Photo : Drapeau palestinien, au milieu des flammes à Gaza
Vendredi 9 juin, les forces israéliennes ont abattu un Palestinien dans le district de Ramallah, près du point de contrôle de Rantis, à l’ouest de la ville. L’homme a été identifié par le ministère palestinien de la santé comme étant Mahdi Biadsa, 29 ans. L’armée israélienne a affirmé que M.Biadsa roulait dans un véhicule volé et qu’il aurait « attaqué un soldat de l’IDF [armée israélienne] et tenté de lui voler son arme » lors de la fouille de son véhicule par l’armée, a rapporté Al Jazeera.
Vendredi 9 juin, les forces israéliennes ont attaqué un enterrement dans la ville de Beit Ummar, district d’Hébron, dans le sud de la Cisjordanie. Ils ont tiré des bombes lacrymogènes et des balles de caoutchouc sur les personnes en deuil, dans le cortège funèbre. Selon l’agence de presse Wafa, les soldats israéliens ont fermé l’entrée principale à l’approche du cortège funèbre, ce qui a provoqué des affrontements. « Les soldats ont aspergé de grenades lacrymogènes les personnes en deuil et les porteurs de cercueils », a rapporté Wafa, ajoutant que des dizaines de personnes ont été asphyxiées par le gaz et que deux personnes ont été blessées par des balles de caoutchouc. Une base militaire israélienne permanente se trouve à l’entrée de Beit Ummar, à proximité du cimetière local de la ville. Les forces israéliennes attaquent régulièrement les cortèges funèbres de la ville - en 2021, un jeune Palestinien a été tué par les forces israéliennes alors qu’il assistait à l’enterrement d’un garçon de 12 ans, originaire de Beit Ummar, tué par des soldats la veille.
Les forces israéliennes ont arrêté une trentaine de Palestiniens et en ont blessé au moins cinq autres lors d’une rafle en Cisjordanie, selon des observateurs locaux. Le vendredi 9 juin, les forces israéliennes ont effectué une descente dans la ville de Nabi Saleh et ont arrêté deux jeunes Palestiniens que les forces israéliennes auraient blessés les jours précédents. La semaine dernière, un garçon de deux ans, Mohammad Tamimi, a été abattu par les forces israéliennes. La mort du bambin a suscité des protestations à Nabi Saleh et une condamnation internationale généralisée.
En détails
Il y a près d’un an et demi que la résistance connait un regain en Cisjordanie. Beaucoup ont prédit qu’elle ne durerait pas très longtemps, mettant en doute son efficacité ou sa viabilité sur un terrain militaire profondément hostile. D’autres étaient beaucoup plus optimistes et, dans certains cas, à la limite de l’utopie, estimant que certaines zones de Cisjordanie deviendraient des refuges de guérilla dans lesquels l’armée israélienne ne pourrait pas pénétrer sans subir de pertes. Exception faite de Gaza, le seul exemple existant de ce à quoi cela pourrait ressembler, est le camp de Jénine, dont la longue histoire de résistance armée pendant la seconde Intifada a non seulement permis la persistance d’une présence armée dans le camp, mais a également conduit à l’évacuation des colonies dans la région de Jénine. Pourtant, ce qui a conduit de nombreuses personnes à qualifier le camp de « zone libérée », c’est le fait qu’avec la formation de groupes de résistance armée tels que la brigade de Jénine, les raids israéliens dans le centre du camp devenaient extrêmement rares.
Nidal Khazem, un membre de la Brigade de Jénine assassiné [1], l’a laissé entendre à Mariam Barghouti, correspondante principale de Mondoweiss en Palestine, lors d’une interview en octobre 2022 : « Notre objectif est de libérer toute la Palestine, mais ce que nous avons réussi à faire en tant que petit groupe est un accomplissement... Regardez le camp. C’est une zone libérée. Mais en tant que brigade de Jénine, nous ne pouvons pas libérer la Palestine ».
Les observations de M. Khazem n’étaient pas complètement fausses. Son propre assassinat a eu lieu à l’extérieur du camp, alors qu’il était dans la ville de Jénine, et il en a été ainsi de la plupart des meurtres perpétrés par des Israéliens qui ont visé les membres de la Brigade de Jénine au cours de l’année et demi écoulée. Ces assassinats ont généralement eu lieu soit à la périphérie du camp, soit en ville. Cela ne signifie pas que l’armée israélienne est incapable de pénétrer dans le camp, mais elle préfère attendre que les membres des groupes armés quittent la protection du camp pour frapper. La plupart d’entre eux étaient de jeunes hommes vivant cachés dans les limites du camp pendant des mois, avec peu ou pas d’entraînement militaire ou de discipline. S’aventurer hors du camp est devenu une tentative nécessaire, bien que peut-être insensée, pour sauver leur santé mentale. Ils l’ont fait à leurs risques et périls, et à leur perte.
