Malgré la nuit les combats n’ont pas vraiment cessé dimanche soir autour du camp de Nahr al-Bared où les affrontements entre l’armée libanaise et le groupuscule islamiste Fatah al-Islam (qui n’a rien à voir avec l’Organisation de libération de la Palestine) avaient fait au moins 47 morts (27 militaires et 20 hommes en armes) en une journée. Coïncidence ou non, une bombe explosait dans le même temps dans un quartier chrétien de Beyrouth, faisant une victime, une sexagénaire. Si le calme était revenu à Tripoli, deuxième ville du Liban, hier matin (les commerces étaient ouverts et l’armée contrôlait les rues alors que les écoles et les universités étaient fermées), en revanche des centaines de militaires libanais, appuyés par des chars M-48 et des véhicules blindés, encerclaient toujours le camp de Nahr al-Bared.
L’armée a répondu aux obus de mortier par des tirs d’artillerie. D’après un officier libanais, ces tirs visaient essentiellement des bâtiments connus pour abriter des activistes. L’armée a reçu pour consigne de « frapper fort » sur tout élément ayant ouvert le feu contre elle. De la fumée s’échappait effectivement de plusieurs bâtiments. Les combats de rues se concentraient aux entrées sud et est du camp, où des immeubles sont éventrés par des obus ou calcinés par des incendies.
Responsable du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), Marwan Adel Al se trouve dans le camp de Nahr al-Bared. « Huit civils ont été tués ce matin », a-t-il indiqué à l’Humanité, alors qu’on entendait sans discontinuer des tirs d’armes automatiques. « Faites savoir au monde entier que les gens du camp ne sont pas des terroristes. Nous n’avons rien à voir avec le Fatah al-Islam. Ce ne sont même pas des Palestiniens. »
Marwan Adel Al a également révélé qu’ils avaient demandé la mise en place d’un cessez-le-feu parce que « si l’armée veut combattre ces islamistes, qu’ils ne tuent pas des enfants ». Un appel qui n’a pas vraiment été entendu bien que quelques blessés aient pu être évacués par la Croix-Rouge libanaise en coopération avec le Croissant-Rouge palestinien dans une partie du camp. Médecins et responsables palestiniens ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation des civils dans le camp.
« Il y a des civils tués et de nombreux blessés dans les rues du camp. Il n’y a plus ni eau ni électricité », a déclaré le docteur Youssef Al Assaad, responsable local du Croissant-Rouge palestinien, précisant que ses équipes tentaient en vain d’entrer dans le camp. Il a ajouté : « Un obus est tombé sur une des mosquées du camp où de nombreux civils croyaient se mettre à l’abri. » Nahr al-Bared abrite 22 000 réfugiés, à une dizaine de kilomètres au nord de Tripoli. C’est un camp misérable, bordé à l’ouest par la mer et à l’est par la route menant à la frontière syrienne.
Un porte-parole du Fatah al-Islam, Abou Salim, a averti lundi que, faute d’un arrêt des pilonnages de l’armée, le groupe extrémiste tirerait des roquettes et des obus pour mener bataille « au-delà de Tripoli. C’est une question de vie ou de mort. Le but (des forces de sécurité libanaises) est d’éliminer le Fatah al-Islam. Nous allons répondre et nous savons comment faire », a-t-il déclaré à l’Associated Press, tandis que des combats semblables étaient signalés autour du camp de réfugiés d’Ein el-Hilweh, au sud du Liban.
La grande crainte c’est évidemment que l’armée donne l’assaut au camp. Au Liban, il est toujours difficile de savoir qui donne les ordres. Le ministre de la Jeunesse et des Sports a par exemple expliqué que l’armée ne devait reculer devant rien, alors que le ministre de l’Information, Ghazi Aridi, a indiqué que l’entrée de l’armée dans le camp n’était pas à l’ordre du jour. Le quotidien libanais Al Akhbar, insistait hier en une sur les mésententes entre les Forces de sécurité intérieure (FSI) et l’armée, un manque de coordination qui serait à l’origine des lourdes pertes subies.
Des responsables palestiniens en Cisjordanie ont pris leurs distances avec ce groupe apparu l’automne dernier et ils ont appelé la population du camp à isoler ces éléments radicaux. D’autres responsables, qui ont rencontré le premier ministre libanais lundi, ont déclaré de leur côté que Fouad Siniora voulait protéger les civils. « Entrer dans le camp ne veut pas dire qu’il sera facile de se débarrasser de ce phénomène », a souligné le représentant de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) à Beyrouth, Abbas Zaki.