Depuis des mois, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, se dit prêt à rencontrer le leader palestinien Mahmoud Abbas pour renouer les discussions afin de trouver une issue au conflit israélo-palestinien. Pourtant, les révélations publiées dimanche 19 février par le quotidien israélien de centre-gauche Haaretz, sur la base de confidences anonymes d’anciens membres de l’administration Obama, montrent au contraire comment M. Nétanyahou a laissé passer une chance historique, début 2016, lors de négociations secrètes dans la ville d’Aqaba, dans le sud de la Jordanie.
Ces négociations, organisées par le secrétaire d’Etat américain John Kerry, ont eu lieu avec le roi Abdallah et le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi. M. Kerry a mis sur la table un plan en six points vers une solution négociée, dans un cadre régional, qui devait entraîner une reconnaissance d’Israël comme Etat juif par les pays arabes, une exigence de longue date de M. Nétanyahou. Mais ce dernier a louvoyé, estimant que ce plan serait inacceptable pour sa coalition.
Interrogé dimanche par Le Monde, le ministère des affaires étrangères israélien s’est refusé à tout commentaire. Une source proche de ces négociations a validé de son côté les informations de Haaretz. Lors d’une rencontre dans la matinée avec les ministres issus de son parti, le Likoud, le chef du gouvernement a confirmé la tenue de ce sommet secret d’Aqaba, dont il prétend même avoir été l’initiateur.
John Kerry s’était éloigné du dossier israélo-palestinien après l’échec du dernier cycle de négociations, en avril 2014. Mais, début 2016, il a formulé avec ses conseillers, rapporte le quotidien, un plan en six points, au contenu classique. Il prévoyait la naissance d’un Etat palestinien viable sur la base des frontières de 1967, avec échanges de territoires ; une reconnaissance mutuelle, comme Etat arabe et Etat juif ; un compromis sur la question des réfugiés ; Jérusalem, capitale des deux Etats ; des assurances sécuritaires pour Israël et un Etat palestinien démilitarisé. Le 31 janvier 2016, M. Kerry a présenté ce plan à M. Nétanyahou, à Davos, en Suisse. Avec une perspective attrayante : celle d’un sommet tripartite historique avec le roi Abdallah et le président Sissi. Ce sommet fut fixé le 21 février à Aqaba.
Les responsables de l’administration Obama, interrogés par Haaretz, expliquent que lors de cette rencontre secrète, M. Nétanyahou a exprimé des réserves, s’est montré hésitant, a formulé d’autres idées. Quelques semaines plus tard, le premier ministre commençait des discussions avec Isaac Herzog, le chef du Parti travailliste, afin de constituer un gouvernement de coalition lui donnant une base assez solide pour prendre un risque diplomatique. Le leader de l’opposition aurait été mis au courant des négociations en cours.
Le 15 mai 2016, lors d’une rencontre avec des membres de son parti enregistrée à son insu, M. Herzog a justifié ces discussions avec M. Nétanayhou, en évoquant une « rare occasion diplomatique qui ne se représentera peut-être plus ». « Je ne le dis pas pour rien, je le dis en connaissance de cause, déclara-t-il, selon un enregistrement publié à l’époque par la chaîne Channel 10. C’est plus compliqué que jamais, ça comporte beaucoup d’aspects, je ne sais pas si ça se produira. »
Et cela ne s’est pas produit. Les négociations entre M. Nétanyahou et les travaillistes ont pris fin, tandis que le premier ministre renforçait l’ancrage à droite de sa coalition en nommant, fin mai, Avigdor Lieberman ministre de la défense. Le 15 février, reçu à la Maison Blanche par Donald Trump, Benyamin Nétanyahou évoquait la possibilité d’un plan de paix régional...