Mme Catherine Ashton
Haute-Représentante de l’Union européenne
175, rue de la Loi
B-1048 Bruxelles
Belgique
A Paris le 20 juillet 2012
Madame la Haute Représentante,
Le droit international et les droits humains fondamentaux, ne sauraient être à géométrie variable.
C’est pourquoi nous considérons qu’en tant que Haute responsable de l’UE, il n’est strictement pas acceptable que vous apportiez, comme vous l’avez fait en réponse à une question de parlementaires européens, une justification à la pratique israélienne dite de « détention administrative ». Celle-ci est arbitraire, illégale et immorale. Elle est largement condamnée par l’ONU et par les organismes de défense des droits humains.
Votre déclaration du 6 juillet à ce sujet est un outrage impardonnable contre le droit.
La détention administrative dont la pratique vise à emprisonner les Palestiniens de tous âges et de tous sexes sans motif ni jugement pendant des périodes de 6 mois indéfiniment renouvelables est une violation totale des garanties judiciaires que l’Etat d’Israël se doit d’assurer en vertu des obligations qui lui incombent.
Dans ses articles 71, 72 et 73, la quatrième Convention de Genève consacre le droit à un procès équitable, le droit de défense et le droit de recours. Le Pacte international des droits civils et politiques met en exergue le droit à la liberté et à la sécurité et le respect de la dignité humaine des personnes détenues dans ses articles 9 et 10.
La détention administrative – mise en place sous le mandat britannique – est la mesure la plus extrême que la Force occupante israélienne s’autorise à utiliser contre les résidents d’un territoire occupé. Or la détention administrative ne peut être utilisée contre des personnes protégées en territoire occupé que pour des « raisons impératives de sécurité » (Quatrième Convention de Genève, Art.78).
Or Israël utilise ce type de détention de manière punitive et non préventive.
Tout le monde, ou presque, s’accorde sur ce point. Hamoked et B’Tselem observent, par exemple, que les autorités israéliennes appliquent la détention administrative en violation de ces garanties essentielles fournies par le droit international. Ils citent l’abus répandu des pouvoirs accordés aux militaires. Amnesty International et Human Rights Watch ont aussi condamné la politique d’Israël concernant la détention administrative.
B’Tselem précise : « Les autorités utilisent la détention administrative en tant qu’alternative rapide et efficace au procès criminel, principalement quand elles n’ont pas de preuves suffisantes pour accuser l’individu, ou quand elles ne veulent pas révéler leur preuve... Israël détient administrativement des Palestiniens pour leurs opinions politiques et leurs actions politiques non-violentes. De cette façon, les autorités augmentent la signification du danger à la « sécurité de la région » par la violation de la liberté d’expression et d’opinion. »
Actuellement, plus de 300 prisonniers politiques palestiniens sont détenus par Israël sans accusation ni procès.
Les autorités militaires israéliennes ont édicté 20000 ordres de détention administrative depuis 2000, à l’encontre d’enfants, de femmes, d’universitaires, de journalistes et de parlementaires palestiniens. Les Palestiniens sont jugés par des tribunaux militaires d’occupation ce qui viole les principes du droit international qui garantissent le droit à un procès équitable.
Vous faites par ailleurs référence à un « cadre stratégique » européen en matière de droits de l’homme en indiquant expressément que l’Union européenne placera les droits de l’homme au cœur de ses « relations avec l’ensemble des pays tiers » et qu’elle « œuvrera en faveur des droits de l’homme dans tous les domaines sans exception de son action extérieure », notamment « dans ses politiques relatives au commerce ».
Si l’on se reporte à votre appréciation sur la détention administrative c’est un droit à double standard que vous nous proposez. Il tient pour acquis l’exemption d’Israël, Force occupante, de toutes ses obligations internationales et conforte ce pays dans son impunité, ce qui vous permet de fermer les yeux sur l’article 2 de l’accord d’association UE-Israël qui mentionne que « les relations doivent être fondées sur le respect des droits fondamentaux de l’homme et les principes démocratiques qui régissent leur politique intérieure et internationale ».
Au nom même de leur droit à la dignité, des hommes et des femmes, mettent leur vie en jeu pour en finir avec ce système de détention administrative sans fin qui viole le droit, constitue une torture morale et physique et s’accompagne de mauvais traitements et de négligence médicale.
Votre approbation Madame Ashton conforte indiscutablement l’Etat d’Israël comme Etat au-dessus des lois, lui donnant une légitimité dans la poursuite de l’occupation et de la domination.
La question du droit est essentielle dans cette région du monde où chaque propos ou parole incontrôlés nous éloigne un peu plus de la paix surtout venant d’un haut responsable européen.
En conséquence nous vous demandons instamment de condamner à votre tour cette « détention administrative » comme étant fondamentalement contraire au droit et au respect des personnes. La liberté est en effet indivisible. Elle ne peut s’arrêter aux portes d’Israël.
Votre rôle est de l’y faire pénétrer dans ce pays aussi et non de tenter de justifier sa violation par Israël.
Dans l’attente expresse d’une prise de position de votre part qui soit conforme au droit et aux valeurs de l’Union,
Nous vous prions d’agréer, Madame la Haute Représentante, l’expression de nos salutations les plus démocratiques.
Moncef Chahed
Membre du Bureau National de l’AFPS