Il s’agit d’un événement dont l’issue reste à connaître mais qui a pris tout le monde de court. Il avait été pourtant annoncé par deux précédents spectaculaires. Le 21 février, Khader Adnan arrêté quelques mois plus tôt avait été libéré après une grève de la faim de 66 jours en signe de protestation, notamment, contre la détention administrative dont il faisait l’objet.
Même s’il vaut mieux être détenu en Israël qu’en Syrie ou qu’en Egypte, cette disposition à la dénomination particulièrement anodine héritée du Mandat britannique permet aux autorités israéliennes de détenir indéfiniment une personne sans avoir à se justifier d’un point de vue judiciaire. Elle concerne 310 détenus. Un peu plus tard, le 1er avril Hana Shalabi, arrêtée en février, était libérée et expulsée vers Gaza après avoir refusé de s’alimenter pendant 46 jours.
Le nombre de détenus administratifs palestiniens (source B’tselem)
Les détenus qui embarrassent Israël par leur jeûne (lire cette note de Yaron Gamburg conseiller de l’ambassade d’Israël à Paris) réclament notamment la fin de la détention administrative, la possibilité aux familles résidant à Gaza (cible d’un blocus israélien presque total s’agissant des personnes) de rendre visite à leurs parents détenus. La Cour suprême israélienne, saisie sur le sort de deux grévistes de la faim, a refusé de s’impliquer dans cette affaire.
Cette opération collective a pris de court les instances palestiniennes, qu’il s’agisse de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ou du Hamas à Gaza. Ce n’est pas la première fois que la base prend de court les directions palestiniennes comme l’avait déjà montré la première intifada. Elle rappelle l’importance de la prison pour le mouvement national palestinien comme instance de politisation, a fortiori dans un contexte de divisions internes et en l’absence de perspectives politiques.
Dans l’ouvrage collectif consacré au Mur déjà mentionné dans ce blog, la chercheuse Stéphanie Latte-Abdallah était revenue sur une décision peu remarquée prise en 2005 par Israël : celle de transférer les détenus administratifs palestiniens de la responsabilité de l’armée à celle du Service des prisons israélien, où ils sont mêlés aux autres détenus de droit commun. Une volonté évidente de dissoudre la dimension de prisonniers politiques de cette détention particulière, principalement appliquée aux Palestiniens, à laquelle la grève d’aujourd’hui apparaît comme une riposte.