Dans moins d’une semaine en Israël, auront lieu les élections législatives anticipées convoquées par le premier Ministre israélien Benjamin Netanyahou à l’automne dernier et déjà, l’on sait qu’elles ne réserveront pas de grande surprise. Cela aurait pu. En effet, le choix qu’opèrera Netanyahou, qui de toute évidence, sera le futur premier Ministre, de s’allier aux sionistes religieux et aux orthodoxes plutôt qu’aux partis du Centre-gauche, confortera sa politique radicale menée depuis trois ans. Politique radicale à l’égard des Palestiniens, mais également des Israéliens qu’il n’a pas tiré de la crise, et du reste du monde qui regarde de plus en plus Israël avec méfiance voire rejet.
Les Israéliens se sont habitués à flirter avec le bout du bout de l’échiquier politique parce qu’aucune alternative viable ne leur est offerte. Pire : ces élections conforteront la radicalisation du champ politique israélien entamé depuis dix ans et l’effondrement du camp de la paix et du parti travailliste depuis lors. En trois mots : de la gauche.
Ce n’est pas un parti pris mais une sérieuse inquiétude que nous soulevons sur le bon état de santé de la démocratie israélienne, puisque depuis que Ehud Barak, l’ancien premier ministre et ministre de la défense et ancien membre du parti travailliste, a rejoint le gouvernement de droite et d’extrême droite, « les gauches » ont bien du mal à se trouver une nouvelle place. Quelle opposition stable et construite existe-t-il vraiment ? Même lors des plus grosses manifestations sociales de l’histoire en 2011 contre la grave crise économique que traverse le pays, le Parti travailliste n’est pas parvenu à canaliser les attentes et à répondre aux exigences d’une opposition prête à ressusciter. Shelly Yachimovich, l’ancienne journaliste et chef du Parti travailliste n’obtiendra pas plus de 15 sièges, alors que la liste commune Likoud-Beitenou, emmenée par Netanyahou et le parti de Lieberman, en attend près de 37.
La première surprise de l’agitation médiatique préélectorale est bien sûr venue de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, démissionnaire après une mise en examen pour fraude et abus de confiance. Il était avec Ehud Barak, le troisième pilier de la coalition gouvernementale. Netanyahou perd un précieux allé : l’ancien videur de boîtes de nuit de Moldavie, président d’Israel Beitenou et le plus agressif, raciste et anti-palestinien ministre des Affaires étrangères que le pays ait connu. Peu apprécié à l’étranger, il n’est pas à exclure qu’il demeure incontournable dans la vie politique israélienne s’il sort blanchi et en revienne plus fort.
Deux personnes créent au moins la surprise et confortent l’enracinement à droite des électeurs pour ces nouvelles échéances : d’une part, l’ancien jeune chef d’entreprise Naftali Bennett du parti La Maison juive (HaBeit HaYehudi), résurrection du Parti National Religieux qui était en déshérence depuis deux décennies, se présente comme le troisième homme et se voit crédité à l’heure actuelle d’environ 14 sièges. Ce dernier s’est prononcé entre autres pour une annexion pure et simple de la zone C de la Cisjordanie, soit l’essentiel de la Palestine, pour en faire une énième zone de sécurité pour Israël. Les Palestiniens présents se verraient accorder la citoyenneté israélienne mais la Palestine perdrait 60% de son territoire. Il propose de mener la guerre sur deux fronts que n’a pas combattus Netanyahou : le terrorisme avec lequel on ne peut pas « faire avec » et la crise économique et sociale pour venir en aide aux plus pauvres. Au sein même du Likoud, Netanyahou passera bientôt pour un modéré lorsque l’éternel outsider Moshe Feiglin, qui ne cesse de monter, aura pris un nouvel ancrage au sein du parti en l’enracinant plus à droite toute. En effet, il n’avait pas hésité à parler du transfert de l’ensemble des Arabes israéliens hors d’Israël. Ce que le premier Ministre historique Ben Gourion n’avait jamais osé faire et regrettait amèrement dans ses Mémoires. Il avait été arrêté pour désobéissance civile pendant la période des accords d’Oslo et s’était montré un fervent défenseur du médecin juif extrémiste Barouch Goldstein, qui avait tué 29 Palestiniens en train de prier en pénétrant dans le Tombeau des Patriarches à Hébron en 1994.
De l’autre côté, les petits partis historiques comme de grands partis plus récents ne cessent de s’effondrer ou s’effondrent littéralement. Kadima, parti fondé par Ariel Sharon, un temps présidé par l’ancienne ministre des Affaires étrangères Tsipi Livni puis malmené avec les va-et-vients de Shaul Mofaz qui avait rejoint trois mois la coalition gouvernementale en 2012 alors que le parti était dans l’opposition, s’effondre avec une projection de 3 sièges. Il avait pourtant été le grand gagnant des dernières élections législatives en 2009 avec 28 sièges contre 27 pour le Likoud. Tsipi Livni s’affuble d’un second échec, puisqu’elle n’est pas parvenue ces derniers jours à fédérer l’ensemble des partis du Centre-gauche qui aurait pu constituer une alternative viable à la majorité nationale et religieuse écrasante. Le Meretz, parti historique de gauche culmine à 3 sièges. Yech Atid, le parti de l’ancien journaliste Yaïr Lapid, créé en 2012, aurait 8 sièges mais refuse également de se laisser courtiser par Netanyahou.
Un virage aurait pu être attendu si Netanyahou était dans une véritable hésitation entre s’allier aux partis du Centre gauche pour constituer sa future coalition ou poursuivre avec les partis religieux et sionistes. Il y a fort à parier qu’il poursuive avec cohérence avec le Shas, parti orthodoxe séfarade et les autres petits partis à kipa blanche. IL n’a jamais voulu être dans le compromis, quel qu’il soit : il se souvient encore de la manière dont il avait perdu son poste en 1999 pour avoir envisagé quelques avancées en faveur des Palestiniens.
Mais après tout des miracles n’ont ils jamais eu lieu dans la région ?
Sébastien Boussois