Laurent Fabius n’est plus ministre des affaires étrangères, mais la stratégie de la diplomatie française sur le conflit israélo-palestinien demeure inchangée. Il s’agit de trouver les voies d’une nouvelle mobilisation internationale, afin de favoriser la reprise de discussions politiques. L’ambassadeur de France à Tel Aviv, Patrick Maisonnave, a exposé cette approche, mardi 16 février, au ministère israélien des affaires étrangères à Jérusalem, où il a été reçu par le directeur politique, Alon Ushpiz. Si cette démarche se heurtait à des vents contraires trop puissants, alors la France serait prête à reconnaître officiellement l’Etat de Palestine, comme le prédécesseur de Jean-Marc Ayrault à la tête de la diplomatie française l’avait déjà envisagé fin août 2014.
Cette menace, qui pourrait inspirer d’autres pays en Europe et accentuer la pression sur le gouvernement israélien, explique pourquoi celui-ci ne balaie pas d’un revers de main l’initiative française. A ce stade, Israël recueille des informations sur son contenu et son calendrier, sans poser de conditions à un dialogue auquel il ne croit guère. La France veut sortir du cadre traditionnel des négociations, en vue d’une solution à deux Etats, soit sous patronnage américain exclusif, soit sous la stimulation stérile du Quartet (Etats-Unis, Russie, Union européenne, ONU). Cette fois, Paris voudrait « rebâtir un consensus », selon une source diplomatique, en impliquant davantage de pays, une quinzaine au total, dont les membres permanents du Conseil de sécurité, les grands pays de l’UE et les pays arabes incontournables, comme l’Egypte et la Jordanie.
Contexte défavorable
Deux étapes sont envisagées : d’abord au printemps, une réunion au niveau ministériel, sans la présence des deux parties concernées par le conflit. Puis, une rencontre au plus haut niveau avec elles. Ces deux sommets se tiendraient avant l’été. Un haut diplomate français de grande expérience, à la compétence reconnue, Pierre Vimont, a été chargé par l’Elysée de jouer le rôle d’envoyé spécial, pour rapprocher les positions. Il entamera dès que possible une tournée des capitales concernées. Le travail s’annonce ardu et les obstacles, innombrables.
L’attention du monde, et en particulier des grandes puissances de la région, est retenue par la guerre en Syrie et ses conséquences explosives. Dans la dernière année de son mandat, Barack Obama ne risque guère de reprendre l’initiative et d’exercer une pression inédite sur Israël, qui serait un cadeau électoral empoisonné pour Hillary Clinton. De son côté, Federica Mogherini, la haute-représentante de l’UE pour la politique étrangère, voit d’un mauvais œil le sabordage du Quartet, au bilan pourtant inexistant. Il faudra aussi convaincre Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, de faire un geste de bonne volonté, en ne réclamant pas le vote d’une résolution au Conseil de sécurité dont l’objet serait la condamnation de la colonisation.
Israël est parfaitement conscient de ce contexte très défavorable à l’initiative française. L’Etat hébreu préfère n’aborder que les questions sécuritaires, en exigeant l’arrêt des violences palestiniennes, pourtant dues à des individus isolés et non à une stratégie décidée au sommet. En visite officielle en Allemagne mardi, le premier ministre Benyamin Nétanyahou a qualifié la démarche française de « bizarre », une façon polie de la condamner sans opposer immédiatement une fin de non-recevoir. Le chef du gouvernement estime que le résultat final, la reconnaissance sans préconditions de la Palestine, est « l’assurance d’un échec de la conférence » car « les Palestiniens ne feront rien » dans ces circonstances favorables. M. Nétanyahou a apprécié, sans aucun doute, la remarque d’Angela Merkel. La chancelière allemande a estimé que « le temps n’était sans doute pas aux grandes avancées ». Une façon de confirmer le pessimisme ambiant.