Un projet immobilier à Jérusalem-Est a provoqué un échange peu diplomatique, jeudi 2 octobre, entre dirigeants israéliens et leurs homologues américains. Approuvée sur le principe en décembre 2012, validée la semaine passée, l’opération prévoit la construction de 2 600 logements dans le quartier de Givat Hamatos. L’annonce a parasité la visite à Washington du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, qui a rencontré Barack Obama dans une atmosphère tendue.
Selon le porte-parole du département d’Etat, Jen Psaki, " ce développement va susciter la condamnation de la communauté internationale, éloigner Israël de ses plus proches alliés, et empoisonner l’atmosphère, avec les Palestiniens mais aussi avec les gouvernements arabes avec lesquels le premier ministre Nétanyahou veut construire des relations ".
Ce n’est pas seulement l’ampleur des constructions qui est en cause, mais leur emplacement : de facto, les logements de Givat Hamatos couperaient la continuité territoriale entre le sud de la Cisjordanie et Jérusalem-Est, sur laquelle les Palestiniens réclament la souveraineté.
En France, le Quai d’Orsay a vivement réagi à ce projet, rendu public par l’organisation non gouvernementale (ONG) de gauche La Paix maintenant. Pour le ministère français des affaires étrangères : " On ne peut prétendre plaider pour une solution - à deux Etats - et dans le même mouvement agir contre celle-ci sans que des conséquences en soient tirées, notamment au sein de l’Union européenne. " Ces " conséquences " éventuelles ne sont pas précisées.
En dehors de ce projet, la Maison Blanche a aussi dénoncé la prise d’une vingtaine de maisons mardi par des extrémistes juifs dans le quartier palestinien de Silwan, à Jérusalem-Est, juste au sud des fortifications de la vieille ville. Washington a regretté les " actes provocateurs " de l’organisation sioniste de droite Elad. Fondée en 1986, elle s’est donnée pour vocation de se réapproprier, une par une, les maisons de Silwan, quartier très paupérisé mais à l’énorme valeur archéologique.
Très riche, alliée à la municipalité, Elad rachète les bâtiments, dans le but de judaïser progressivement Jérusalem-Est. Mardi à l’aube, une vingtaine de maisons ont été ainsi occupées.
Dans les ruelles escarpées de Silwan, où circulent parfois des bus de touristes à la recherche d’un raccourci vers la vieille ville, on observait mardi un étrange ballet. De petites unités de police patrouillaient à pied, arme au poing, pour protéger les groupes de juifs qui s’étaient emparés des maisons, officiellement vides, la nuit précédente. La présence conjointe dans le quartier des forces de l’ordre et des partisans de l’organisation Elad laissait peu de doute sur la concertation préalable de l’opération.
De l’autre côté du trottoir, quelques adolescents palestiniens observent la scène. Un groupe de Juifs passe, portant des outils et une grande plaque en métal afin de renforcer le nouveau bien conquis. Derrière une grande enceinte sécurisée, où flotte un drapeau israélien, des mères de famille, foulard sur la tête, attendent l’arrivée d’un bus privé pour les emmener vers un lieu moins hostile. On ne sait si elles ont peur, mais elles sont là en mission : une centaine de familles juives vivent à présent à Silwan, cloîtrées, au milieu de dizaines de milliers de Palestiniens.
Le gouvernement, lui, estime que Washington est mal informé et préfère incriminer le lanceur d’alerte, La Paix maintenant, qu’il accuse de vouloir compromettre la rencontre entre Benyamin Nétanyahou et Barack Obama. Le premier ministre a dénoncé le manque de " responsabilité nationale " de l’ONG.
Il a aussi souligné qu’il n’avait " aucune intention de dire aux Juifs qu’ils ne peuvent pas acheter d’appartements à Jérusalem-Est. Cela relève de la propriété privée et de droits individuels. Il ne peut y avoir de discrimination ni contre les Juifs ni contre les Arabes. "
La Paix maintenant a publié un communiqué pour répondre à Benyamin Nétanyahou. L’ONG y rappelle que " sur à peu près 55 000 logements construits par le gouvernement dans les quartiers de Jérusalem-Est depuis 1967, pratiquement aucun n’a été vendu à des Palestiniens ".