Patrick Martin, The Globe and Mail, 03 juin 2013
Dans la dernière épreuve de force entre Israël et les Palestiniens, c’est le premier ministre Benjamin Netanyahou qui a reculé mardi, lorsqu’il est devenu clair qu’aucun pays, pas même les Etats unis, ne le rejoindrait dans son opposition au nouveau gouvernement controversé « d’unité » des Palestiniens – essentiellement un groupe de technocrates non politiquement affiliés sur lesquels l’OLP et le Hamas se sont mis d’accord.
Même le Canada de Stephen Harper, le soutien le plus fort d’Israël, a publié discrètement une déclaration ambiguë réaffirmant sa position – le Hamas est « classé comme organisation terroriste en droit canadien » , mais le Canada pourrait traiter avec un gouvernement palestinien qui « renoncerait au terrorisme et reconnaitrait le droit d’Israël à exister », ce que le gouvernement d’unité a déjà fait.
Quant à Mr. Netanyahou, qui avait dénoncé lundi en termes très clairs l’implication du Hamas et qui avait reçu l’autorisation de son cabinet pour prendre toutes sanctions qui lui sembleraient adaptées contre les Palestiniens, les actions qu’il a choisies de mener ont finalement été très mesurées.
La sanction la plus dure a été de rendre la traversée d’Israël entre les territoires palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza plus difficile pour les ministres du gouvernement palestinien. Israël a annoncé que chaque demande de permis sera examinée individuellement.
Le gouvernement israélien a annoncé qu’il ne négocierait pas avec le gouvernement d’unité palestinien – alors qu’aucune négociation n’est prévue. Il a aussi affirmé qu’il tiendrait le gouvernement palestinien pour responsable de tout tir de roquette ou de toute autre attaque sur Israël à partir de la Cisjordanie ou de Gaza, qu’il s’opposerait à la participation du Hamas aux élections législatives qui doivent se tenir dans six mois, et qu’il ne permettrait aucune campagne et aucun vote à Jérusalem est, majoritairement arabe (et qu’Israël prétend avoir annexé).
Ce qu’Israël n’a pas fait, par contre, c’est de dire qu’il ne reconnaîtrait pas le nouveau gouvernement palestinien. Il n’a pas non plus dit qu’il boycotterait les membres du gouvernement, ou qu’il interdirait tout contact avec le Président Mahmoud Abbas.
Même la punition, bien réelle et déjà pratiquée, de la rétention des taxes n’a pas été évoquée. Au lieu de cela, le gouvernement s’est contenté de retenir 20 millions de shekels ( 4 M€) sur les quelques 400 millions de shekels qu’il collecte chaque mois au nom de l’Autorité palestinienne, pour couvrir le coût de l’électricité fournie par Israël.
Et les Israéliens se sont assurés que tout ceci n’affecterait pas leur coopération sécuritaire avec l’Autorité palestinienne.
Plusieurs ministres se sont insurgés lundi contre la décision palestinienne. Naftali Bennet, dirigeant du parti “Foyer juif” proche des colons, a appelé à couper tous les ponts avec ce qu’il appelle un “gouvernement de terroristes en costume”.
Il a insisté pour que sa vieille proposition d’annexer des parties de la Cisjordanie soit prises en compte. Un comité spécial a été nommé pour l’étudier, bien que Shimon Shiffer, un journaliste du Yediot Aharonot, le décrive comme “une concession à Bennet” plutôt que comme un changement politique sérieux.
Il n’a pas fallu longtemps à la communauté internationale pour montrer clairement où elle se situe. La Turquie a été la première à reconnaître le gouvernement d’unité. Le gouvernement du premier ministre Recep Tayyip Erdogan soutient le gouvernement du Hamas à Gaza depuis plusieurs années.
A peine cinq heures après la prestation de serment du gouvernement palestinien, l’administration Obama a annoncé qu’ “il travaillera avec ce gouvernement”.
“Il apparait que le Président Abbas a formé un gouvernement technocratique intérimaire qui ne comporte aucun ministre affilié au Hamas”, a affirmé la porte-parole du Département d’Etat Jen Psaki. Il sera jugé “sur ses actions”.
Cela a été “comme un coup de couteau dans le dos” a déclaré un haut fonctionnaire à Israel Hayom, le quotidien le plus proche de Netanyhaou.
Mr. Netanyahou a dit être “profondément déçu” par ces nouvelles. D’après ce qu’il a dit à son cabinet, le Secrétaire d’Etat John Kerry lui avait assuré il y a quelques jours que Washington ne reconnaîtrait aucun gouvernement d’union dans l’immédiat.
Dès que la nouvelle de l’accord U.S. a été connu, les vannes se sont ouvertes. Le pays suivant à avaliser le nouveau gouvernement a été la Chine, puis l’Inde, l’Union européenne, la Russie et les Nations unies. Tous ont souligné que leur reconnaissance était conditionnée au renoncement du gouvernement à la violence, à sa reconnaissance d’Israël, et à l’acceptation des accords précédemment passés avec l’Etat juif.
Avec la France, Netanyhaou a fait la démarche inhabituelle de téléphoner au Président François Hollande, puis de rendre publics des détails de leur conversation dans laquelle il appelait ce dirigeant à rejeter le gouvernement palestinien. Cette tactique n’a pas fonctionné. La France, elle aussi, a approuvé la nouvelle entité palestinienne.
Traduit de l’anglais par AFPS/RP