bien particulier, où la situation n’est plus aussi figée qu’il y a quelques mois.
Inquiets de la tournure des événements dans la région, particulièrement en Irak, les États-Unis ont besoin de donner quelques gages aux pays arabes alliés (Égypte et Jordanie qui ont signé un traité de paix avec Israël, mais aussi l’Arabie saoudite et un certain nombre de monarchies du Golfe) afin de desserrer l’étau en Irak. La politique américaine est en difficulté et Washington compte sur des paramètres extérieurs pour assouplir la situation. D’où la volonté affichée depuis plusieurs semaines maintenant par la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, de débloquer le conflit israélo-palestinien.
On a ainsi vu ses efforts pour faire se rencontrer le président palestinien, Mahmoud Abbas, et le premier ministre israélien, Ehud Olmert (ils doivent se voir toutes les deux semaines, le prochain rendez-vous est fixé à Jéricho), son soutien à la relance du plan de paix saoudien (qui prévoit la normalisation des relations des pays arabes avec Israël en échange du retrait des territoires occupés depuis 1967 et la création d’un État palestinien). Même le nouveau gouvernement d’union nationale palestinien, pourtant dirigé par Ismaïl Haniyeh (Hamas), n’est plus perçu de la même manière : le ministre des Finances, Salam Fayed (un indépendant), a été reçu à Washington.
Pour le gouvernement israélien le dilemme est terrible.
Sortis affaiblis de la guerre menée cet été au Liban, Ehud Olmert et son équipe (dont le ministre travailliste de la Défense, Amir Peretz) n’ont plus aucune légitimité dans l’opinion publique. La tendance, historique, est de se tourner vers le sionisme le plus dur, celui incarné par Benyamin Netanyahu et son Likoud, ainsi que vers l’extrême droite représentée par Avigdor Liberman (chef du parti russe et nommé vice-premier ministre). Or, cette tendance veut tout sauf un compromis avec les Palestiniens.
D’où cette volonté politique affichée, et relayée dans certains corps de l’armée, d’un affrontement militaire nécessaire avec les organisations palestiniennes. Ce qui n’est pas sans rencontrer un certain écho chez certains activistes palestiniens. C’est le cas de la branche armée du Hamas. Comme l’écrit Khaled Hroub (dans Journal of Palestine Studies, n º140), spécialiste de cette organisation, « la direction du mouvement est en effet géographiquement divisée entre "l’intérieur" et "l’extérieur", son aile politique et son aile militaire jouissent d’un certain degré d’autonomie, et la procédure démocratique de prise de décision est, au sein du Hamas, diversement appréciée ».
** Voir aussi el Watan ci dessous :
Les tueries se poursuivent en Palestine
La paix n’est pas une priorité israélienne
Ne se contentant plus du blocus et de l’embargo imposé aux territoires occupés, Israël a repris son jeu favori, celui de tuer le plus grand nombre possible de Palestiniens. Les forces israéliennes ont tué neuf Palestiniens, dont deux adolescents, une jeune fille de 17 ans à Djenine et un garçon du même âge à Ramallah, samedi et dimanche derniers (21 et 22 avril) en Cisjordanie occupée et dans la bande de Ghaza.
C’est le plus grand nombre de Palestiniens tués par l’armée israélienne depuis plusieurs mois. Lors d’une agression armée dimanche à Naplouse, en Cisjordanie occupée, l’armée israélienne a encerclé une maison et abattu au cours d’un échange de tirs deux militants des Brigades des martyrs d’Al Aqsa, la branche armée du Fatah, ont rapporté des témoins. De source militaire israélienne, on a confirmé que l’armée avait tué les deux hommes, présentés comme des individus recherchés pour leur implication dans des projets d’attentats, dont des attaques suicide, en Israël.
Quelques heures plus tard, les forces israéliennes ont tué un adolescent de 17 ans à Ramallah, en Cisjordanie occupée. Les Israéliens dont les porte-parole militaires ont la fonction de justifier et de faire accepter les exactions de l’armée israélienne occupante, par la communauté internationale, ont essayé, encore une fois, de faire porter la responsabilité du crime à la victime. Un de ces porte-parole militaires israéliens a dit que les soldats avaient dû faire face à une foule de plusieurs dizaines de Palestiniens, dont certains brandissaient des bombes incendiaires ou des couteaux. « Ils ont repéré un homme sur le point de lancer une bombe incendiaire, ont tiré dans sa direction et constaté qu’il avait été touché », a déclaré ce porte-parole. L’incident est clos, les « pauvres » soldats étaient donc en légitime défense.
Samedi, les forces israéliennes ont tué six Palestiniens : trois militants, un policier et une adolescente de 17 ans près de/ou à Djenine, en Cisjordanie occupée, ainsi qu’un civil circulant à bord d’une voiture à Ghaza, ont déclaré des témoins et des responsables médicaux. Le civil, âgé de 45 ans, a été tué dans un bombardement aérien dirigé, selon l’armée israélienne, contre des militants responsables de tirs de roquettes artisanales sur la ville israélienne de Sderot, proche de la bande de Ghaza. Cette frappe aérienne israélienne est la deuxième sur la bande de Ghaza depuis qu’une trêve a été conclue en novembre.
Le Premier ministre palestinien issu du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a invité les pays arabes à renoncer à toute idée de négociation avec Israël. « Je leur demande de suspendre toute initiative politique qui conduirait à une normalisation avec l’occupant israélien », a dit le chef du gouvernement palestinien. Haniyeh a également déclaré que ces incidents « mettent au jour la duperie politique dont est victime le peuple palestinien par le biais de ces réunions politiques et de ces rencontres de dirigeants » avec des Israéliens.
Lors d’une rencontre au Caire mercredi, la Ligue arabe a formé un groupe de travail dirigé par l’Egypte et la Jordanie pour nouer des contacts avec Israël au sujet d’une offre de paix arabe formulée en 2002, reconduite au dernier sommet des pays arabes à Riyad, en Arabie Saoudite et proposant une normalisation des relations en échange d’un retrait israélien des territoires arabes occupés depuis 1967, l’établissement d’un Etat palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Ghaza avec la ville sainte d’Al Qods comme capitale, en plus d’un règlement juste de la question des réfugiés.
La réponse de l’Etat hébreu en 2002 a été une vaste agression en Cisjordanie totalement réoccupée depuis le siège du président Yasser Arafat dans son quartier général à Ramallah jusqu’à la déclaration de sa courte maladie, dont il mourut dans un hôpital parisien le 11 novembre 2004.
Cette escalade militaire israélienne intervient, justement, après l’annonce depuis la Pologne où le président Mahmoud Abbas effectuait une visite mercredi passé, d’un accord avec les mouvements armés sur un arrêt des tirs de roquettes artisanales en direction d’Israël. Pis, selon son commandement, l’armée israélienne compte effectuer une opération d’envergure dans la bande de Ghaza qui risque d’être réoccupée à l’instar de la Cisjordanie. Le ministre palestinien de l’Information, Mustapha Al Barghouti, porte-parole du gouvernement d’union, a bien résumé la situation lorsqu’il a déclaré qu’Israël n’est pas un partenaire pour la paix.
Fares Chahine
http://www.elwatan.com/spip.php?page=article&id_article=66612