Week-end cinéma Palestine
Vendredi 7 et samedi 8 novembre
Utopia Bordeaux
La voix de hind rajab
UNRWA, 75 ans d’une histoire provisoire
Ce qu’il reste de nous
Fidèles à leur rendez-vous annuel, Palestine 33 et l’Union Juive Française pour la Paix organisent le vendredi 7 et le samedi 8 novembre à Utopia la projection de trois films, qui sans être à proprement dire palestiniens, évoquent des événements qui marquent l’histoire tragique du peuple palestinien depuis plus de trois quarts de siècle. Ces films, La Voix de Hind Rajab, Ce qu’il reste de nous et UNRWA, 75 ans d’une histoire provisoire, sont présentés ici en avant-première, grâce à la forte implication de l’équipe d’Utopia dans la préparation de notre week-end. Seuls les deux premiers titres connaîtront une sortie prochaine en salles.
Vendredi 7 novembre 20h30 : La Voix de Hind Rajab
2025, France - Tunisie, 90mn, docufiction de Kaouther Ben Hania, présenté en septembre à la Mostra de Venise où il a obtenu le prix de jury, et dont la sortie nationale est programmée pour le 25 novembre.
La Voix de Hind Rajab s’appuie sur l’enregistrement réel le 29 janvier 2024 des échanges d’une petite fille de Gaza bloquée dans une voiture, où six membres de sa famille viennent d’être tués par l’armée d’Israël, avec l’équipe du Centre d’appels d’urgence du Croissant rouge palestinien basé à Ramallah, en Cisjordanie. Bouleversée par les extraits audio accessibles sur internet, dans lesquels on entend les appels au secours désespérés de la fillette, la cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania décide de réaliser un film sur cet événement. Elle obtient du Croissant rouge palestinien les enregistrements authentiques, qui se sont prolongés pendant plusieurs heures, et en collaboration avec les personnes concernées, en particulier la mère de Hind Rajab, elle entreprend dans l’urgence la réalisation du film.
C’est donc à partir de cette base documentaire audio poignante que la réalisatrice reconstitue avec des acteurs tout ce qui se passe dans le centre d’appels pour tenter de sauver la fillette et d’obtenir un feu vert de la part des autorités israéliennes afin de sécuriser le trajet très court mais extrêmement dangereux que doit parcourir l’ambulance de secours. Le film, d’une tension et d’une angoisse extrêmes, peut faire penser à l’univers hitchcockien, mais en réalité on est bien au-delà d’un thriller classique. C’est une œuvre dont les voix nous poursuivent et nous obligent à regarder en face la monstruosité de pratiques guerrières privées de toute humanité.
Samedi 8 novembre à 14h : UNRWA, 75 ans d’une histoire provisoire
2025, Suisse, 72mn, documentaire de Lyana Saleh et Nicolas Wadimoff, raconte l’histoire complexe de l’UNRWA, (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East) l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, une agence importante qui risque de disparaître.
En tant qu’unique organisation humanitaire créée en 1949 par l’Assemblée générale des Nations Unies, l’UNRWA avait pour objectif de répondre aux besoins essentiels des réfugiés palestiniens : santé, éducation, aide humanitaire, services sociaux. Conçue à l’origine comme une structure temporaire, l’agence dure pourtant depuis soixante-quinze ans, traversant guerres et crises successives, et s’enracinant profondément dans la vie sociale des Palestiniens. Grâce au système éducatif gratuit et de qualité qu’elle a mis en place, pour certains, elle représente le cœur de la culture et de l’identité palestinienne ; pour d’autres, elle sert à perpétuer l’idée d’un futur retour des réfugiés dans leur pays d’origine, idée qui donne lieu à des réactions hostiles du côté israélien.
En effet, si au cours des décennies, l’UNRWA est devenue une organisation incontournable pour des millions de Palestiniens, en contribuant à leur subsistance et à la préservation de leur identité, elle fait cependant face à des pressions et des critiques multiples. Et depuis le 7 octobre 2023, elle affronte la crise plus grave de son histoire, Israël l’accusant d’être une agence « terroriste » au service du Hamas et décidant son interdiction, au point que la perspective de sa disparition pure et simple est désormais évoquée. Dans le moment où la survie de cette agence est en question, le film, à travers des regards croisés, rappelle avec précision ses origines, son histoire et le paradoxe que constitue sa permanence au bout de soixante-quinze ans, alors que son existence avait été conçue comme provisoire et renouvelable tous les trois ans. Il nous permet aussi de comprendre à quel point la communauté internationale doit être énergique pour contrer la tentative d’Israël de supprimer l’UNRWA, tentative qui constitue un front supplémentaire dans sa guerre pour l’élimination du peuple palestinien.
Samedi 8 novembre à 17h : Ce qu’il reste de nous
2025, production multinationale (Allemagne, Palestine, Jordanie, etc.), 145mn, fiction de Cherien Dabis, dont la sortie en France est prévue pour mars 2026. Ce drame historique montre les répercussions de la Nakba sur trois générations d’une même famille palestinienne.
Trois générations sont en effet au cœur de cette saga familiale qui s’étend de 1948 aux années 2020. La réalisatrice, Cherien Dabis, joue le rôle d’une mère qui, après que son fils Noor a été grièvement blessé lors d’une manifestation de protestation en Cisjordanie au moment de la première Intifada, entreprend de raconter l’histoire de sa famille, dont la trajectoire compliquée traduit l’impact dévastateur de la Nakba. Son récit remonte à 1948, lorsque Sharif, le grand-père de Noor, se croyant protégé par son appartenance à un milieu relativement privilégié, et refusant de quitter Jaffa pour protéger la maison et l’orangeraie de la famille, se trouve pourtant expulsé de sa terre par les forces sionistes. C’est le point de départ d’une longue histoire de dépossession et de résistance, à l’issue de laquelle les personnages affirment leur dignité, une dignité qui est celle de tout le peuple palestinien.
Cherien Dabis : Je voulais faire un film qui soit une lettre d’amour à mon peuple
« Je pense que mon point de vue d’Américaine d’origine palestinienne m’a permis de voir ce que je devais faire pour attirer le monde vers le film, pour m’assurer qu’il soit vu dans le monde entier. Je voulais faire un film qui soit une lettre d’amour à mon peuple, pour que nous puissions nous voir représentés de manière authentique. Le film est donc une lettre d’amour aux Palestiniens et à nous.
D’un autre côté, je suis aussi une Américaine et je connais le point de vue des Occidentaux. J’ai grandi en devant constamment leur expliquer le point de vue des Palestiniens, en regardant les médias occidentaux constamment nous déshumaniser. Je voulais donc faire un film qui puisse aussi leur parler. Je ne prouve rien. Je montre l’humanité qui existe depuis des décennies. Les Palestiniens ont été si patients et si généreux pendant des décennies, si gentils, si aimants, si pacifiques. Il y a eu tellement de mouvements de résistance pacifiques et non violents en Palestine. Le monde n’a rien vu de tel. Je voulais donc montrer au monde ce que je pense de mon peuple, parce que je le connais. Je voulais lui montrer notre humanité, étouffée, que les médias occidentaux ne veulent pas montrer. »
Cherien Dabis avait tourné en 2009, Amerikka, un film racontant les mésaventures d’une jeune femme divorcée de Gaza qui, poussée par son fils, se décidait à émigrer en Amérique, et qu’Utopia avait alors programmé.



