Les quelques mois que nous venons de vivre ont été lourds de menaces et de souffrances pour le peuple palestinien, mais ils marquent aussi un tournant dont nous n’avons pas encore pris toute la mesure.
Les manifestations racistes de l’extrême-droite israélienne contre les Palestiniens de Jérusalem, qui ont démarré fin avril en plein mois de Ramadan, s’ajoutant aux menaces d’expulsion qui les visent particulièrement dans les quartiers de Sheikh Jarrah et de Silwan, se sont heurtées à une forte résistance de la population civile et notamment des jeunes. Cette fois, l’entreprise de dépossession menée depuis des années par Israël contre les Palestiniens de Jérusalem éclatait au grand jour.
C’est dans ce contexte, s’ajoutant à la décision unilatérale de Mahmoud Abbas de stopper le processus des élections palestiniennes, qu’ont démarré les tirs de roquettes menées depuis Gaza par une coordination de partis palestiniens dont le Hamas. Les bombardements israéliens censés y « répondre » ont été d’une violence destructrice sans précédent, marquant la volonté israélienne de détruire le maximum d’infrastructures d’habitation, de production, de culture et de santé, tout en terrorisant la population, traumatisée bien au-delà du nombre déjà terrible des morts, des blessés et des déplacés.
Les manifestations palestiniennes contre ces attaques israéliennes ont été massives et unanimes, à Jérusalem, en Cisjordanie, et en Israël même. Elles expriment le refus d’un statu quo mortifère, qui veut dire toujours plus de dépossession et toujours moins de droits, dans le silence de la « communauté internationale ». Elles expriment le refus d’un régime d’apartheid qui les écrase, et dont le caractère est maintenant largement reconnu, comme en attestent les rapports de B’Tselem et de Human Rights Watch. Elles expriment une volonté d’unité, et le refus de la dérive autoritaire de l’Autorité palestinienne.
C’est le monde entier qui est ainsi interpellé. En France, la mobilisation contre les exactions à Jérusalem et les bombardements de Gaza coïncidait très opportunément avec le lancement de notre campagne nationale contre l’apartheid. Nous avons répondu présents. Des dizaines de rassemblements et manifestations, dynamiques et nombreuses, ont eu lieu partout en France, à l’initiative de l’AFPS et de ses partenaires.
Les interdictions qui ont frappé les manifestations à Paris, en Seine-Saint-Denis , à Nice…, les multiples entraves mises au droit de manifester partout en France, n’ont pas d’équivalent en Europe. L’arrestation du président de l’AFPS à la sortie d’une audience qu’il conduisait au Quai d’Orsay est un événement d’une exceptionnelle gravité, et nos demandes d’explication sont restées sans réponse. La diplomatie française s’est déshonorée en refusant de condamner les provocations israéliennes à Jérusalem et les bombardements de Gaza. Quant au président de la République, il a franchi une nouvelle ligne rouge en soutenant dans un communiqué « le droit d’Israël à se défendre », de sinistre mémoire.
Lorsque les bombes israéliennes tombent sur Gaza, nous partageons la terreur éprouvée par les enfants palestiniens. Lorsque la jeune militante Muna Al-Kurd est interpellée avec son frère Mohammed le 6 juin à Sheikh Jarrah, la mobilisation est immédiate sur les réseaux sociaux du monde entier, et ils sont libérés dans la journée. Lorsque la haine raciste se déverse à Jérusalem, comme le jour de la « marche des drapeaux » le 15 juin, c’est notre propre système de valeurs qui est menacé.
Plus que jamais, nos combats sont connectés avec ceux du peuple palestinien.
Bertrand Heilbronn, 27 juin 2021