1. Historique : de la base militaire à la colonie
1978 : 40 colons s’installent dans les campements temporaires de ce qui était alors une base militaire. Dans les années 1990, des milliers d’immigrants venus de l’ex Union soviétique prennent directement le chemin de la colonie. Aujourd’hui : en plus des 10 000 étudiants inscrits dans son Centre universitaire, Ariel compte quelques 20 000 habitants. Ce chiffre monte à 45 000-50 000 si l’on inclut la population de la quinzaine de colonies satellites, dont certaines sont intercalées entre Ariel et les villages palestiniens (une dizaine d’avant-postes gravitent, en outre, autour d’Ariel) [1].
Ariel fait partie des 4 colonies ayant le statut de ville. Elle est la 3ème ville israélienne en termes d’"absorption" des immigrants juifs. La majorité de sa population est, en effet, constituée par des immigrants qui font leur alya non en Israël mais en Cisjordanie occupée (les résidents d’origine russe représentent à eux seuls 50 à 60 % de sa population) [2].
2. Localisation : la stratégie de la fragmentation territoriale
Implantée au centre de la Cisjordanie, la municipalité d’Ariel pénètre profondément à l’intérieur du territoire palestinien (elle se trouve à une vingtaine de km de la Ligne Verte). Sa configuration curieuse – très étroite, elle s’étend horizontalement d’est en ouest - s’explique par la volonté de :
- bloquer le développement de Salfit, centre commercial et administratif régional. Celle-ci manque cruellement d’espace vital et se retrouve coupée des agglomérations palestiniennes voisines, notamment au nord : Haris, Kifl Haris, Qira, Marda, Jamma’in, Zeita-Jamma’in et Deir Istiya [3]. Des déplacements qui nécessitaient 5 à 10 minutes prennent maintenant 30-40 minutes, souvent bien plus. C’est tout le tissu socio-économique et humain de ce bassin de population - 40 000 habitants dont 10 000 pour Saflit - qui se trouve affecté.
- séparer Naplouse de Ramallah et rompre la liaison avec la Vallée du Jourdain et la frontière jordanienne.
La déstructuration de la société palestinienne et la fragmentation de son territoire – divisé en quatre grands blocs discontinus (Nord, Centre, Sud et Gaza), avec plusieurs sous-blocs à l’intérieur des trois premiers et le quatrième sous blocus total depuis 5 ans – sont encore accentuées par les 700 obstacles à la circulation (dont 500 check points) et la construction du Mur [4].
3. Un soutien financier public maximal
Selon un rapport de 2007 du Vérificateur général du Ministère des finances, Ariel a bénéficié de dépenses publiques presque huit fois supérieures à celles accordées aux municipalités israéliennes (NIS 9 035 contre NIS 1 200 en moyenne pour l’ensemble par tête et par an) [5]. Et cela en dépit du statut socio-économique relativement élevé de sa population [6]. Par ailleurs, l’État a consacré d’énormes sommes à la construction de l’infrastructure routière.
Grâce à l’aide des autorités israéliennes, Ariel dispose de tous les services nécessaires
- services municipaux, de santé et éducatifs de qualité, y compris depuis 2010 un Centre universitaire [7] ;
- centre commercial, hôtel, parcs, équipements sportifs et piscines dans une région où le manque d’eau est criant. Du fait de l’accaparement par les autorités israéliennes de la totalité des réserves d’eau du sous-sol palestinien, un Israélien (colons compris) consomme 300 litres d’eau par jour alors qu’un Palestinien a droit à moins de 70 litres (soit moins que les normes minimales fixées par l’OMC, la situation des bédouins étant encore pire) [8] ;
- logements plus grands, de meilleure qualité et bien moins chers qu’en Israël ; en août 2011, le Ministre de la défense israélien a donné son accord pour construire 277 logements supplémentaires destinés à accueillir des colons auparavant installés dans la bande de Gaza ;
- zone industrielle accueillant 120 entreprises plus un incubateur technologique ; une seconde zone industrielle verra bientôt le jour ;
- lignes de bus réservé aux colons et réseau routier très moderne avec la construction de l’autoroute est-ouest à 4 voies (Trans Samarie N° 5) et de la route qui rejoint l’autoroute 60 nord-sud.
4. Entreprises et résidents : de très intéressants avantages financiers
Les particuliers : comme l’indique l’ONG La Paix Maintenant, "A l’instar de la plupart des colons de Cisjordanie, les résidents d’Ariel s’y sont installés pour profiter des nombreuses incitations financières offertes par le gouvernement" : aides à l’achat d’un logement ; hypothèques à taux priviligié… (plus des aides spécifiques pour ceux qui font leur alya). "La plupart y sont restés pour les avantages dont ils continuent de bénéficier et qui leur assurent un niveau de vie plus élevé que s’ils vivaient en Israël" [9].
