Constitué en 2009 par des Israéliens engagés depuis plusieurs années contre l’occupation, Boycott from within (Boycott de l’intérieur) est la réponse israélienne à l’appel de la campagne BDS initiée par la société civile palestinienne. L’organisation développe principalement deux axes d’action.
D’un côté, sensibiliser la société israélienne à la légitimité du boycott international à l’encontre d’Israël et expliquer les rai¬sons qui le justifient. D’un autre côté, mettre en avant leurs identités juives israéliennes pour appuyer les appels à des artistes à ne pas se produire en Israël ou des entreprises étrangères à ne pas se rendre complice de l’occupation par leurs investissements dans le pays. Parmi les derniers exemples en date, les appels à boycotter l’entreprise espagnole CAF engagée dans la construction du tramway à Jérusalem, ou une campagne pour exiger la rupture du partenariat entre le Festival artistique de Sydney et Israël. Les appels comptent parfois plusieurs centaines d’artistes et intellectuels israéliens.
Si à sa création Boycott from within semble ignoré par les autorités israéliennes, l’avancée et le développement de la campagne BDS à travers le monde poussent le gouvernement à réagir. En 2010 est créé le ministère des Affaires stratégiques et de la hasbara (« explication », « propagande ») qui engage une politique de diabolisation à l’encontre des porteurs du BDS. Désinformation et diffamation doivent épuiser les militants en Israël et dans le monde et les décourager de leur lutte.
D’un point de vue législatif, le ministère initie le vote en 2011 de la « Loi boycott » qui interdit cette pratique à l’encontre d’une personne en raison de ses liens avec Israël ou « des régions sous le contrôle d’Israël ». Plus encore, toute entreprise qui se sentirait visée ou lésée par un boycott peut ainsi poursuivre en justice les auteurs de la campagne. Le champ d’action des militants se réduit encore davantage à partir de 2016 où une loi autorise les gardes-frontières à refuser l’entrée en Israël aux membres d’organisations appelant au boycott : en France, l’AFPS et le collectif BDS France figurent sur cette liste. Comme si cela n’était pas suffisant, un ensemble d’ONG mettent une pression sur les militants israéliens pour les stigmatiser, pointer du doigt leurs actions et jeter sur eux le discrédit.
La fin de l’ère Netanyahou semble avoir légèrement desserré l’étau. Pour l’un des leaders de l’organisation, Ofer Neiman, « il faut séparer l’occupation de nos activités en tant que juif en Israël ». D’un point de vue de l’occupation et de l’apartheid, « le change¬ment gouvernemental n’amène aucune alternative », affirme-t-il. Mais concernant le militantisme au sein d’Israël, l’ambiance paraît « moins oppressante ». Ofer rappelle ainsi, pendant les treize ans où Netanyahou a occupé le poste de Premier ministre, la politique maccarthyste du gouvernement à l’encontre des activistes juifs solidaires des droits des Palestiniens. À titre d’exemple, Ofer constate la mise en silence de certaines ONG d’extrême droite qui étaient ultra-actives car soutenues voire financées par les réseaux du chef du Likoud.
Toutefois, le changement gouvernemental n’a pas interrompu ce qu’Ofer qualifie de l’une des plus dangereuses campagnes orchestrées par les réseaux de l’ex-Premier ministre. Il s’agit de celle relayée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) visant à redéfinir l’antisémitisme pour y englober l’antisionisme voire les appels au boycott d’Israël.
Au sein du champ politique israélien, les militants de Boycott from within se heurtent au refus des militants du camp de la paix liés à des partis sionistes (Meretz, Parti travailliste) de soutenir leurs actions, ou de les limiter aux produits des colonies. Au sein de la gauche dite non sioniste, rassemblée dans la Liste unifiée du communiste arabe Ayman Odeh, la campagne Boycott from within bénéficie de relais et de soutiens, mais c’est surtout du côté des ONG engagées dans la défense des droits des Palestiniens qu’une convergence s’opère : « Ce sont des ONG comme B’tselem qui aujourd’hui mènent davantage le combat contre l’occupation et pour la paix, que des partis ou des personnalités politiques », analyse Ofer.
Ainsi, le rapport de B’tselem sur le régime d’apartheid mis en place par Israël a entraîné dans le pays des réactions diverses mais révélatrices. Au sein du camp de la paix, les plus réticents acceptent de discuter du terme pour la Cisjordanie, tout en la repoussant pour Israël. « Et cela suffirait pour ne pas rendre légitime le boycott d’Israël ? », conclut Ofer.
L’ensemble des actions de Boycott from within est à retrouver sur http://boycottisrael.info.
Thomas Vescovi
>> Cet article fait partie du n°80 de notre revue trimestrielle Palestine-Solidarité ou "PalSol".
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