L’Amérique de Barack Obama va-t-elle imiter celle de Ronald Reagan en supprimant ses contributions à l’Unesco, l’Organisation des Nations unies pour la science et la culture ? Washington menace de mettre fin au financement de l’organisation si celle-ci accorde à la Palestine le statut de membre. Réunie en conférence générale depuis mardi jusqu’au 10 novembre au siège à Paris, l’Unesco va sans doute approuver la demande palestinienne déjà acceptée au début octobre par son Conseil exécutif. L’alerte est sérieuse, car les Etats-Unis versent chaque année 22 % du budget de l’agence, soit 70 millions de dollars. S’ils s’exécutent, l’Unesco devra couper d’emblée dans ses programmes et effectifs.
Le président républicain Ronald Reagan avait fait sensation en 1984 en retirant les Etats-Unis de l’Unesco, jugeant l’organisation anti-américaine et surtout minée par une gestion inefficace. Il faudra attendre les attentats du 11-Septembre 2001 pour convaincre l’Amérique de rallier l’Unesco deux ans plus tard.
Ironie de la situation, le président démocrate Barack Obama n’a aucune envie de mener la même politique de la chaise vide que certains de ses prédécesseurs. Mais deux lois, votées par le Congrès en 1990 et 1994, le prennent en otage : elles imposent de stopper le financement de toute agence des Nations unies qui accepterait l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ou, en l’occurrence, l’Autorité palestinienne comme membre à part entière.
Aujourd’hui, l’administration américaine s’active pour tenter d’éviter une telle issue. Ce d’autant que le climat politique outre-Atlantique est électrique. A la fin août, la présidente de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, la républicaine Ileana Ros-Lehtinen a déposé un projet de loi de 153 pages exhortant le Capitole à revoir le financement (22 % du budget) de l’ONU si celle-ci ne se réforme pas. Sont particulièrement visés l’Unwra délivrant de l’aide aux Palestiniens et le Conseil des droits de l’homme à Genève.
De l’avis de nombreux experts, l’Unesco d’aujourd’hui n’est plus celle sanctionnée par Ronald Reagan. L’organisation s’est beaucoup réformée et promeut des valeurs qui sont proches des démocraties libérales occidentales. Un fait qui devrait rassurer Washington. Directrice générale de l’Unesco, la Bulgare Irina Bokova s’est fendue d’une tribune libre dans le Washington Post de lundi pour exhorter les Américains à ne pas rompre avec l’agence onusienne. Elle rappelle que son organisation coopère étroitement avec Washington dans l’intérêt des Etats-Unis, notamment en Afghanistan et en Irak, où elle prépare les communautés à s’assumer après le retrait des troupes américaines.
Quant aux Palestiniens, en quoi une approbation par l’Unesco de leur requête de reconnaissance peut-elle changer le cours des choses ? Aux Nations unies à New York, la demande présentée par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas en septembre, malgré les efforts acharnés de l’administration Obama pour l’en dissuader, est pour l’heure flottante. Des experts juridiques du Conseil de sécurité l’examinent. Le dossier progresse lentement au point que les Etats-Unis n’auront sans doute pas à opposer leur veto. Ils estiment que la résolution du conflit israélo-palestinien passe non pas par l’ONU, mais par un processus de négociations. Il n’est cependant pas impossible que l’Assemblée générale vote et décide d’attribuer aux Palestiniens le statut d’Etat observateur, leur permettant d’adhérer au Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale.
Le vote prochain des membres de l’Unesco a provoqué un vaste débat juridique aux Etats-Unis et dans les cercles onusiens new-yorkais. L’adhésion de la Palestine à l’agence de Paris contraindrait-elle les Nations unies à octroyer le même statut aux Palestiniens ? Professeur et ancien juge à la Cour internationale de justice, Georges Abi-Saab est catégorique : « Un vote positif à l’Unesco constituerait un précédent. Ce serait la première organisation internationale universelle à reconnaître la Palestine. Mais il ne serait pas contraignant pour les autres organisations internationales. »