La guerre en Syrie, les agissements des groupes terroristes ou la crise des migrants préoccupent plus les chefs d’Etat présents à New York pour l’Assemblée générale de l’ONU que la situation à Gaza ou en Cisjordanie, rapporte notre envoyée spéciale aux Etats-Unis, Anne Corpet, qui rappelle que la cause palestinienne, autrefois omniprésente, a quasiment été éclipsée de l’agenda de l’Assemblée générale cette année.
Depuis près de 70 ans, la question palestinienne a pourtant fait l’objet de nombreuses résolutions à l’ONU, où elle avait été placée au cœur des débats. Mais bien peu ont été respectées, et de nombreux projets se sont heurtés au veto des Etats-Unis. Lors d’un discours très attendu à la tribune de l’Assemblée générale ce mercredi, le président de l’Autorité palestinienne devrait d’ailleurs profiter de l’occasion pour exhorter la communauté internationale à se remobiliser sur le sort de son peuple.
Un moment de fierté pour Abbas
Alors, jusqu’ici impuissantes à régler le conflit, les Nations unies ont donc néanmoins autorisé une mesure symbolique : la présence du drapeau palestinien devant leur siège. Une cérémonie est prévue ce mercredi dans les jardins de l’ONU, après le discours de M. Abbas, et en présence de ce dernier. On l’imagine : voir le drapeau rouge, noir, blanc et vert des Palestiniens flotter devant le bâtiment des Nations unies sera un moment d’émotion et de fierté pour le dirigeant palestinien. C’est ce qu’il a déclaré dans une tribune publiée aux Etats-Unis.
Mais Mahmoud Abbas n’est pas le seul à insister sur l’importance de l’évènement. Entre autres, le ministre français des Affaires étrangères a lui-même tenu à assister au lever des couleurs palestiniennes. Il explique pourquoi : « Nous, la France, nous sommes résolus à ne pas baisser les bras. Nous considérons qu’il serait à la fois irresponsable et dangereux d’abandonner ce sujet comme s’il était distant dans l’agenda international. Nous ne pouvons laisser la solution de deux Etats se déliter sous nos yeux. »
Satisfaction dans les Territoires ?
Même si huit pays, dont les Etats-Unis, le Canada et l’Australie, ont voté contre la résolution autorisant la présence du drapeau palestinien devant le bâtiment de l’ONU, les Palestiniens peuvent à juste titre considérer que le lever de leurs couleurs à l’ONU est une nouvelle étape vers la reconnaissance internationale de leur Etat.
Notre correspondant à Ramallah, Nicolas Ropert, confirme d’ailleurs ce sentiment en citant un certain Abou Issah, jeune ingénieur palestinien, qui confiait mardi, en sortant de son bureau, sa joie et sa fierté de voir le drapeau palestinien ainsi flotter pour la première fois devant le siège new-yorkais de l’ONU. Il prévoyait même de regarder la cérémonie en direct à la télévision.
« C’est une expérience très excitante, nous explique-t-il. J’ai vraiment hâte de voir ça ! J’espère qu’on va poursuivre dans ce sens parce que pouvoir hisser ce drapeau aux Nations unies, cela signifie que l’ONU nous considère de plus en plus comme un pays. C’est très positif. Peut-être qu’à la fin cela aura un impact bénéfique sur nos vies. »
Les actes plutôt que le symbole
Notre confrère a néanmoins interrogé d’autres Cisjordaniens sur leur sentiment. Car il serait réducteur de penser que tous les Palestiniens y voient un véritable évènement. Attablé dans un petit restaurant traditionnel de Ramallah, Eid Akraba est par exemple sceptique. Pour ce père de famille, le drapeau palestinien ne règle aucun problème. Il estime même que c’est un moyen pour les autorités palestiniennes de revendiquer une victoire qui n’existe pas.
« Tout ça, c’est du vent, ce n’est rien, tranche-t-il. Si le président veut aller à Naplouse ou même à Bethléem, il doit toujours demander l’autorisation aux Israéliens. Nous vivons toujours sous occupation militaire. Ce n’est pas ça, la paix. C’est une mauvaise paix. » Comme beaucoup de Palestiniens, Eid attend ainsi des résultats plutôt que des paroles et des symboles.