Les services sont, en effet, largement subventionnés, en particulier, les services d’eau et de transport ainsi que l’éducation. Un rapport de B’Tselem indique que le système d’enseignement dans les colonies est mieux doté qu’en Israël même, avec un corps enseignant plus important et mieux payé [10].
Les entreprises qui s’installent dans la zone industrielle profitent de toute une série d’incitations financières : exonération totale d’impôt sur les bénéfices pendant plusieurs temps, puis allègement ; foncier attractif ; taxes municipales réduites ; dépréciation accélérée des amortissements, etc.
5. L’envers du décor I : spoliations et violences à l’égard des Palestiniens
La municipalité d’Ariel a accaparé environ 30 000 dunums [11] de terres confisquées aux Palestiniens en appliquant des mesures similaires à celles utilisés ailleurs en Cisjordanie : attribution du statut de Terres d’État et activation d’une loi ottomane du 19ème siècle qui veut que toute terre non cultivée pendant un certain temps appartient à l’État ; ordres d’expropriations. La construction du Mur et du réseau routier a entraîné d’autres confiscations de terres, accompagnées de destructions de maisons et bâtiments, d’arrachage d’oliviers ou d’annexion de fait.
La perte des produits des terres et des oliviers a privé les villageois palestiniens d’une importante source de revenus – dans certains cas, leur seule source –et sévèrement altéré leur mode de vie. S’y ajoutent les nombreux obstacles qu’ils rencontrent pour accéder aux terres et aux oliveraies lorsque celles-ci se trouvent englobées au sein de la municipalité d’Ariel. Les cas de refus d’accès, d’intimidation et d’agression violente sont nombreux…
Cas de Marda, village palestinien de 2 200 habitants coincé entre Ariel et le Mur [12]
Terres volées : une fois le Mur achevé, le village devrait perdre 44 % de sa superficie, soit 4 990 dunums : 3 660 dunums pour la construction/l’expansion d’Ariel ; 330 pour les routes Trans-Samarie 1 et 2 ; et 1 000 prévus pour le Mur ;
Oliviers perdus :1 000 déracinés pour le Mur ; 470 arrachés pour les routes Trans Samarie1et 2 ; 140 brûlés par les colons israéliens ; et 800 qui se retrouvent de l’autre côté du Mur, hors d’accès des villageois.
6. L’envers du décor II : discrimination et violation des droits des Palestiniens
Les colons d’Ariel : jouissent des mêmes droits et sont soumis aux mêmes législations qu’en Israël, à l’instar des 500 000 colons installés à Jérusalem-Est et dans le reste de la Cisjordanie. lls disposent d’une totale liberté de circuler et d’entreprendre, de services éducatifs, de santé, sportifs de qualité, etc.
Les Palestiniens : 2 500 ordres et règlements émis par l’administration militaire [13] règlent jusqu’aux moindres détails de leur vie. En cas d’infraction - y compris celle qui relèverait du code pénal s’il s’agissait d’un colon - ils sont jugés par des tribunaux miliaires, qui peuvent les condamner sans preuve, et ce pour une durée renouvelable à leur gré. Des dizaines et des dizaines de milliers de Palestiniens ont été emprisonnés sous ce régime dit de la « détention administrative ». Depuis 1967, 700 000 Palestiniens se sont retrouvés dans les prisons israéliennes.
Du fait de sa localisation au cœur de la Cisjordanie, l’établissement d’Ariel – encore plus que les autres colonies - constitue un acte « anti-éthique » en ce qu’il s’oppose au développement harmonieux du territoire et provoque des distorsions graves dans le fonctionnement de la société et le flux des échanges familiaux, sociaux, économiques, culturels et politiques.
En contrepartie du cadre et niveau de vie agréables des colons d’Ariel, les Palestiniens voient leurs droits fondamentaux totalement niés et la possibilité d’un État viable et stable gravement compromise.
Ariel et les droits fondamentaux des Palestiniens Liste non exhaustive des droits violés
- Droit à un traitement non discriminatoire
- Droit à la liberté
- Droit à l’autodétermination
- Droit de propriété
- Droit d’entreprendre et de commercer
- Droit à l’éducation et à l’accès aux soins
- Droit d’association, de réunion
- Droit d’information et de publication
- Droit à l’accès à l’eau
- Droit à la préservation de l’environnement
Carte montrant l’encerclement de Salfit et la coupure avec les villages avoisinants
Vue aérienne d’Ariel : http://www.poica.org/editor/case_studies/view.php?recordID=664