LETTRE DE SAMER ISSAWI, le 3 mars 2013– publiée par Assawra
Traduite de l’anglais par CJ
Mon histoire n’est pas différente de celle d’un très grand nombre de jeunes Palestiniens, qui sont nés et vivent depuis toujours sous occupation israélienne. À 17 ans, j’ai été arrêté pour la première fois et emprisonné pendant deux ans. J’ai été arrêté une nouvelle fois à l’aube de mes 20 ans, en pleine seconde intifada à Ramallah, pendant l’invasion de nombreuses villes de la Cisjordanie, menée et nommée "opération bouclier défensif" par Israël, et condamné à 30 ans de prison pour résistance à l’occupation.
Je ne suis pas le premier membre de ma famille à être emprisonné, dans le long parcours de mon peuple pour la liberté. Mon grand-père, un des membres fondateurs de l’OLP, a été condamné à mort par les autorités mandataires britanniques, dont les lois toujours en vigueur sont appliquées par Israël pour opprimer mon peuple ; il s’est évadé quelques heures avant son exécution. Mon frère Fadi, tout juste âgé de 16 ans, a été tué par les Forces israéliennes pendant une manifestation en Cisjordanie, à la suite du massacre de la Mosquée Ibrahim à Hebron. Medhat, un autre de mes frères, a passé 19 ans en prison. Mes autres frères, Firas, Ra’afat et Shadi ont respectivement été incarcérés pour 5 à 11 ans. Ma sœur Shireen a été arrêtée de nombreuses fois et a passé 1 an en prison. La maison de mon frère a été détruite. Ma mère a vu son électricité et son eau coupées. Ma famille, comme la population de Jérusalem, ma ville bien-aimée, est continuellement harcelée et attaquée, mais nous continuons à défendre les droits des Palestiniens et des prisonniers.
Après presque 10 ans de prison, j’ai été libéré dans le cadre de l’accord entre Israël et le Hamas, sous égide de l’Égypte, pour la libération du soldat israélien Gilad Shalit en échange de prisonniers palestiniens. Pourtant, j’ai été arrêté à nouveau le 7 juillet 2012, près d’Hizma, un quartier situé dans la municipalité de Jérusalem, sous prétexte que je violais les termes de ma libération (je ne devais pas quitter Jérusalem). D’autres, également relâchés dans le cadre de cet accord, ont aussi été arrêtés à nouveau, sans raisons officielles. J’ai donc commencé une grève de la faim le 1er août pour protester contre ma détention illégale et la violation de l’accord par Israël.
Ma santé se détériore gravement, mais je poursuivrai ma grève de la faim jusqu’à la victoire ou la mort en martyr. C’est ma dernière pierre à jeter aux tyrans et aux geôliers, à jeter à la face de l’occupation raciste qui humilie notre peuple.
Je tire ma force de tous les hommes libres dans le monde qui veulent la fin de l’occupation israélienne. Mon faible rythme cardiaque perdure grâce à cette solidarité et ce soutien ; ma voix faible tire sa force de voix plus fortes et peut ainsi traverser les murs de la prison.
Ma lutte n’est pas une revendication pour ma propre liberté. Mes compagnons en grève de la faim, Ayman, Tarik, Ja’afar et moi luttons contre Israël et ses prisons pour tous les Palestiniens. Ce que j’endure n’est pas grand chose comparé au sacrifice des Palestiniens de Gaza, où les milliers de personnes tuées ou blessées sont le résultat des attaques brutales d’Israël et d’un blocus inhumain sans précédent.
Cependant, nous avons besoin de plus de soutien. Israël ne pourrait pas continuer à exercer cette oppression sans l’aide des gouvernements occidentaux. Ces gouvernements, et particulièrement le gouvernement britannique qui a une responsabilité historique dans la tragédie subie par mon peuple, devraient imposer des sanctions au régime israélien jusqu’à ce qu’il mette fin à l’occupation, qu’il reconnaisse les droits des Palestiniens et libère tous les prisonniers politiques.
Ne vous inquiétez pas si mon cœur cesse de battre. Je suis encore vivant et le serai même après la mort, parce que Jérusalem coule dans mes veines. Si je meurs, ce sera une victoire ; si je suis libéré, ce sera une victoire, parce que de toute façon, j’aurai refusé de me soumettre à la tyrannie et à l’arrogance de l’occupation israélienne.