On compte actuellement de 11.700 à 12.000 prisonniers palestiniens qui croupissent dans les prisons israéliennes. L’imprécision du chiffre tient au fait que c’est chaque jour que les arrestations massives ont lieu qui se terminent généralement par des peines d’emprisonnement ou de rétentions dites « administratives ». Rien qu’en janvier ce sont ainsi 540 palestiniens qui ont été arrêtés et on ne connaît pas le sort réservé à chacun. En tout cas c’est un nombre considérable de personnes qui se trouvent emprisonnées et on notera qu’un un mois c’est plus d’arrestations commises que le nombre de libérations qui avaient été annoncées dans le cadre d’Annapolis, soit 441.
D’une façon générale le nombre de prisonniers palestiniens ne cesse d’augmenter ces dernières années.
Rencontré à Ramallah fin janvier 2008, le ministre palestinien des prisonniers actuellement à Paris, donnait ces chiffres précis : sur l’ensemble des prisonniers, 333 sont des enfants de moins de 18 ans ; 115 sont des femmes et l’une d’entre elle vient d’accoucher, menottée, en prison où elle reste avec son bébé ; 900 sont comptabilisés comme étant en « rétention administrative » c’est-à-dire en attente de leur sort ; 356 étaient déjà en prison avant « Oslo » ; 70 ont déjà fait plus de 20 ans de prison. Le plus ancien ayant passé aujourd’hui 33 ans en prison et sa sœur sera présente à la rencontre prévue avec le ministre la semaine prochaine. On compte aussi 46 parlementaires parmi les détenus, dont le Président du Conseil législatif qui compte 132 députés.
Voilà pour les chiffres disponibles.
A cela s’ajoute le sort qui leur est réservé : jugements expéditifs ; mauvais traitements, tortures ; mort. En 2007, 6 prisonniers sont morts faute de soins. Et la semaine dernière encore un autre a connu le même destin. Des rapports existent sur tout cela et sont connus. A cela s’ajoute les difficultés volontaires, et contraires au droit, pour les familles : éloignement des prisonniers du lieu où vivent leurs familles. C’est ainsi par exemple que les parents du jeune Salah Hamouri doivent mettre 1 heure 30 pour rendre visite à leur fils et autant pour revenir.
La question des prisonniers est un des volets les plus sensibles, parmi la population. On sait que depuis 1967 ce sont en effet 750.000 Palestiniens qui ont été arrêtés, soit plus de 20 % de la population avec des répercussions énormes et de toutes sortes. Toutes les familles palestiniennes ont connu au moins un emprisonné depuis cette date. Imaginons, pour la France, que 12 millions de personnes aient été arrêtées. Insupportable.
Cette situation pose au moins trois séries de questions pour nous.
La première c’est la place accordée à cette réalité parmi les éléments constitutifs nécessaires pour un règlement du problème israélo-palestinien.
On évoque généralement, et à juste titre, 3 paramètres principaux (les frontières de 67 ; Jérusalem et le droit au retour). Il me semble que nous devrions mettre plus en évidence que la question de la libération des prisonniers constitue, aussi, un des éléments indispensables.
La position française sur cette question est, jusqu’à présent, l’exigence soulignée d’un élargissement sensible de prisonniers afin de créer des éléments de confiance entre les deux parties. Certes, si l’on considère cela comme une étape, on peut souscrire. Mais le problème va au-delà de la question de créer un climat de confiance dont les événements de Gaza montrent qu’on en est très loin.
La question est politique et globale : il ne peut y avoir de solution sans libération des prisonniers palestiniens.
La seconde série de problème tourne autour des moyens à réunir pour parvenir à faire progresser cette idée dans le contexte d’aujourd’hui où l’offensive idéologique vise à renverser les termes du débat et à rendre Israël légitime dans toutes ses actions. Cette entreprise largement engagée ne va pas sans laisser des traces dans les esprits, c’est évidemment fait pour cela. C’est une question majeure de la bataille politique qui nous est posée.
Nous avons eu un échange par mails sur la position française relativement à Salah Hamouri qui ne nous éloigne pas du sujet. Pour Shalit, un soldat capturé en uniforme sur son char, la France demande la libération. Sous entendu il est aux mains de terroristes, c’est un otage. Pour Salah elle demande un procès rapide. Autrement dit Israël est un Etat de droit (dixit Rama Yade) qui est agressé et qui doit se défendre. Autrement dit, encore, Israël est légitime dans cette affaire.
C’est une énorme question qui va au-delà du cas de Salah Hamouri et qui touche au renversement des fondamentaux et des responsabilités qui peut produire des effets considérables très pénalisants pour notre combat.
On veut faire admette l’idée que l’occupant a le droit non seulement d’occuper mais aussi le droit de juger l’occupé. C’est pourquoi je pense aussi que la question des prisonniers doit faire partie de notre contre-offensive. La question du portrait Shalit apposé sur les mairies doit être, selon moi, considérée en tenant compte de cette donnée. On ne peut avoir une réponse qui ne tienne pas compte du temps.
Enfin, troisième et dernier point que je veux aborder, le cas de Salah qui est un franco-palestinien et dont le cas est exemplaire de tout cela. Cela fait 3 ans qu’il est en prison sans être jugé du fait que les 25 ou 26 audiences où il a été convoqué ont été annulées faute de présence du témoin attendu. Ces témoins sont pourtant facilement « trouvables » : ce sont tous des prisonniers.
Il est accusé non pas d’avoir commis un acte particulier contre le rabbin extrémiste – Yossef Ovadia – qui soutient Olmert avec son parti « Shass » et qui est bien en vie.
Il veulent prouver, d’où ces témoins attendus mais jamais présents, d’être membre du FPLP (ce qui n’est pas le cas) et donc, comme il est passé en voiture devant la maison dudit rabbin 3 mois avant son arrestation, d’avoir pu nourrir l’intention de porter atteinte à la vie de ce rabbin.
La question c’est que Kouchner rencontrant les dirigeants israéliens le dimanche 27 février a fait valoir auprès d’eux cette exigence d’un procès rapide.
Cela n’a pas manqué de produire ses effets puisque le lendemain, dimanche, juste après ma visite à Salah ses parents m’apprenaient que le Procureur avait appelé l’avocate pour lui proposer le marché suivant : « 7 ans de prison si vous acceptez qu’on en termine rapidement ou sinon ce peut être plus ».
Il faut savoir que c’est un type de règlement de problèmes qui est classique là-bas.
Voilà donc un cas qui illustre et éclaire tout le reste et qui mérite sans aucun doute que nous poursuivions activement notre combat pour sa libération.
Voilà les trois points que je voulais évoquer et soumettre à votre réflexion.