De son lieu de naissance à Budrus, en 2003, elle s’est épanouie au pied du mur, à Bil’in, village devenu emblématique d’une résistance non violente, déterminée, avide d’universalité, et de reconnaissance. Face à l’occupation grandissante et dévorante d’Israël, avec le soutien d’associations internationales et anticolonialistes israéliennes, la résistance populaire non violente s’est implantée dans d’autres villages, aujourd’hui au nombre de 30, incluant 4 quartiers de Jérusalem Est.
La base de son action : à l’appel du Comité populaire, habitants et membres d’associations anticolonialistes israéliennes et internationales manifestent, le plus souvent chaque vendredi, devant le mur et les colonies qui encerclent les villes et villages en Cisjordanie et dans la "buffer zone", majorité de terres cultivables confisquées, à Gaza. La réponse des Forces Israéliennes d’Occupation est extrêmement violente, les arrestations sont systématiques et chaque semaine les villages comptent leurs blessés et parfois leurs morts, comme à Bil’in en 2009, à Nilin à quatre reprises ou à Nabi Saleh, par deux fois, fin 2011 et fin 2012.
Les autres volets de son action sont socio-culturel et politique : soutien à la population (formation, création de nouvelles sources de revenus, camps d’été pour les enfants...) ; soutien aux agriculteurs (défense de leurs terres, campagnes de plantations, aide lors des récoltes...) ; aide légale aux prisonniers (paiements des amendes et cautions…) ou encore organisation, sur le terrain, de conférences internationales.
Quel constat, après plus de 8 ans de lutte non violente ?
La Résistance populaire a gagné une audience internationale indéniable, notamment au sein de la population civile, mais aussi dans certains milieux politiques et institutionnels. Elle a contribué à casser l’image de « terroriste », largement et injustement attribuée au peuple palestinien, et qu’Israël n’a eu de cesse de cultiver pendant des décennies. Elle a permis aux associations de la solidarité internationale d’approcher et de convaincre un public en croissance constante. Et sur le terrain, elle a réalisé des exploits comme la récupération d’une partie des terres confisquées à Budrus et à Bil’In.
Mais, entravée dans son unification par le morcèlement du territoire en Cisjordanie et l’enfermement à Gaza, elle est aussi la proie de divergences et de récupérations diverses, économiques et/ou politiques, dont nous ne discuterons pas les fondements mais qui provoquent depuis quelques temps remous et scissions effectives. Le "report" de la conférence de Bil’in, pour manque d’organisation suffisante, en est un des signes. La difficulté de fédérer une Résistance populaire unifiée en est un autre. Par ailleurs, le nombre des manifestants, s’il ne diminue pas, n’augmente pas non plus et les Comités populaires éprouvent une vraie difficulté à mobiliser les jeunes. Il est probable qu’ils soient plus encouragés par leur famille à suivre leurs études qu’à s’exposer aux arrestations et aux mauvais traitements infligés par l’armée israélienne. Enfin, n’oublions pas qu’Israël emploie tous les moyens pour la réduire à néant. Tous les moyens. Et les colons, de plus en plus violents et dangereux, participent activement à cet impitoyable travail de sape.
Les conséquences ?
La Résistance populaire non violente palestinienne... résiste, toujours aussi vivante, offensive et déterminée. Mais elle n’en est pas moins à un tournant de son histoire. En quête d’une nouvelle stratégie, d’un nouveau souffle, elle cherche à sortir des seuls périmètres des villages et du jour hebdomadaire de protestation, sans les abandonner pour autant. Son projet est de développer de nouvelles actions, lesquelles commencent à se multiplier, à l’instar du premier village de toile de Bab al Shams, installé par surprise dans le zone E, promise à une extension rapide de la construction coloniale. "Par surprise, partout, n’importe quand", sont les maîtres mots de cette nouvelle stratégie : installation spontanée de villages de toile pour récupérer les terres confisquées, manifestations sur les routes interdites aux Palestiniens, ouverture des barrières, rassemblements simultanés dans plusieurs zones... En résumé : surprendre l’armée israélienne et les colons, créer une nouvelle synergie et rassembler le plus de monde possible. La résistance populaire devient ainsi une lutte nationale et dépasse les strictes revendications locales.
Ses besoins ?
Un soutien politique national et international affirmé, des moyens financiers équitables pour les besoins de la mobilisation et des actions juridiques et une adoption claire de cette stratégie de la part des forces politiques palestiniennes.
Sans être en danger sur le fond - "Resistance is existence" - la Résistance populaire non violente est mise à rude épreuve et le contexte actuel d’exaspération absolue et de colère, totalement justifié, ne l’aide pas pour l’instant à clarifier son message. C’est certainement aujourd’hui, plus que jamais, que notre rôle de soutien, impartial et efficace, prend tout son sens.