Un groupe de réflexion français, Avicenne, s’est penché sur la question à l’occasion d’un rapport consacré aux "printemps arabes". Dans la partie qui concerne la question palestinienne, les diplomates et journalistes qui composent Avicenne défendent l’idée d’une reconnaissance française capable, selon eux, d’enclencher un mécanisme vertueux associant l’Europe et les Etats-Unis pour aboutir à un règlement de paix israélo-arabe. Espoirs démesurés ? Sans aucun doute si on s’en tient au marasme actuel. Voici un extrait du rapport :
"Il faut cependant s’interroger sur l’après-résolution : si l’Assemblée Générale des Nations unies vote à une écrasante majorité la reconnaissance de l’Etat palestinien et si la France s’associe à ce vote, que se passera-t-il ? Que devons-nous faire, notamment, si les Etats-Unis, lors du passage nécessaire au Conseil de Sécurité pour l’admission d’un nouveau membre, imposent leur veto, comme l’a laissé entendre le président Obama dans son discours du 19 mai ? Une initiative pourrait être prise pour que l’Etat palestinien devienne au moins observateur auprès des Nations Unies au lieu et place de l’OLP qui l’est aujourd’hui. L’Etat palestinien pourrait aussi devenir membre des institutions spécialisées constituant la famille des Nations Unies. La France pourrait participer aux démarches en ce sens et ce serait l’occasion de reconstituer un axe Paris-Le Caire qui pourrait être porteur pour toute la Méditerranée (et qui ferait oublier le passé…).
D’autre part, la reconnaissance par Paris de l’Etat palestinien dans les frontières de juin 1967 aurait plusieurs conséquences :
– ouverture d’une véritable ambassade à Paris ;
– ouverture d’une ambassade française dans le nouvel Etat reconnu et envoi d’un ambassadeur accrédité ;
– reconnaissance d’un passeport palestinien ;
– décision que tous les citoyens résidant sur ce territoire et ne disposant pas de passeports européens sont tenus de demander des visas (ce qui inclut les colons installés sur ces territoires).
Enfin, n’est-il pas temps de poser le principe de « responsabilité de protéger » qu’a la communauté internationale par rapport aux Palestiniens ?
La nouvelle configuration palestinienne pose, une fois de plus, la question de la place du Hamas. Paris pourrait s’en saisir pour entamer un dialogue avec celui-ci, non pas en renonçant aux conditions posées par le Quartet mais en faisant de celle-ci un point d’arrivée et non de départ de la négociation.
Sur le plan européen, la France pourrait jouer un rôle pour porter le projet de reconnaissance de l’Etat palestinien. En mars 1999, réunis à Berlin, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union européenne affirmaient déjà « le droit permanent et sans restriction des Palestiniens à l’autodétermination, incluant la possibilité d’un Etat ». Il est temps de passer à l’étape de la reconnaissance formelle prévue il y a plus de dix ans.
Aucune solution durable n’est possible sans les Etats-Unis qui viennent de rappeler, à travers le discours du président Obama du 19 mai, leur volonté de favoriser une « paix durable ». Mais ils sont freinés par des considérations intérieures et une démarche européenne pourrait les pousser dans la bonne direction. Il faut rappeler que ce sont la France et la Communauté européenne qui, à partir de 1980 et de la déclaration de Venise, ont poussé l’idée de négociations avec l’OLP et de reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien, deux principes qui, à l’époque, étaient anathèmes pour les Etats-Unis et Israël. Les accords d’Oslo auraient-ils pu être signés si l’Europe n’avait pas joué ce rôle de défricheur ?
L’Union Européenne devrait aussi, conformément aux arrêts de la Cour européenne, renforcer les contrôles pour tracer l’origine des produits israéliens exportés et interdire la vente de ceux provenant des territoires occupés, c’est-à-dire des colonies dont l’illégalité est reconnue sur le plan international.
En Israël même, malgré la position de refus net du gouvernement, on semble assister à un certain mouvement de l’opinion. Des personnalités pour la plupart issues du Mossad, du Shin Bet, de l’armée et du monde des affaires ont rendu publique une initiative de paix israélienne en faveur de la création d’un Etat palestinien à côté de celui d’Israël. Cette initiative a été suivie d’une pétition dans le même sens signée par une soixantaine de personnalités dont dix-sept lauréats du Prix d’Israël.
Paris et l’Union européenne pourraient encourager ces évolutions, notamment en réaffirmant leur volonté de participer au système de garanties internationales à mettre en place. Les initiatives actuelles vont dans ce sens. Il convient de les poursuivre. De ce point de vue, la tenue d’une conférence internationale qui pourrait débloquer, si nécessaire, les négociations et ratifierait un accord israélo-palestinien, en présence des chefs d’Etat et de gouvernement, notamment arabes et israélien, et l’ouverture simultanée d’ambassades arabes en Israël, pourraient être un signe fort."