Nous sommes devenus tant habitués au carnage du Moyen-Orient que nous ne nous en soucions même plus - à condition de ne pas offenser les Israéliens. Ce n’est pas clair combien il y a de civils morts à Gaza, mais la réponse de l’administration de Bush, sans parler de la réaction pusillanime de Gordon Brown, réaffirme aux Arabes ce qu’ils savaient déjà depuis des décennies : alors qu’ils luttent contre leurs antagonistes, l’Ouest prendra le parti d’Israël. Comme d’habitude, le bain de sang était la faute des Arabes - qui, comme nous les savons tous, comprennent seulement le langage de la force.
Depuis 1948, nous avons entendu ces balivernes des Israéliens - de même que les nationalistes arabes et puis les Islamistes arabes ont colporté leurs propres mensonges : que la « charrette de la mort » sioniste soit renversée, que tout Jérusalem sera « libéré ». Et toujours M. Bush (père) ou M. Clinton ou M. Bush Jr. ou M. Blair ou M. Brown ont demandé aux deux côtés d’exercer de "la retenue" - comme si Palestiniens et Israéliens ont chacun autant de F-18 et de chars Merkava et de l’artillerie de campagne. Les roquettes « faites maison » du Hamas ont tué exactement 20 Israéliens en huit ans, mais un bombardement aérien d’une journée de l’aviation israélienne qui tue près de 300 Palestiniens, c’est du pareil au même.
Le fait d’éclabousser avec du sang a sa propre routine. Oui, le Hamas a provoqué la colère d’Israël, de même qu’Israël a provoqué la colère d’Hamas, qui a été provoquée par Israël, qui a été provoquée par le Hamas, que... Voyez ce que je veux dire ? Le Hamas tire des roquettes sur Israël, Israël bombarde le Hamas, le Hamas tire plus de roquettes et Israël bombarde à nouveau et... Pigé ? Et nous demandons de la sécurité pour l’Israël - d’accord - mais nous passons sur ce massacre massif et complètement disproportionné d’Israël. C’était Madeleine Albright qui a dit une fois qu’Israël était « assiégé » - comme si les chars palestiniens étaient dans les rues de Tel-Aviv.
Mais, la nuit dernière [29 décembre], le taux de change s’est levé à 296 Palestiniens morts pour un Israélien mort. Revenons en 2006, c’étaient 10 morts libanais pour un mort israélien. Ce week-end a connu le taux de change le plus inflationniste en un seul jour depuis - la Guerre du Kippour de 1973 ? La guerre de Six jours en 1967 ? La Crise du canal de Suez de 1956 ? La guerre de l’Independence/Nakba de 1948 ? C’est obscène, un jeu affreux - qu’Ehud Barak, le Ministre de Défense israélien, a admis inconsciemment quand il s’est exprimé ce week-end chez Fox TV. « Notre intention est de complètement changer les règles du jeu », a dit Barak.
Exactement. Seulement les « règles » du jeu ne changent pas. C’est un dérapage de plus sur les échanges arabo-israélien, un glissement du pourcentage plus impressionnant que les crashs de Wall Street, bien que de pas beaucoup d’intérêt pour les Etats-Unis qui -laissez moi le rappeler- fabriquent les F-18 et les missiles Hellfire (feux de l’enfer) que l’administration Bush supplie Israël d’utiliser modérément.
Nombre des morts de cette fin de semaine ont semble-t-il été des membres du Hamas, mais qu’est-ce que cela est censé résoudre ? Est- ce que le Hamas va dire : "Ou la-la-la-la, ce bombardement aérien est impressionnant - nous ferions mieux de reconnaître l’Etat d’Israël, tomber d’accord avec l’Autorité palestinienne, déposer nos armes et prier pour que nous soyons faits prisonniers et enfermés à jamais et supporter un nouveau « processus de paix » des Etats-Unis au Moyen-Orient ! » Est-ce cela ce que les Israéliens et les Etasuniens et Gordon Brown croient que le Hamas va faire ?
Oui, souvenons-nous du cynisme du Hamas, le cynisme de tous les groupes islamistes armés. Leur besoin de martyrs musulmans leur est aussi essentiel que le besoin d’Israël de les créer. La leçon qu’Israël croit enseigner - vient en enfer ou nous vous écraserons - n’est pas la leçon que le Hamas apprend. Le Hamas a besoin de la violence pour mettre l’accent sur l’oppression des Palestiniens - et compte sur Israël pour lui fournir. Quelques roquettes en Israël et Israël répond.
Pas un gémissement de Tony Blair, l’envoyé pour la paix au Moyen-Orient qui n’est jamais allé à Gaza dans son actuelle fonction. Pas un putain de mot.
Nous entendons la ligne israélienne ordinaire. Le Général Yaakov Amidror, ancien chef de la « de la division d’évaluation et recherche de l’armée israélienne » a annoncé qu’ « aucun pays dans le monde ne permettrait à ses citoyens d’être pris pour cible d’attaques de roquettes sans prendre des mesures fortes pour les défendre ». Tout à fait. Mais quand l’IRA tirait des mortiers sur la frontière en Irlande du Nord, quand leurs militants passaient depuis la République pour attaquer des postes de police et des Protestants, la Grande-Bretagne a-t-elle lâché la RAF sur la République irlandaise ? La RAF a-t-elle bombardé des églises et des réservoirs et des postes de police et tué 300 civils pour faire la leçon aux Irlandais ? Non, elle ne l’a pas fait. Par ce que le monde l’aurait vu comme un comportement criminel. Nous n’avons pas voulu nous baisser au niveau de l’IRA.
Oui, Israël mérite la sécurité. Mais ces bains de sang ne lui apporteront pas. Depuis 1948 les raids aériens n’ont pas protégé Israël. Israël a bombardé des milliers de fois le Liban depuis 1975 et personne n’a éliminé le « terrorisme ». Alors quelle a était la réaction de la nuit dernière ? Les Israéliens menacent d’une offensive terrestre. Le Hamas s’attend à une autre bataille. Nos politiciens de l’Ouest s’accroupissent dans leurs trous de trouille. Et quelque part à l’est - dans une grotte ? Dans un sous-sol ? Sur un flanc de montagne ? - Un homme célèbre au turban sourit.