La prochaine Assemblée générale de l’ONU, qui se réunira en septembre, accueillera-t-elle un 194e Etat ? Lors de la dernière assemblée, Barack Obama avait laissé entrevoir cette possibilité : « Quand nous reviendrons ici dans un an, nous pouvons avoir atteint un accord qui conduira à un nouveau membre des Nations unies – un Etat indépendant et souverain de Palestine vivant en paix avec Israël. »
On est loin d’un tel accord. Les négociations sont gelées et Israël poursuit sa politique de colonisation de Jérusalem-Est. Mais l’Autorité palestinienne (AP) est bien décidée d’aller de l’avant. Une perspective qui effraie la Maison-Blanche aussi bien que le gouvernement israélien et qui embarrasse nombre de pays européens.
« Nous remplissons les critères qui définissent un Etat. La Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Union européenne ont déclaré que nous étions prêts pour être un Etat. Enfin toutes nos tentatives de négociations basées sur les accords d’Oslo avec Israël ont échoué. Le temps est donc venu d’emprunter la voie légale pour une pleine reconnaissance en tant qu’Etat membre de l’ONU dans les frontières de 1967 », explique Ibrahim Kraishi, l’ambassadeur palestinien auprès des organisations internationales à Genève. « Le train palestinien est désormais en route pour New York », expliquait il y a peu à ses partenaires arabes le négociateur palestinien Saëb Erakat. Pour ceux qui en douteraient encore, le président de l’AP, Mahmoud Abbas, répète depuis des mois qu’il ne s’agit « pas d’une manœuvre » pour renforcer sa position face au gouvernement israélien. Cette fois-ci les Palestiniens sont sérieux.
Le problème est que Washington a déjà annoncé son intention d’opposer son veto au Conseil de sécurité à une telle demande décrite comme « unilatérale ». A un an de l’élection présidentielle, l’administration démocrate ne peut pas se permettre une confrontation avec le puissant lobby pro-Israélien au sein du Congrès. Dans le camp palestinien, certains veulent encore croire à un miracle. Mais on discute d’autres pistes pour une « reconnaissance internationale » contournant l’écueil du Conseil de sécurité.
La première consisterait à recourir à une procédure appelée « Unis pour la paix » qui permet à l’Assemblée générale de se substituer exceptionnellement au Conseil de sécurité. Or l’AP assure qu’une large majorité d’Etats (au moins 123) sont acquis à sa cause en cas de vote. Mais cette procédure ne peut s’appliquer qu’à des Etats membres, de plus elle ne permettrait pas d’obtenir le statut d’Etat membre à part entière.
L’autre alternative est la « voie du Vatican ». Ce dernier bénéficie du statut d’observateur à l’ONU en tant qu’Etat non-membre. La Palestine possède déjà un statut d’observateur mais en tant que simple mouvement. Il s’agirait dès lors de faire voter une résolution qui « élève » son rang à celui d’Etat. « Cela ouvrirait la porte aux organisations internationales et un jour au statut d’Etat membre », veut croire Ibrahim Kraishi. D’autres observateurs en doutent. En 1988, suite à une première déclaration d’indépendance de Yasser Arafat depuis Alger, l’Assemblée générale avait voté une résolution qui « reconnaissait la proclamation d’un Etat de la Palestine ». Cette reconnaissance de facto s’était accompagnée d’un premier changement du statut d’observateur de l’Organisation de libération palestinienne (OLP) qui était devenue l’« entité palestinienne ». Le fait de changer aujourd’hui la Palestine en Etat palestinien pourrait donc rester tout aussi symbolique qu’il y a vingt-trois ans.
« La voie royale, celle d’une reconnaissance en tant qu’Etat membre à part entière de l’ONU, reste aujourd’hui l’option préférée des Palestiniens, explique Riccardo Bocco, professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement. Mais celle de l’élévation du statut d’observateur serait la plus agréable pour Obama. Les Palestiniens n’ont pas encore décidé entre ces trois voies et quel type de résolution ils veulent présenter en septembre. »
Les Etats-Unis veulent éviter de se retrouver dans l’inconfortable position de devoir imposer un veto au risque de mécontenter un peu plus l’opinion publique arabe. De sa prison en Israël, le dirigeant palestinien Marwan Barghouti a prévenu qu’un tel geste « provoquera de fortes protestations de millions de personnes dans le monde arabe et musulman ». Les chancelleries européennes – et la Suisse – attendent de savoir quelle sera la stratégie palestinienne pour se prononcer.
Reste à savoir si une quelconque forme d’indépendance de la Palestine favorisera les négociations de paix. « Cela n’amènera pas une solution immédiate, estime Ahmed Khalidi, ancien négociateur palestinien qui enseigne au collège St Antony à Oxford. Peut-être qu’il y aura des tensions. Mais cela permettra au moins de traiter d’Etat à Etat et Israël sera alors clairement considéré comme puissance occupante. »