traduit de l’anglais par Claire Bertrand, AFPS
Résultat de quatre ans de travail, et réalisé avec le soutien de l’Union Européenne, ce rapport examine la condition des enfants palestiniens emprisonnés dans les prisons israéliennes et leurs allégations de tortures et de mauvais traitements lors de leur arrestation, leur interrogatoire et leur procès devant un tribunal militaire. Résumé du rapport.
Près de deux enfants palestiniens arrêtés par jour
Le 20 mars 2012, la section Palestine de l’ONG Defence for Children International a publié un rapport intitulé “Bound, Blindfolded and Convicted : Children held in military detention” Ce rapport est, notamment, fondé sur l’examen de 311 déclarations d’enfants recueillies sous serment entre janvier 2008 et janvier 2012. Sur l’ensemble de la période considérée, le nombre moyen d’enfants palestiniens (12-17 ans) détenus par les autorités israéliennes était de 265, dont 34 % en moyenne étaient des jeunes enfants entre 12 et 15 ans. On estime que depuis l’année 2000, près de 7 500 enfants palestiniens - dont certains âgés de 12 ans - ont été arrêtés, interrogés et emprisonnés, ce qui fait environ 500 à 700 enfants par an, soit près de deux enfants par jour.
Dès l’arrestation, les mauvais traitements commencent
Les témoignages montrent que la majorité des enfants sont arrêtés au milieu de la nuit au cours de raids, généralement décrits comme terrifiants, menés par l’armée. Dès l’arrestation les mauvais traitements commencent :
– la plupart des enfants ont les mains attachées dans le dos de manière à leur faire mal et ont les yeux bandés ;
– en général, ni eux ni leurs parents ne savent où ils sont emmenés pour interrogatoire ;
– l’arrestation et le transfert sont souvent accompagnés d’attaques verbales et d’humiliations ainsi que de menaces et de violence physique. Le transfert peut prendre des heures et comporter des arrêts dans des colonies ou des bases militaires, lieux où les enfants peuvent subir d’autres mauvais traitements, être exposés aux intempéries, être privés de boire et ne pas être autorisés à aller aux toilettes.
Interrogatoire : 75 % de cas de violence physique et 50% de violence verbale
Plusieurs heures après, les enfants se retrouvent dans une salle d’interrogatoire, seuls, empêchés de dormir, contusionnés et terrifiés. Contrairement aux enfants israéliens vivant dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, les enfants palestiniens :
– ne sont pas accompagnés par un parent pendant l’interrogatoire ;
– et ne bénéficient de la présence d’un avocat que longtemps après le dit interrogatoire ;
De plus, alors que le régime de détention militaire reconnaît le droit des enfants à garder le silence au moment de l’interrogatoire, il est rare qu’ils soient informés de ce droit d’une manière qui leur soit compréhensible.
Les témoignages montrent que la plupart des enfants subissent un interrogatoire musclé mêlant fréquemment intimidations, menaces et violences physiques avec l’objectif clair d’obtenir une confession de leur part. Au cours des phases d’arrestation, de transfert et d’interrogatoire, la plupart (75 %) affirment avoir subi une forme de violence physique et 50 % des violences verbales ou des menaces. Dans la plupart des démocraties modernes, il ne serait pas possible d’utiliser les confessions soutirées dans ces conditions de leur part.
Qui plus est, dans 33 % des cas, on montre ou on fait signer aux enfants des documents rédigés dans une langue (l’hébreu) qu’ils ne comprennent pas.
Devant le tribunal militaire : la « confession » constitue l’élément de preuve
Une fois l’interrogatoire terminé, 87 % des enfants demeurent en détention jusqu’à leur comparution devant un tribunal militaire Dans les huit jours suivant leur arrestation, ils sont emmenés, enchaînés, pour comparaître devant un tribunal militaire où, le plus souvent, ils voient leurs parents et leur avocat pour la première fois.
Dans ces cours, les éléments de preuve retenus contre eux est leur confession ou celle d’un autre enfant qui a été soumis à un traitement similaire. Ainsi 90 %, peut être plus, des enfants finissent par plaider coupable même s’ils insistent pour affirmer leur innocence des accusations portées contre eux ; cela pour rester moins longtemps en détention.
Emprisonnement : un transfert illégal en Israël
Une fois jugés, ils sont transférés dans des prisons situées en Israël même en violation de la Quatrième Convention de Genève, un déplacement qui complique et parfois même rend impossible les visites des familles vu les restrictions imposées aux déplacements des Palestiniens en possession de cartes d’identité de Cisjordanie.
Des mauvais traitements systématiques
Pour évaluer l’importance des mauvais traitements rapportés par les enfants dans leurs témoignages, il faut considérer l’ensemble de leurs déclarations depuis le moment de leur arrestation jusqu’à leur comparution devant un tribunal militaire. Il faut également considérer leur âge, leur développement physique et psychologique ainsi que leur position relative d’infériorité. Dans les 311 témoignages recueillis, les enfants ont subi plusieurs formes de mauvais traitements et non une seule. En examinant l’ensemble de ces dossiers, on peut relever l’existence systématique de mauvais traitements dont beaucoup constituent un traitement cruel, inhumain ou dégradant aux termes de la Convention contre la torture des Nations unies et, parfois même, un acte de torture – les deux étant absolument interdits.
Les rapports de mauvais traitements et de torture dans le régime de justice militaire israélien ne sont pas nouveaux. De nombreux rapports publiés par des ONG palestiniennes et israéliennes ainsi que des organismes des Nations unies en ont traité, et de manière répétitive. L’absence de mécanisme efficace permettant de sanctionner ces comportements explique la situation. En effet, « il n’y a quasiment aucune chance qu’une infraction pénale commise par un soldat israélien à l’encontre d’un Palestinien franchisse avec succès l’obstacle de la plainte ».
Finalement, les témoignages révèlent que la plupart des enfants détenus viennent de villages proches des « points de friction », c’est-à-dire les colonies construites en violations du droit international et les routes utilisées par l’armée israélienne et les colons. En conclusion, alors qu’aucun enfant ne devrait être poursuivi devant un tribunal militaire qui se fonde sur des normes non équitables pour juger les mineurs, le rapport formule des recommandations visant à réduire le niveau de mauvais traitements. Il ne faut pas se faire d’illusion : la situation traitée dans ce rapport ne pourra être éliminée tant que les « points de friction » subsisteront et que les enfants palestiniens seront traités comme des individus de seconde classe.