Du jamais vu depuis la rupture de juin 2007 entre factions palestinienens rivales : un gouvernement d’union nationale a prêté serment lundi à Ramallah. Le président palestinien Mahmoud Abbas a annoncé « la fin de la division palestinienne », quand Israël déclare qu’il ne négociera pas avec lui. Pourquoi la réconciliation souvent annoncée mais jamais concrétisée a-t-elle soudain pris corps ?
Dit de « consensus », le gouvernement est composé de 17 ministres et soutenu par l’Autorité palestinienne et par le Hamas. De son fief de Gaza, le Hamas a déclaré qu’il remettait les pouvoirs à la nouvelle équipe.
Affaiblie, l’organisation islamiste a approuvé cette nouvelle tentative de réconciliation. Le mouvement palestinien avait beaucoup misé ces dernières années sur l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans dans la région. Mais ses espoirs se sont effondrés lorsque le président égyptien Mohammed Morsi a été chassé du pouvoir l’année dernière. Ce fut un choc pour le Hamas, soudain isolé puisqu’il venait de rompre avec le régime syrien de Bachar el-Assad ce qui l’avait éloigné d’un autre de ses parrains : l’Iran.
Du côté de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, le contexte a également évolué. En avril dernier, Israéliens et Palestiniens ont constaté l’échec des discussions de paix relancées neuf mois plus tôt par l’administration américaine. Des négociations jusque-là considérées par le Hamas comme un obstacle à la réconciliation.
Pour la première fois depuis sept ans, les Palestiniens ont donc un gouvernement unique censé fonctionner en Cisjordanie comme à Gaza, ce qui reste encore à vérifier. Enfin, la réconciliation ne sera complète qu’avec des élections dans les Territoires où le calendrier électoral s’est arrêté en 2005 pour la présidentielle et en 2006 pour les législatives.
En Cisjordanie, la peur des sanctions
En Cisjordanie la nouvelle a été reçue de manière mitigée. Notre correspondant à Ramallah, Nicolas Ropert, est allé à la rencontre de leurs habitants. Attablé à la terrasse d’un café avec ses amis, ce grand-père n’est satisfait pas de ce gouvernement d’union.
« C’est une bonne chose pour le Hamas, pas pour la Palestine. Ce sont les seuls à profiter de ce rapprochement. Ils ne veulent pas l’unité. Ils veulent juste résoudre leur problèmes. Ils sont en difficulté parce qu’ils n’arrivent pas à payer les 40 000 employés car ils n’ont pas l’argent pour ça. Il n’y a que ça qui les intéressent. »
Dans la clameur des souks, l’on évoque également la nouvelle. L’annonce du gouvernement n’a pas d’effet sur le chiffre d’affaires. « C’est toujours la même chose, plaisante Mohamed, un vendeur de fruits et légumes. Quelque soit les changements de dirigeants, cela ne change pas notre vie. » Fadi, un vendeur de vêtements, pense au contraire que c’est une bonne nouvelle. Il craint juste la réaction israélienne : « Nous savons de quoi Israël est capable. Mais la seule chose qui nous inquiète, ce sont les sanctions financières, si jamais ils n’envoient plus l’argent au gouvernement ou à l’Autorité palestinienne. Mais on a pas peur d’Israël. Dans tous les cas, je ne pense pas qu’ils feront quelque chose. »
Israël envisage des sanctions
Les Etats-Unis ont d’ores et déjà indiqué qu’ils discuteraient avec ce gouvernement. Pas Israël, qui l’accuse d’être soutenu par le Hamas. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu accuse une fois de plus Mahmoud Abbas d’avoir dit « oui au terrorisme, non à la paix ». Une rhétorique déjà entendue.
Pour Israël, il n’est pas question de « négocier avec un gouvernement palestinien soutenu par le Hamas, une organisation terroriste qui veut la destruction de l’Etat hébreu ». Le cabinet israélien s’est réuni dès lundi après-midi et dit envisager des sanctions contre l’Autorité palestinienne, sans mentionner lesquelles.
Parmi les ministres israéliens, les points de vue sont plus ou moins marqués : le centriste Yair Lapid, déclare qu’« il faut attendre de voir où va le gouvernement palestinien avant de faire quoi que ce soit ».
A l’autre bout de l’échiquier, le nationaliste religieux Naftali Benett, estime « qu’il faut passer de la défense à l’attaque ». Selon lui, il n’existe qu’une seule réponse possible face aux Palestiniens : annexer purement et simplement 60% de la Cisjordanie, là où se trouvent la plupart des colonies.