Le président de la République, qui s’envolera dimanche 17 novembre pour un voyage de quarante-huit heures en Israël et dans les territoires palestiniens, loin de l’exaspération qui gagne la France et met à rude épreuve la méthode du consensus qui lui est chère, devrait y trouver l’occasion d’exercer son sens aigu de l’équidistance.
A l’Elysée, on a d’ores et déjà prévenu : « On ne cassera pas la baraque. Le message de base, c’est la constance de nos positions. Il n’y a pas de surprise à attendre », explique un collaborateur de M. Hollande, qui déconseille de se livrer « au petit jeu de savoir si le chef d’Etat est pro-israélien ou pro-palestinien ». Celui qui s’y essaierait, de fait, en sortirait perdant.
Comme à l’accoutumée, le programme a été calé avec la plus grande prudence. Entretiens d’une part avec le président israélien Shimon Pérès et le premier ministre Benyamin Nétanyahou, et dîner de travail avec ce dernier ; entretien d’autre part avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, et déjeuner avec lui.
Contrairement à Nicolas Sarkozy qui, en 2008, avait choisi de rencontrer M. Abbas à Bethléem pour éviter d’avoir à déposer une gerbe de fleurs sur la tombe de Yasser Arafat, à Ramallah, M. Hollande sacrifiera à ce rituel. Un geste qui sera contrebalancé, dans un mouvement caractéristique du style présidentiel, par une visite sur la tombe de celui qui fut le partenaire de M. Arafat durant le processus de paix d’Oslo, l’ancien premier ministre Itzhak Rabin, assassiné en 1995.
Même si le programme est légèrement plus étoffé côté israélien, « la séquence palestinienne est cohérente, insiste-t-on à l’Elysée. Ce n’est pas une tournée en province avant de rentrer à la capitale ». Le chef de l’Etat rencontrera des dignitaires religieux et des personnalités de Jérusalem-Est, échangera avec des jeunes sur « la Palestine de demain » et signera plusieurs accords de coopération.
Le souci de l’équilibre est sensible jusque dans la composition de la délégation qui, outre six ministres, compte un nombre à peu près équivalent de personnalités identifiées à l’un et à l’autre camp. « C’est extrêmement subtil, glisse un ministre. Il faut équilibrer les choses. Palestiniens et Israéliens considèrent le gouvernement français comme l’un de leurs amis. Et pas parce qu’on a des positions ambiguës. »
Il serait néanmoins malaisé, pour le président Hollande de s’autoriser une prise de position forte, lundi soir lors de son discours à la Knesset. A l’image de François Mitterrand, qui en 1982 s’était déclaré favorable à la création d’un Etat palestinien, ou encore de Nicolas Sarkozy, qui avait plaidé pour une Jérusalem « capitale de deux peuples ».
Compte tenu de l’inquiétude générée en Israël par le chaos qui règne en Syrie et dans le Sinaï et par les négociations en cours sur le programme nucléaire iranien, « Hollande ne peut pas prendre de risques, résume un diplomate. On ne peut plus faire comme Mitterrand en 1982. A l’époque, cela avait une signification. Que pourrait-il dire à la Knesset qui n’a pas déjà été dit ? »
En face de M. Nétanyahou, le président devrait donc réaffirmer l’opposition de la France à la colonisation, « en insistant sur la nécessité de négocier pour de vrai », précise l’un de ses conseillers.
A M. Abbas, il devrait redire son attachement aux paramètres de règlement du conflit, communément admis au sein de l’Union européenne – deux Etats pour deux peuples, basés sur la ligne de 1967 avec des échanges de terre, Jérusalem comme capitale des deux Etats et une solution juste et réaliste au problème des réfugiés –, tout en soulignant l’importance « de rester dans la négociation », relancée en juillet.
Ces éléments de langage résisteront-ils aux secousses de l’actualité ? Mardi 12 novembre, dans la soirée, Benyamin Nétanyahou a dû annuler en catastrophe un programme de construction de 20 000 nouveaux logements dans les implantations juives de Cisjordanie, révélée quelques heures plus tôt par l’ONG israélienne Shalom Archav (La Paix maintenant).
La direction palestinienne avait menacé de rompre les pourparlers si le gouvernement israélien ne revenait pas sur cette décision, et l’administration américaine s’était dite « profondément inquiète ».
La semaine dernière déjà, de passage à Jérusalem, le secrétaire d’Etat américain John Kerry, manifestement agacé par la poursuite de la colonisation et l’enlisement des négociations, avait mis en garde l’Etat juif contre le déclenchement d’une nouvelle Intifada et un isolement croissant sur la scène internationale.
Un coup de sang fort peu diplomatique, qui n’impressionne pas le très tempérant François Hollande. « On est dans une logique différente de Kerry, souligne un membre de son entourage. C’est une visite d’Etat solennelle, probablement la seule du quinquennat. On ne va pas jeter un pétard au milieu des discussions israélo-palestiniennes. On veut peser positivement. »