Un rapport du Comité Public contre la Torture en Israël accuse la Sûreté Générale [Shabak] de violer la loi par un emploi inacceptable des familles de prisonniers de sécurité palestiniens, visant à exercer des pressions sur eux pour obtenir d’eux des aveux. Aux dires de l’organisation, il s’agit, dans une partie des cas, d’arrestations abusives et injustifiées de membres de la famille. Il s’agit pour une autre part de mises en scène de pareilles arrestations réalisées dans le but d’exercer sur la personne interrogée une forte pression morale. Il s’agit généralement de personnes interrogées qui sont de toute façon déjà soumises à de dures tortures physiques. Dans au moins un cas qui est décrit dans le rapport, les pressions exercées par le biais de membres de la famille ont conduit à des tentatives de suicide de la part de la personne soumise à interrogatoires.
Le rapport sera présenté aujourd’hui à la commission parlementaire Constitution, Loi et Justice. L’avocat Aviel Linder qui l’a rédigé, explique que toute une série de conventions internationales interdisent les tortures mentales, en ce compris à la fois le fait de menacer de porter atteinte à des membres de la famille et le fait de leur porter effectivement atteinte. Le Comité donne le détail de six affaires, pour les années 2007 et 2008, mais précise avoir connaissance de dizaines d’autres cas et qu’il s’agit d’une « méthode d’interrogatoire répandue, utilisant des membres de la famille et, par leur intermédiaire, la violence psychique sur le détenu ». Dans la plupart des cas, il ne s’agissait pas de « bombe à retardement ». D’après le Comité, pareils interrogatoires font porter le doute sur la véracité des aveux.
Dans un des cas, selon le rapport, « la Sûreté Générale a menacé le détenu soumis à interrogatoire, nommé Said Dieb, que s’il ne collaborait pas, on arrêterait sa mère. La menace a été mise à exécution. Le lendemain, on a emmené Said Dieb pour qu’il voie, par un œilleton, sa mère en larmes, soumise à un rude interrogatoire ». En fin de compte, affirme le Comité, on a porté contre elles des accusations insignifiantes dans le but de justifier cette arrestation injustifiable.
Dans un autre cas, c’est « un couple qui a été arrêté, Jasser Abou Omar et Houla Zitaoui, et placé en détention prolongée, accompagnée de tortures physiques dures, et sans que ni l’un ni l’autre ne puisse savoir quoi que ce soit du sort de leurs petites filles de six mois et de deux ans ». Houla Zitaoui raconte qu’ « ils ont dit que mes filles étaient maintenant orphelines, sans père ni mère. Ils n’arrêtaient pas de jouer ce refrain. Ils m’ont montré une photo de moi portant ma petite fille dans les bras et ils m’ont dit que je devrais avoir pitié d’elle. Cette photo m’a tuée. J’ai pleuré à n’en plus pouvoir. Ils disaient que je ne la reverrais pas avant qu’elle ne soit déjà jeune fille et qu’elle ne me reconnaîtrait pas ».
En juillet 2007, le cabinet du Conseiller Juridique du Gouvernement a communiqué au Comité qu’ « habituellement, dans une situation où un membre de la famille du détenu n’est pas en état d’arrestation, et qu’il n’y a pas de raison légale à son arrestation, il n’y a pas à laisser entendre à la personne soumise à interrogatoire qu’une telle arrestation a eu lieu ». Malgré cela, affirme le Comité, cette méthode continue d’être pratiquée.
Le président de la commission parlementaire Constitution, Loi et Justice, Menahem Ben-Sasson (du parti Kadima), a réagi en déclarant qu’ « il ne faut pas oublier que nous nous trouvons dans une guerre contre le terrorisme. Cette réalité n’autorise pas des atteintes physiques irréversibles, mais oblige à d’autres actions, de manière mesurée et raisonnable ».
La Sûreté Générale a communiqué que « le service opère en la matière conformément à des règles qui ont été approuvées, il y a déjà longtemps, par le Conseiller Juridique du Gouvernement et selon lesquelles dans une situation où un membre de la famille de la personne soumise à interrogatoire n’est pas détenu, on ne donne pas à croire à la personne interrogée que c’est pourtant le cas. Il n’existe pas de situations où des membres de la famille de personnes soumises à interrogatoire ont été arrêtés sans qu’il y ait eu de soupçons à leur encontre. Les informations obtenues lors de ces interrogatoires permettent de parer au terrorisme et beaucoup de gens, en Israël, doivent la vie à des interrogatoires ».