Le groupe « La tanière des lions » a tenté de transformer la vieille ville de Naplouse en un havre de résistance similaire, mais il n’avait pas l’avantage d’une tradition accumulée de présence armée indépendante dans la vieille ville. Il est également probable que, dans la mesure où elle était une organisation naissante qui bénéficiait d’une sympathie populaire fulgurante, l’armée israélienne ait jugé utile de lancer des invasions massives dans la ville pour tenter de l’étouffer dans l’œuf et terroriser la population civile de Naplouse afin de la dissuader d’offrir son soutien à la résistance.
Cela pourrait expliquer l’ampleur des massacres commis par Israël au cours de l’année écoulée à Naplouse et à Jénine, puisque la grande majorité des blessés et une partie importante des tués étaient des civils non combattants. Après tout, la guerre d’Israël contre la résistance n’est pas seulement une guerre contre les groupes armés, mais surtout contre leur base populaire.
Pourtant, les prévisions les plus optimistes selon lesquelles la Cisjordanie pourrait être convertie en poches libérées imbriquées dans les bantoustans de l’Autorité palestinienne ne se sont pas encore concrétisées. Il est certain que les perspectives immédiates de ce scénario ont été réduites à la lumière de la campagne de répression et d’assassinats extrajudiciaires menée par Israël au cours des six derniers mois.
Alors que les annonces d’assassinats, de raids de l’armée, d’arrestations et d’attaques individuelles se succèdent sans interruption, il est indéniable que la vitalité d’antan des groupes de résistance de Cisjordanie s’est affaiblie au cours des dernières semaines. Il y a des variations régionales sur ce point, mais les attaques coordonnées d’Israël contre le camp de réfugiés d’Aqbat Jabr, le quartier Yasmina de la vieille ville de Naplouse, les camps de réfugiés de Balata et d’Askar, le camp de réfugiés de Jénine et Tulkarem, ont laissé derrière elles une série de martyrs. Sachant que les groupes de résistance ne peuvent supporter qu’un nombre limité de pertes. Le quartier de Yasmina est désormais vidé de sa jeunesse militante, le cimetière des martyrs du camp de réfugiés de Jénine n’a plus d’emplacements libres, et Aqbat Jabr continue à être régulièrement envahi par l’armée après un siège de plusieurs semaines sur Jéricho en mai. Le camp de réfugiés de Jénine pourrait résister encore un peu, et la présence armée y demeurera probablement même à long terme - mais la présence d’armes et l’utilisation d’armes ne sont pas la même chose.
Telle est la stratégie d’étranglement lent d’Israël depuis le début de l’année 2022. Bien qu’il puisse déclencher un assaut encore plus brutal qui tuerait des centaines de personnes - dont on peut voir un aperçu dans deux invasions agressives au début de l’année à Jénine et à Naplouse - une main aussi lourde risquerait de se retourner contre lui et d’inciter à une plus grande résistance. Même ce type de guerre de relativement faible intensité a suffi à provoquer une conflagration, et la cause sous-jacente de ce moment de résistance - le projet colonial des colons - n’a pas disparu.
Telle est la stratégie d’Israël depuis début 2022, un étranglement lent. Même s’il est en capacité de déclencher un assaut plus brutal, qui tuerait des centaines de personnes – dont on peut voir un aperçu dans les invasions violentes de Jénine et de Naplouse au début de l’année -, une attaque de cette ampleur pourrait se retourner contre lui et stimuler la résistance. Même ce type de guerre, de relative faible intensité, a suffi à provoquer un sursaut, et la cause sous-jacente de ce moment de résistance - le projet d’extension des colons - n’a pas disparu.
Cela ne veut pas dire que la résistance armée en Cisjordanie est irrémédiablement en déclin, mais qu’elle existe sur un terrain extrêmement hostile. Elle vit dans des villes et des camps de réfugiés laissés sans aucune protection face à l’action combinée et la collaboration active du pouvoir colonial et de l’Autorité palestinienne, qui travaillent ensemble à détruire le terreau sur lequel fleurit la résistance. Tant que cette réalité perdure, les perspectives de créer un havre de guérilla resteront lointaines et les résistants devront continuer à se battre à la marge.
Chiffres clés
Au moins 157 Palestiniens, dont 27 enfants, ont été tués en 2023 en Cisjordanie et à Gaza, selon le ministère palestinien de la santé.
Plus de 2 000 Palestiniens ont été arrêtés par les forces israéliennes entre janvier et avril 2023.
Traduit par : AFPS