Né il y a 58 ans à Chisnau, la capitale
de la Moldavie alors partie de l’URSS,
Avigdor Lieberman, juif ashkenaze,
émigre en Israël en 1978. En 1993, l’année
du processus d’Oslo, il entre au Likoud et,
six ans plus tard, il le quitte pour fonder
Yisrael Beitenu alors que Benyamin Netanyahou
vient d’accepter le compromis de Wye
River. Il s’agit de recueillir le consensus
électoral de la vague migratoire arrivée de
l’ex-URSS dans les années 90. Un million
de nouveaux citoyens - environ un cinquième
de la population israélienne - pour
une part d’entre eux imprégnés de préjugés
racistes anti-arabes vont participer de
l’éclatement « communautaire » qui marque
de plus en plus fortement les élections en
Israël. En mars 2006, aux élections législatives,
avec un slogan « Niet, niet, da »,
qui concerne respectivement Benyamin
Netanyahou, Ehud Olmert et Avigdor Lieberman,
il parvient, avec cette démagogie
populiste anti-establishment, à gagner des
milliers de voix et onze sièges. Avec le succès
du « parti des retraités », il est la principale
surprise des élections.
En mai, au cours d’un débat au parlement,
Avigdor Lieberman demande la condamnation
à mort des députés arabes israéliens
coupables de « collaboration » avec le Hamas :
« Les membres de la Knesset qui collaborent
avec l’ennemi doivent être jugés exactement
comme à la fin de la Deuxième Guerre
mondiale il y a eu le procès de Nuremberg
et l’exécution de la direction nazie »... Ehud
Olmert lui-même doit le rappeler à l’ordre.
Déjà en 2001, comme ministre du gouvernement
Sharon, il demande le « transfert »
(l’expulsion de l’Etat « juif ») d’une grande
partie des citoyens arabes et déclare :
« Est-ce que je les vois comme des citoyens
de l’Etat d’Israël ? Non. Sont-ils coupables ?
Oui. Ils doivent trouver un autre endroit où
ils se sentiront à l’aise. »
Colon de Nokdim, colonie au sud-ouest de
Jérusalem, Avigdor Lieberman est un grand
défenseur de cette centaine « d’avant-postes »
qu’Israël devrait, selon la feuille de route,
démanteler immédiatement. Or, un des
points de l’accord de gouvernement serait
précisément la « légalisation » d’une partie
de ces colonies qui vont s’ajouter à toutes
les autres.
Mais son grand projet reste celui de redessiner
la ligne verte - la ligne d’armistice tracée
en 1949 et qui représente de fait la frontière
entre Israël et les territoires occupés.
La spécificité du programme d’Avigdor Lieberman
consiste à créer un Etat ethiquement
homogène. C’est ainsi que pour lui, le
triangle de la région de Wadi-Ara, transféré
à Israël par la Jordanie dans le cadre de
l’armistice après la guerre de 1948, serait
« restituée aux Arabes » pour en chasser
une bonne partie d’Israël... Dans l’immédiat,
il propose un système électoral qui
élèverait le seuil pour entrer au parlement
à 10% et qui mettrait dehors les partis
arabes et les partis religieux.
Et puis il est chargé au gouvernement, contre
l’avis d’Amir Peretz, de la planification, de
la préparation, d’une intervention militaire
contre l’Iran dont il prône le bombardement...
Un vrai programme de guerre.
Pour l’historien israélien Zeev Sternell, spécialiste
du fascisme européen, « Lieberman
est le plus dangereux politicien de notre
histoire. » « Je ne peux oublier », ajoute-t-il,
« que Mussolini est arrivé au pouvoir avec
seulement trente députés. »
Bernard Ravenel