Dans sa hâte d’annoncer une reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens avant de rentrer à Washington, John Kerry est sans doute allé un peu vite en besogne. En quittant Amman, le 19 juillet, le secrétaire d’Etat américain avait indiqué que les négociateurs des deux parties se retrouveraient dans la capitale fédérale la semaine suivante afin d’amorcer un processus de discussions que chacun prévoit long - de six à neuf mois -, mais dont les Palestiniens veulent qu’il ait un terme défini au départ. Il ne restait plus que quelques " détails " à régler pour entrer dans le vif du sujet.
Las, s’agissant de l’avancée du processus de paix au Proche-Orient, les obstacles ne manquent pas. C’est pour cela que la Maison-Blanche a fait état, lundi 22 juillet, d’un " optimisme très prudent " quant à l’issue des négociations et jugé utile de tempérer l’enthousiasme de M. Kerry : " Nous travaillons à trouver une date pour une réunion à Washington dans les semaines à venir, afin de faire avancer le processus ", a indiqué la présidence américaine.
Du côté tant israélien que palestinien, la circonspection, voire le scepticisme, semble de règle : " Si un accord est trouvé sur ces détails, en accord avec les demandes palestiniennes, une reprise des négociations sera annoncée ", a insisté Nabil Abou Roudeina, porte-parole du président de l’Autorité palestinienne. Mahmoud Abbas lui-même, dans un entretien au journal jordanien Al-Raï, a souligné que, si les négociations ne s’engagent pas, " toutes les options sont ouvertes ", une manière de rappeler que les Palestiniens n’ont pas abandonné celle consistant à poser la candidature de la Palestine aux agences des Nations unies et à porter plainte contre Israël devant la Cour pénale internationale.
Forcer la main de parties réticentes à ouvrir un dialogue peut être une tactique diplomatique payante, pourvu que l’écart des positions ne soit pas trop large. Or les " détails " touchent au coeur des divergences israélo-palestiniennes. Plusieurs responsables du gouvernement de Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, ont affirmé ces derniers jours qu’Israël a accepté le principe des pourparlers de Washington sans rien lâcher sur l’essentiel, et que ce sont les Palestiniens qui ont reculé.
Pour preuve, l’Etat juif n’accepte toujours pas que les discussions sur les frontières se déroulent sur la base de celles qui prévalaient avant la guerre de 1967. Il n’accepte pas, non plus, de s’engager sur un gel de la colonisation dans les territoires palestiniens occupés. Tout au plus pourrait-il être question d’une " retenue " dans les constructions.
S’agissant de la troisième exigence des Palestiniens - la libération des prisonniers incarcérés avant les accords d’Oslo de 1993 -, Israël fait une concession partielle : 82 prisonniers, sur les 103 réclamés par M. Abbas, devraient être libérés en différentes vagues. La première interviendrait après le début des négociations. Du moins si le gouvernement israélien en décide ainsi, probablement dimanche 28 juillet.
Ce même jour, les ministres devront voter sur un projet de loi prévoyant que tout accord de paix avec les Palestiniens sera soumis à référendum. Ce qui signifie que les Israéliens seront invités à se prononcer sur le retrait de territoires situés en Cisjordanie où la loi israélienne, au moins de jure, ne s’applique pas. Le champion de cette initiative est Naftali Bennett, ministre de l’économie et chef du parti nationaliste religieux Habayit Hayehoudi (" la maison juive ").
Cet ardent porte-parole du lobby des colons, hostile à la perspective d’un Etat palestinien, fait de cette question une priorité. Il menace de provoquer une crise gouvernementale s’il n’obtient pas satisfaction. Ce qui en dit long sur les arrière-pensées politiques d’une partie des membres du gouvernement. M. Nétanyahou, dont le parti, le Likoud, n’a jamais intégré dans son programme le principe de deux Etats, est favorable à la loi sur le référendum, alors que Tzipi Livni, ministre de la justice, chargée aussi du dossier palestinien, est contre.
Mahmoud Abbas n’est pas en reste s’agissant de la volonté de se couvrir politiquement par une approbation populaire. Lui aussi a annoncé qu’un éventuel accord avec Israël serait soumis à référendum, tout en insistant sur le fait que, dans une solution politique à deux Etats, les Israéliens devront quitter définitivement la terre de Palestine. Un objectif difficile à atteindre lorsque l’on sait que quelque 600 000 juifs résident aujourd’hui à l’est de la " ligne verte " (ligne du cessez-le-feu de 1949), dont 250 000 à Jérusalem-Est.
Certes, à ce stade préliminaire aux négociations, Israéliens et Palestiniens pratiquent la surenchère et jouent sur les ambiguïtés. Mais il n’est pas certain que ce soit la meilleure recette pour rechercher un compromis.