La relance par les Etats-Unis du processus de paix israélo-palestinien est proche de la panne sèche, malgré l’opiniâtreté du secrétaire d’Etat John Kerry dont des analystes peinent cependant à comprendre la stratégie. Le patron de la diplomatie américaine depuis février s’est déjà rendu quatre fois au Proche-Orient, soit autant que sa prédécesseur Hillary Clinton en quatre ans.
John Kerry, réputé sincère, adepte d’une « diplomatie des petits pas » sur un dossier casse-tête qu’il maîtrise bien, est toujours reçu chaleureusement par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et le président palestinien Mahmoud Abbas, mais il a dû renoncer cette semaine à son cinquième voyage en Israël, en Cisjordanie et en Jordanie, officiellement pour assister à des réunions à la Maison Blanche sur la Syrie.
« Stratégie discrète ».
Ce contretemps a suffi pour que des observateurs critiquent « la stratégie discrète » du secrétaire d’Etat, visant à remettre sur les rails un dialogue israélo-palestinien au point mort depuis septembre 2010. « Je n’ai pas l’impression que cela bouge beaucoup », fustige Marina Ottaway, professeure au Wilson Center de Washington : « Est-ce qu’il existe une diplomatie discrète avec des choses qui se dérouleraient en coulisses sans que nous ne le sachions ? Très franchement, j’en doute », souligne celle qui pense qu’un nouvel « échec est plus probable qu’un succès » pour John Kerry.
Le ministre a d’ailleurs prévenu Israël début juin qu’il serait bientôt trop tard pour faire la paix : une menace à laquelle Marina Ottaway ne croit plus car « nous avons trop souvent crié au loup » sans obtenir de résultat des Israéliens. De fait, Israël projette de construire de nouveaux logements dans des colonies en Cisjordanie, ce qui fera, selon les Palestiniens, « avorter les efforts de l’administration américaine ».
Le département d’Etat a critiqué son allié israélien, contestant une nouvelle fois la « légitimité de la poursuite de l’activité de colonisation ». Benyamin Netanyahou, qui s’est prononcé pour « une solution à deux États », avait prévenu que la colonisation en Cisjordanie continuerait. Il appelle régulièrement les Palestiniens à « des pourparlers de paix immédiats », mais récuse « les conditions préalables aux négociations », une allusion aux revendications palestiniennes de gel total de la colonisation comme base de discussions.
Discussions « en privé ».
John Kerry privilégie les discussions « en privé » avec chaque camp et n’a rien dit publiquement du fond des contentieux : tracé des frontières, statut de Jérusalem ou retour des réfugiés palestiniens. A ses yeux, Israéliens et Palestiniens doivent reprendre langue, puis parler des dossiers qui fâchent. Jusqu’à présent, John Kerry a proposé un vague plan de développement de quatre milliards de dollars pour la Cisjordanie et réactivé une initiative de paix arabe de 2002.
C’est insuffisant pour l’ex-conseiller du département d’Etat Aaron David Miller : « Kerry peut convaincre Israéliens et Palestiniens qu’aucune partie n’a intérêt à laisser la question (du processus de paix) sur le pas de sa porte. Mais relancer les discussions est une chose, les faire durer en est une autre ». « Si le processus de paix s’effondre encore une fois, il ne sera pas seulement mort, mais mort et enterré », avertit-il dans le magazine Foreign Policy.
Tout aussi pessimiste, Mme Ottaway pointe Israël, qu’elle trouve plutôt « détendu » face au statu quo : « Il n’y a pas d’intifada, pas de résistance active dans les Territoires. (Les Israéliens) ne se sentent pas particulièrement menacés et pressés de faire face aux problèmes ». Yousef Munayyer, directeur du Palestine Center à Washington, pense aussi qu’« Israël est content de soutenir des négociations, tant qu’il sait qu’il ne devra jamais mettre fin à l’occupation ».